150 ans après l'invasion des Mongols arrivent brusquement du nord-est les armées de Tamerlan (Timour) et en 1400 elles ont réussi à s'emparer du pays en entier, ainsi que de la Mésopotamie, d'une partie de l'Asie centrale, jusqu'en direction de l'Inde aux portes de Delhi et au nord vers les steppes à la frontière de la Russie.
Tamerlan ne perdra jamais pendant sa vie toute la passion belliqueuse qui l'habite. Sa politique de conquête est simple : si la ville assiégée refuse de se rendre, Tamerlan la fait tout simplement raser et fait tuer ses habitants, ne laissant que les enfants en bas âge, les vieillards, ainsi que quelques artisans et artistes utiles à sa gloire. Il fait déporter ces derniers dans sa capitale de Samarcande, où il se lance dans des projets grandioses de construction qui doivent témoigner de sa puissance et de son pouvoir. Les sources historiques soulignent que les murs des palais timourides étaient recouverts de portraits de Tamerlan, des membres de sa famille, des concubines préférées de son harem, ainsi que de représentations de ses victoires guerrières, mais pourtant aucune peinture n'a survécu...
Il nomme ses fils et ses petits-fils gouverneurs de diverses provinces et désigne comme successeur Pir Muhammad. Cependant après les troubles qui ont suivi la mort de Tamerlan, c'est son seul fils survivant, Shahrokh, qui prend le pouvoir. Son gouvernement est suffisamment stable, pour relancer les arts et la culture en général. Shahrokh commande plusieurs manuscrits enluminés, dont l'un des plus connus est le Madjma at-Tawarik d'Hafez. Plusieurs copies en ont été faites, mais il n'existe plus aujourd'hui qu'un seul exemplaire qui est conservé à Istanbul, tandis que des feuillets détachés d'un autre exemplaire sont dispersés dans différents musées du monde. Le style de ses miniatures a été dénommé « style historique de Shahrokh » par l'expert Richard Ettinghausen. Ses traits caractéristiques se distinguent par des personnages importants peints en arrière-plan, des sols avec un horizon élevé et une végétation rare. Shahrokh préfère le style lyrique au style historique.
Le neveu de Sharokh, Iskander Soltan, est à l'époque gouverneur de la province du Fars. Iskander a largement soutenu sa bibliothèque de Chiraz dont sont issus plusieurs manuscrits qui rivalisent de merveilles et datent pour la plupart des années 1410. Iskander commande deux anthologies de poésies (en 1410 et en 1411), un manuscrit d'horoscopes et un traité d'astronomie. Les anthologies ressemblent par leurs illustrations aux grands dessins de plein champ du Divan du sultan de Bagdad, Ahmad Djalayir. On retrouve ce style dans les figures allongées, les montagnes multicolores – souvent de couleur corail – et la nature traitée de manière lyrique. Elles ouvrent la voie par leur éclat à la miniature timouride des années 1430-1440.
Iskander fomente un complot contre Shahrokh, mais il est vaincu et son oncle le fait exécuter en 1415. Après son arrestation, une partie des artistes et calligraphes de sa cour part s'installer à Hérat. Shahrokh installe son fils Ibrahim Soltant comme gouverneur de Chiraz. Son autre fils, Baïsonqor, part en guerre en 1420 pour enlever Tabriz aux tribus turcomanes, puis il retourne à Hérat, emmenant avec lui des peintres de Tabriz. Les deux fils de Shahrokh sont tous les deux fort cultivés. La miniature persane est en plein essor dans la première moitié du XVe siècle. Le musée de Berlin conserve dans sa collection d'art islamique une Anthologie poétique de 1420, avec une mention manuscrite d'Ibrahim Soltan à son frère Baïsonqor. Les maîtres de Chiraz peignaient non seulement pour la cour, mais possédait aussi toute une clientèle de grands seigneurs et de riches marchands à qui était destinée une production d'une qualité légèrement moindre.
La bibliothèque la plus luxueuse de la première moitié du XVe siècle est celle de Baïsonqor qui est située à Hérat. Malgré son addiction à l'alcool qui le fait mourir à l'âge précoce de trente-six ans, Baïsonqor fut capable de donner de nouvelles inspirations à ses peintres qui atteignent un sommet à cette époque, surtout dans l'illustration des manuscrits de Kalila et Dimna, du Livre des rois et le Golestan de Saadi. Un document unique, conservé aujourd'hui à Istanbul, indique que le chef de la bibliothèque de Baïsonqor, le calligraphe Djafar Ali de Tabriz, est comptable devant le souverain de vingt-deux projets ; allant de la miniature de manuscrit à l'architecture. Le document mentionne également les noms des vingt-cinq collaborateurs (calligraphes, peintres, enlumineurs, relieurs, etc.). Le nom de Baïsonqor est lié à plus d'une vingtaine de manuscrits illustrés et d'un grand nombre de miniatures sur feuillets à part. Dans cette liste impressionnante, il faut mentionner les miniatures les plus remarquables qui sont celles du manuscrit de l'histoire de Kalila et Dimna (1429) et celles du Livre des rois (dit « Livre des rois de Baïsonqor », 1430). Elles sont considérées comme des modèles de la peinture persane classique.
