(anthologie permanente) Maria Luisa Vezzali

Par Florence Trocmé

dès le début

nous étions ensemble,
indispensables,
et pourtant, en quelque sorte
déjà seules, incompréhensibles
l’une à l’autre, flambeaux à pic
au-dessus du noir des antiques, sans enseignes,
à palpiter de chaleur ensanglantée
l’une pour l’autre
nous y voyions s’écouler
des codes indéchiffrés de nous,
en contraste sur l’écran de la lune,
primitif miroir d’argile,
concave et convexe,
de cette même forme,
enlisées dans une aurore infectée
de passion, d’identité et de férocité,
éclipse de blé, chaud et fauché,
sous la terre, je veux rester
avec des yeux de terre, je veux te regarder,
te boire, je veux, avec les pépins d’orange
entre les dents et dans les conduits des oreilles,
l’onde nocturne que fut ta voix,
durant la nuit plus longue,
douce, perdue, effrayante
ton âme, je veux boire sur ta langue
les lettres illisibles que tracent
tes doigts sur l’ourlet du coussin,
rester ici et ne pas être mortes,
briser chaque souffle
dans le karst des ans, sans être jamais
fantômes, être plutôt planètes,
en fuite par des trajectoires secrètes,
dans cet espace d’étoiles fragiles ;
reste proche à éloigner de moi le froid,
chante-moi le chant de l’accueil,
la dure carte de l’hérédité,
la loi qui dit : nous sommes les pierres
angulaires d’un vide sans pièges,
auquel j’appuie
le corps s’assagit, qui nous dit

que nous aurions une mort plus définitive,
abolies toutes nos distances
et recousues les déchirures des ongles
sans que continuât à nous transpercer ensemble
la ligne, la barque qui glisse en arrière
indéfiniment
pour retrouver le sang et les génomes,
descendant des voies de lutte irréductible,
la ligne passera plutôt par ici,
nous la verrons voyager sans surprise,
j’attendrai
qu’elle s’enroule sur cette feuille
sur laquelle, maintenant, la lumière aveugle
par intermittence,
vitale, poreuse comme ton ventre
quand il ne restera rien d’autre,
la ligne descendra
par des gestes
répétés à la perfection, sans que jamais
on n’eût appris
la façon de brosser
les cheveux, le cou surchargé de tendresse,
le rythme selon lequel tourne
la petite cuiller,
liquide, coulera la ligne,
projetée par les stations de l’âge,
avec le sifflement narcotique du songe,
elle percera mes lèvres endormies
sur les yeux plus chers,
cette paix sera la ligne
qui me continuera au delà de moi,
qui unit malgré tout,
mère
fin dal principio

noi eravamo insieme
imprescindibili
eppure in qualche modo
già sole, incomprensibili
l’una all’altra, fiaccole a precipizio
sul buio delle antiche senza insegne
pulsar di caldo insanguinato
l'una per l'altra
là vedevamo scorrere
codici indecifrati di noi
contrasto sullo schermo della luna
primitivo specchio d'argilla
concavo e convesso
di quella stessa forma
impantanate in un'aurora infetta
di passione, identità e di ferocia
eclissi di grano caldo e falciato
sotto la terra voglio rimanere
con occhi di terra voglio guardarti
berti voglio con i semi d'arancia
tra i denti e tra i corridoi degli orecchi
l'onda notturna che fu la tua voce
durante la notte più lunga
e dolce, e perduta, e paurosa
l'anima voglio berti sulla lingua
lettere illeggibili che tracciano
le tue dita sull'orlo del cuscino
stare qui e non essere morte
frantumare ogni singolo respiro
nel carso degli anni senza essere mai
fantasmi, essere piuttosto pianeti
in fuga per traiettorie segrete
in questo spazio di fragili stelle
rimani vicina a fuggirmi il freddo
cantami il canto dell'approdo
la dura mappa delle eredità
la norma che dice siamo le pietre
angolari di un vuoto senza trappole
al cui appoggio
il corpo rinsavisce, che ci dice
avremmo morte più definitiva
risolte tutte le nostre distanze
e ricuciti gli strappi delle unghie
non continuasse a trapassarci insieme
la linea, la lancia che scorre indietro
indefinitamente
a rintracciare il sangue ed i genomi
giù per vie di lotta irriducibile
la linea invece passerà di qui
la vedremo viaggiare non sorprese
la aspetterò
avvolgersi su questo foglio
sul quale ora la luce acceca
a intermittenze
vitale, poroso come il tuo ventre
quando non rimarrà niente altro
la linea calerà
dalla parte dei gesti
ripetuti a perfezione senza che mai
si siano imparati
il modo di spazzolarti
i capelli, il collo gravato dalla tenerezza,
il ritmo con cui giri
il cucchiaino
liquida affonderà la linea
proiettile tra stazioni di età
con il fischio narcotico del sogno
forerà le mie labbra addormentate
sopra gli occhi più cari,
quella pace sarà la linea
che mi proseguirà oltre me,
che unisce nonostante tutto
madre
*
sous l’arc des fondations

la cendre des morts
est matière inébranlable
universelle réfractaire
à l’action de l’oubli
à l’incendie des jours
aux rumeurs
remplaçant le ciment
elle porte la cité sur son dos
comme les colimaçons
remplaçant le papier, elle suffit
à mille encyclopédies
supporte l’hyperbole
le souffle gonflé de colère
la ponctualité des systèmes
remplaçant les mains
les choses ne perdent pas leur velours
la nourriture a toujours
le même
goût
n’est pas moins douce
que la nuit
la solitude
di sotto all'arco delle fondamenta

la cenere dei morti
è materia incrollabile
universale refrattaria
all'azione del dimenticare
all'incendio dei giorni
ai rumori
sostituendola al cemento
porta città sulla schiena
come chiocciole
sostituendola alla carta basta
per mille enciclopedie
tollera l'iperbole
il soffio gonfio d’ira
la puntualità dei sistemi
sostituendola alle mani
le cose non perdono velluto
il cibo ha sempre
lo stesso
sapore
non è meno dolce
di notte
la solitudine
Deux poèmes de Maria Luisa Vezzali, traductions inédites de Chantal Bizzini.
Bio-bibliographie de Maria Luisa Vezzali