Leur année 2015
Une saison extraordinaire mais sans titre, on ne sait pas trop comment. La franchise a fini une saison régulière en la dominant de la tête et des épaules avec 66 points au compteur (soit 13 de plus que le 2ème), 14 victoires sur 16 possibles, 10 points de bonus et quelques 3.6 essais inscrits en moyenne. C’est tout simplement du jamais-vu dans l’histoire de la franchise. Des joueurs comme Barrett, Perenara, A. Savea, Broadhurst, Coles ou Nonu n’ont jamais été aussi bons. Nehe Milner-Skudder, Chris Eves, Reggie Goodes et Callum Gibbins se sont révélés au plus haut niveau (ces deux derniers avaient déjà joué en Super Rugby, sans briller).
Dans le jeu, les Hurricanes ont pratiqué un rugby très ouvert, fourni d’initiatives de partout et de créativité parfois sans limite. Rien de nouveau de ce point de vue-là, tant ce type de rugby est inscrit dans l’ADN de la franchise depuis ses débuts. La nouveauté, c’est la structure, l’encadrement notamment sous la houlette du nouveau coach Chris Boyd, qui a transformé avec son staff une équipe folle et prometteuse en une véritable machine à gagner. Les efforts faits en défense – notamment – ont été saisissants. Peu de choses sont donc à reprocher aux Canes la saison dernière, si ce n’est de ne pas avoir enfoncé le clou face aux Highlanders en finale. Les Landers ont certes été au-dessus sur le match mais on peut critiquer chez les Canes le manque d’aptitude à prendre le jeu à son compte, à se comporter en favori. Les Highlanders, outsiders et pas annoncés vainqueurs à la veille de la finale, ont saisi l’opportunité.
Les transferts
Nonu et Smith sont partis mais Jeremy Thrush aussi
Beaucoup de turnovers à Wellington avec le départ de nombreux cadres. La paire de centre historique Ma’a Nonu – Consrad Smith s’en est allée, le premier à Toulon, le second à Pau comme chacun sait. Ce sera le gros défi du staff cette année. Jeremy Thrush (Gloucester) et Ben Franks (London Irish) sont les deux autres tauliers de la franchise à être partis en Europe. Ces pertes-là sont aussi préjudiciables. Le départ de Rey Lee-Lo vers les Cardiff Blues est sans doute dommage, tant Lee-Lo aurait pu trouver une place cette année au centre. Les Canes ont sinon laissé filer l’espoir Sam McNicol vers les Chiefs et n’ont pas conservé les jeunes Adam Hill et Frae Wilson, peu convaincants en Super Rugby d’après le staff. Le reste des départs est relativement anecdotique.
Ngani Laumape, arrivé du XIII
Côté arrivés, de très bonnes pioches, intelligentes. Pita Ah Ki et Jamison Gibson-Park viennent tous deux des Blues et apporteront de la profondeur de banc. L’arrivée du treiziste Ngani Laumape a beaucoup fait parler d’elle, Laumape ayant un grand potentiel à XV. A voir sur le terrain. Le recrutement des Canes s’est aussi fixé sur de jeunes joueurs prometteurs venant d’ITM Cup. On citera dans l’ordre de potentiel Te Toiroa Tahuriorangi, Tony Lamborn, TJ Va’a et Michael Fatialofa. On notera quand même qu’il y a ici nettement moins de potentiel que dans les autres franchises. Enfin pour être complet, les performants piliers Loni Uhila aka « Tongan bear » (Waikato) et Hisa Sasagi (Otago) signent pour la première fois en Super Rugby.
Retrouvez ici le détail des transferts de ce Super Rugby 2016.
Le staff
Chris Boyd, entraîneur en chef.
Chris Boyd entame sa deuxième saison à la tête des Hurricanes. Une entame presque parfaite, le titre manquant toujours. Avec son adjoint John Plumtree, on attendait d’eux qu’ils trouvent une vraie défense et qu’ils structurent la folie de l’attaque et c’est précisément ce qui a été fait. La gestion d’effectif a aussi semblé parfaite, les remplaçants ayant été bien intégrés et les joueurs cadres bien utilisés. Ancien adjoint de Canterbury ces dernières années, Jason Holland devient coach des arrières. Richard Watt tient lui désormais le poste de consultant technique.
L’effectif poste par poste
Reggie Goodes, l’un des meilleurs gauchers du Super Rugby 2015
Au poste de pilier les Hurricanes restent bien fournis. A gauche, Reggie Goodes s’est imposé comme le meilleur loosehead prop du Super Rugby 2015. Longtemps un espoir sans lendemain, il a exposé sa mobilité et ses talents de gratteur au grand jour. Il aura en back-up Loni Uhila aka « The Tongan bear ». Dans un tout autre style que celui de Goodes, Uhila apporte puissance et densité sur le terrain. A droite, les Canes devraient démarrer avec Jeffery Toomaga-Allen. Très performant ces dernières années, il a souffert l’an dernier des blessures et de la concurrence de Goodes et de Ben Franks. Le départ de Franks le propulse à nouveau titulaire. Toomaga-Allen est connu pour être un pilier mobile et très disponible en attaque. Chris Eves le secondera et devrait être souvent titulaire. Il a beaucoup progressé l’an dernier pour sa seconde année de Super Rugby. Il aura donc fort logiquement plus de temps de jeu. Présent dans le wider training group, Hisa Sasagi d’Otago est une bonne recrue pour apporter de la profondeur de banc. Il joue à droite. Enfin, Ben May – Hurricane de longue date – pourra toujours dépanner des deux côtés de la mêlée. C’est un pilier complet.