Après la mort de Baïsonqor, son atelier royal ne disparaît pas, bien qu'il soit possible que plusieurs artistes soient partis. C'est de 1436 qu'est daté le Miradjnameh, récit des voyages mystiques de Mahomet qui est produit à Hérat. Il comporte soixante-et-une miniatures et un texte écrit en arabe et en ouïgour. L'atelier d'Hérat produit aussi un Livre des rois en 1450, pour le troisième fils de Shahrokh, Mohammad Djouki, bibliophile et patron des arts. Les miniatures ressemblent par le style à celles des œuvres de 1430 commandées par Baïsonqor.
Dans la première moitié du XVe siècle, une œuvre se tient à part, celle du peintre Mohammad Siyah Qalem, qui représente dans ses dessins des derviches, des chamans, des démons et des sorciers, thématique qui n'entre pas dans le courant traditionnel de la peinture persane. Cet artiste est, par ses sujets et sa manière de peindre, plus proche des traditions d'Asie moyenne et de Chine que des traditions persanes. La plupart de ses dessins sont aujourd'hui conservés à Istanbul au palais de Topkapi. L'influence chinoise sur l'art timouride de la première moitié du siècle est omniprésente, surtout dans les ornementations que l'on retrouve dans la décoration de tous les sujets. Les souverains timourides étaient en relations commerciales étroites avec la Chine et des articles avec des ornementations arrivaient sans cesse sur le marché. On importait aussi de la peinture sur soie, surtout dans le genre extrêmement populaire des « oiseaux-fleurs », qui était copié par certains peintres persans.
Après la mort de Shahrokh qui intervient en 1447, les princes timourides entrent en conflit les uns contre les autres. Le fils de Shahrokh, Oulougbek, qui gouvernait de façon totalement indépendante dans les faits la Transoxiane, s'empare de Hérat et déporte ses artistes chez lui à Samarcande. Il gouverne seul pendant presque deux ans sur les terres timourides. Ensuite à l'issue d'un complot mené par son fils Abd al-Latif, il est déposé et exécuté en 1449. Deux ans plus tard, c'est au tour d'Abd al-Latif d'être tué, ce qui inaugure une nouvelle période d'instabilité. Celle-ci est due à la rébellion des tribus turkmènes qui se fédèrent sous la désignation de Moutons noirs et s'emparent de l'Iran occidental et méridional, et même pendant une courte période de Hérat en 1458. Neuf ans plus tard, en 1467, c'est une union de tribus turkmènes rivales, les Moutons blancs, qui prend le pouvoir.
Pendant ces temps troublés, les artistes passent d'un gouvernement à l'autre. De la mort de Shahrokh en 1447 à l'arrivée au trône de Hossein Bayqara en 1470 à Hérat, aucun manuscrit illustré n'est commandé. Cependant dans les territoires pris par les Turkmènes, les artistes travaillent comme autrefois dans les grandes villes. Des années 1450, il ne subsiste jusqu'à nos jours qu'un seul manuscrit, un exemplaire du Khamseh, composé dans le style de Tabriz de l'époque d'Ibrahim Soltan, ainsi que quelques miniatures séparées dans le style hérati de l'époque de Baïsonqor.
