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L'Aiglon d'Honneger-Ibert à l'Opéra de Marseille

Publié le 19 février 2016 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Douze ans d'âge et pas une ride. Sur la même scène, la production du tandem Caurier/Leiser, reprise amoureusement et fidèlement par Renée Auphan, instigatrice du projet à l'époque, s'impose encore et toujours comme un acte de vérité et de réparation.
Envers un compositeur un rien négligé en ces temps troublés, et son opéra, fascinant de bout en bout, partition sincère, un tantinet désuète, clignant vers l'opérette, malgré de forts beaux tableaux et une scène finale à faire pleurer les pierres.
Un drame aristocratique et populaire (qui caviarde quand même la pièce de Rostand), qui nous permet de retrouver donc les costumes élégants d'Agostino Cavalca, les décors somptueux de Christian Fenouillat, plus une mise en scène très docu-drama nous plongeant entre rêve et réalité des champs de batailles napoléoniennes aux alcôves feutrées de Schönbrunn (très beau tableau à la Watteau au II).
Et la musique dans tout cela? Pour l'édification des absents ou néophytes, rappelons que nous avons ici deux compositeurs pour une même partition. Qui fit quoi alors? "Le secret de notre collaboration? Il n'y en a pas. La main gauche. La main droite.", confiaient ironiquement Ibert et Honegger, ramenant avec raison de six à cinq actes la pièce de Rostand.
Les mauvaises langues attribueront à Ibert les viennoiseries salées-sucrées, d'un charme indéniable, et les scènes de batailles à Honegger.
Les deux emballant dans du luxueux, très chic très parisien papier cadeau, des Images d’Épinal aux effets garantis entre fibre patriotique et comptines enfantines.
Succédant à qui vous savez, Stéphanie d'Oustrac s'empara du rôle-titre voici deux ans à Lausanne. Aucun reproche à formuler. Une caractérisation de tous les instants, des regards, des gestes enfantins touchants, une volonté exemplaire, puis en fin de soirée une mort des rêves et des espoirs à faire pleurer Margot. Inutile de préciser que les difficultés vocales sont surmontées sans l'ombre d'une difficulté.
L'entourage est de luxe. Franco Pomponi, très Nosfératu avant l'heure, campe le plus glacial, intransigeant, implacable des Metternich, Benedicte Roussenq une délicate Marie-Louise au destin joué d'avance, et Florence Janot une Fanny Essler plus vraie que nature, pointes et voix aussi cristallines l'une que l'autre.
Très bien en place aussi Ludivine Gombert en épisodique Thérèse de Lorget et Marc Barrard, Flambeau, pathétique martyre dans ses rêves de reconquête.
Une mention pour les masques vénitiens, Yves Coudray en mouche maléfique... et les autres que l'on ne peut tous citer ici.
Révélation de la soirée: Yann Toussaint. Un physique à la Jacques Fabbri, une voix comme on n'en fait plus, une présence écrasante... Son Chevalier Prokesch-Osten, sorti tout droit d'un film d'Abel Gance ou de Guitry est suffocant d'accents vrais car finalement plein de compassion non dissimulée pour le fils du "boucher de l'Europe"...
La partition n'a plus de secrets pour Jean-Yves Ossonce. Il l'aime, la défend à bras le corps, l'illumine, l'incendie ou l'irise des couleurs de l'arc-en-ciel dans une parfaite progression dramatique.
Les gerbes musicales qui fusent de la fosse d'orchestre, placent la prestation de l'Orchestre de l'Opéra de Marseille, haut, très haut.


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