Hannah Arendt parle des existentialistes, et je ne comprends rien.
Kierkegaard est le Platon de l'existentialisme. il est suivi par Schelling, Nietzsche, Bergson, Scheler, Heidegger, Jaspers, Sartre et Camus. Elle étudie essentiellement d'Heidegger et de Jaspers, qu'elle a connus, et Kierkegaard. Elle fait subir aux autres un traitement sommaire. Ce n'est pas pour autant qu'elle rend Heidegger compréhensible. Il y est dit, par exemple, que nos êtres nous étant donnés, la seule façon d'avoir quelque chose à soi est le néant, pour autant il est interdit de se suicider. Plus loin on apprend que le "néant néantise"... Jaspers s'en tire mieux. Pour lui, on n'existe que dans les "situations limites", moments où la raison disjoncte. Par exemple lors des crises. Mais son œuvre nous laisse en plan.
L'existentialisme est une remise en cause de la philosophie. La philosophie est basée sur le primat de la raison. Par la raison, l'homme est supposé avoir accès à la Vérité. L'existentialisme, lui, part de l'existence. Nous existons, c'est un fait. Qu'est-ce que cela signifie ? Mais, surtout, il constate la défaite de la raison. En deux mille cinq cents ans d'efforts, la raison n'a réalisé aucune de ses promesses. Elle n'a rien expliqué. La raison est au mieux un outil. L'essentiel commence là où elle s'achève.
C'est peut-être pour cela que chaque œuvre existentialiste se finit en contradiction, en échec. Car la philosophie, c'est la raison. Si la raison est fondamentalement viciée, l'utiliser c'est se prendre au piège ! (Hannah Arendt décrit d'ailleurs Heidegger comme un renard famélique enfermé dans son propre piège.)
Pour autant, tout ceci n'est pas vaine rhétorique. Car nous utilisons tous la raison. Et si c'était là l'enseignement de la philosophie : tu ne te fieras pas à la raison ?
(Ce qui précède se réfère à plusieurs chapitres de La philosophie de l'existence, Petite bibliothèque Payot. Sur ce même sujet : a very short introduction.)