Pir Boudak, fils du chef turkmène Djahanshah, et nommé par lui gouverneur de Chiraz, se rebelle et contre la volonté de son père s'empare de Bagdad en 1460. Deux manuscrits datent de l'époque de son gouvernement dans cette ville. L'un est un Khamseh réalisé à Bagdad en 1465 dont les miniatures mélangent le style hérati avec des innovations d'artistes de la cour d'Hossein. Cette année 1465 est la aussi celle de la rébellion de Pir Boudak contre son père ; mais c'est Djahanshah qui prend le dessus. Ses troupes entrent à Bagdad et il fait exécuter son fils. Lui-même meurt deux ans plus tard des mains de son adversaire Ouzoun Hassan et en conséquence les terres des Moutons noirs sont rattachées aux terres des Moutons blancs. Malgré le fait qu'il existe des témoignages écrits sur les murs recouverts de fresques et de peintures des palais d'Ouzoun Hassan à Tabriz, il n'y a plus qu'un seul manuscrit qui nous en soit parvenu. Commandé par son fils Khakil, il est dédié à son père. Il existe d'autres commandes faites par d'autres princes ; on peut distinguer parmi elles une anthologie poétique réalisée à Chamakhi, commandée par le gouverneur de Chirvan, Faarroukh Yassar qui s'était soumis au pouvoir des Turkmènes. En outre, il existe une quantité d'œuvres dites de « bazar », dont une partie a survécu aujourd'hui. La qualité de leurs miniatures est certes moindre, que celles réalisées pour la cour. Parmi les manuscrits les plus remarquables de la fin du XVe siècle en style turkmène, on peut mentionner un exemplaire du Livre des rois de 1494 pour Ali Mirza, sultan de la province du Guilan, qui contient trois cent-cinquante miniatures. Dans nombre de ces miniatures, les personnages sont représentés avec une tête exagérément grande, et c'est pourquoi le manuscrit a reçu le nom de Livre des rois à grandes têtes. Une version du Khamseh est commandée pour le prince timouride Babour Baïsonqor, mais elle est saisie par les Turkmènes en guise de trophée et ce sont des artistes turkmènes qui l'achèvent, dans un style proche de l'anthologie poétique réalisée à Chamakhi.
C'est à cette époque de la capitale timouride de Hérat que s'épanouit de nouveau l'art de la miniature persane. Elle coïncide avec l'arrivée au pouvoir d'Hossein Bayqara en 1470 qui reste sur le trône pendant trente-six ans. Certes son règne n'est pas sans conflits et rébellions – les Turkmènes sont sans cesse menacés à l'ouest avec des révoltes de princes timourides rivaux, et à l'est l'orage gronde avec les Ouzbeks. Hossein est un souverain sage. Il réunit à sa cour de Hérat de brillants poètes, artistes et savants. Le grand poète Navoï – qui est l'homme le plus cultivé de son temps – lui sert de vizir et Djami travaille aussi à la cour avec toute une pléiade d'artistes, dont Behzad au premier plan. Les invités et courtisans du souverain ne doivent pas seulement connaître l'étiquette, mais aussi les règles de l'art, et débattre dans ses infimes détails de la poésie, de la musique et de l'art pictural. Les compositions rigoureuses et ordonnées des miniatures de l'école de Hérat de cette époque reflètent cet esprit de cour.
Le manuscrit les plus ancien qui soit rattaché au nom du sultan Hossein Bayqara, c'est le Zafarnameh écrit par Chir Ali en 1467-1468, avant que le sultan Hossein ne monte sur le trône. Ce livre manuscrit est consacré à la glorification des expéditions guerrières de Tamerlan et doit servir à affermir les droits d'Hossein, son successeur qui doit continuer son œuvre. Le manuscrit est composé dans les années 1480. Les experts considèrent que les miniatures sont du pinceau de Kamaleddin Behzad. Ainsi la miniature de La Construction d'une mosquée à Samarcande reflète typiquement l'intérêt de Behzad envers les situations quotidiennes et la description de diverses activités banales, ainsi que sa manière de figurer les poses et les personnages avec une pointe d'humour. Quelques miniatures semblent avoir été réalisées par un autre. La plupart de ces œuvres datent des années 1480-1490.
C'est de 1488 qu'est datée une autre œuvre de l'atelier d'Hossein, un exemplaire du Boustan de Saadi. Le style de Behzad s'y exprime à son mieux, avec des notes colorées et modulées donnant toute une gamme d'impressions de grandeur et de merveille. Les personnages ont des gestes et des attitudes pris sur le vif, mais beaucoup d'entre eux sont en fait des portraits d'après modèle. Quatre miniatures sont signées de Behzâd.
On peut enfin évoquer des manuscrits issus de la cour d'Hossein, une version du Khamseh qui est commandée par le prince timouride Aboul Qassim Babour (il gouverne de 1449 à 1457) et qui est restée inachevée à la mort du prince. Deux artistes la complètent dans les années 1480 : il s'agit de Sheikhi et de Mohammad Darvish dont les merveilleuses compositions sont dans un style légèrement différent de celui de Behzad, notamment par la représentation d'une végétation luxuriante et fantastique servant d'ornementation. En plus de ces commandes princières, il circule à l'époque à Hérat une quantité d'œuvres plus « commerciales » dont une partie subsite de nos jours, comme le Khavarnameh, conservé à la Chester Beatty Library de Dublin.
D'après Wikipédia