Dane Coles, nouveau capitaine
En talonneur, Dane Coles fait figure de joueur indispensable désormais. Sa progression ces quatre dernières années s’est faite progressivement et Coles est désormais le talonneur titulaire des All Blacks et compte parmi les meilleurs hookers de la planète. Assez logiquement après le départ de Smith et de Thrush, c’est lui que Boyd a choisi comme capitaine. Coles devra donc désormais étoffer son rôle de leader de vestiaire. Motu Matu’u est depuis longtemps dans le squad des Canes et apporte de la profondeur de banc. Il se battra pour une place sur le banc avec Leni Apisai, jeune talonneur très prometteur de 20 ans.
James Broadhurst, l’un des meilleurs deuxième-ligne du Super Rugby actuellement.
En deuxième-ligne, la perte de Jeremy Thrush est assez lourde. Taulier de longue date en touche et dans le combat, Thrush sera dur à faire oublier. James Broadhurst est ceci dit un autre taulier du pack. Meilleur seconde ligne l’an dernier avec Skelton, Broadhurst apporte intelligence, mobilité et workrate. Attention toutefois car il n’a pas encore repris l’entraînement après une commotion cérébrale datant d’un choc en août dernier. Pour l’accompagner, plusieurs deuxièmes-lignes de même calibre s’opposent. Tout dépendra finalement du style de jeu que voudra mettre en place Boyd selon les matchs. Pour ajouter de la vitesse à son pack, Boyd cherchera à faire jouer Vaea Fifita ou Blade Thompson. Ce sont davantage des troisièmes-lignes mais ils seront à priori barrés pour une place à ce poste. C’est donc une option. Pour au contraire mettre du poids devant, Boyd cherchera à donner du temps de jeu à des joueurs dans le même profil que Thrush comme Mark Abbott (le seul à avoir une expérience crédible en Super Rugby), Geoffrey Cridge, Christian Lloyd ou Michael Fatialofa. Tout dépendra donc des choix du staff, de l’état de forme de chacun et du travail fait en pré-saison.
Ardie Savea, plus en forme que jamais
En troisième-ligne, les Hurricanes gardent leurs meilleurs joueurs. Le back row type sera le trio Shields-Savea-Vito. Il a montré depuis deux ans qu’il comptait parmi les meilleurs du Super Rugby. Il est sur le papier parfait : Brad Shields apporte une présence en touche et dans le combat, Ardie Savea est lui le chasseur-gratteur parfait, apportant du punch en attaque et Victor Vito s’inscrit dans la lignée des n°8 massifs, bons en touche et habiles techniquement. Le quatrième homme de ce back row est Callum Gibbins. Flanker, il peut tout aussi bien remplacer Shields que Savea et Shields peut lui-même glisser en n°8. Il a été exemplaire l’an passé. Blade Thompson apporte lui son punch et ses off-loads, aussi bien en n°6 et n°8. Dans le même style que Shields, Tony Lamborn peut apporter de la puissance en remplaçant. Iopu Iopu Aso est lui le remplaçant de Savea dans le pur style de l’openside flanker, même si Gibbins devrait lui être préféré. Enfin, Hugh Renton (19 ans) est un n°8 ou n°6 talentueux, qui a une carte à jouer avec le départ de Vito à la fin de l’année vers La Rochelle.
TJ Perenara forme une charnière parfaite avec Barrett
Le squad des Hurricanes compte une triplette de n°9 parfaite. TJ Perenara est évidemment le titulaire. Meilleur demi de mêlée de la compétition l’an dernier, il n’a pas confirmé avec les All Blacks par la suite. Perenara reste un leader de terrain exemplaire et forme avec Barrett une grande charnière. Jamison Gibson-Park (23 ans) et Te Toiroa Tahuriorangi (20 ans) se bousculeront pour une place sur le banc. Avantage au second, tant c’est une pépite en devenir. Il fut l’un des meilleurs éléments du squad des Baby Blacks l’an dernier.
Otere Black, doublure de Barrett.
En demi d’ouverture on retrouvera bien sûr Beauden Barrett. Moins authentique l’an dernier dans son jeu offensif, Barrett a à l’inverse énormément gagné en sûreté, en précision et en gestion. C’est réellement devenu un ouvreur complet, de niveau international. Son évolution de jeu s’inscrit finalement dans celle du jeu de sa franchise. Barrett joue plus judicieusement au pied, défend mieux, commet moins de fautes et sait mieux faire jouer autour de lui. 2016 est une année importante pour lui : il a un fauteuil de titulaire à gagner chez les All Blacks, devant Cruden et Sopoaga. Sa doublure officielle est Otere Black. Ouvreur de Manawatu, il a plutôt bien suppléé Barrett. Ce sera encore sa tâche cette année, il ne peut espérer plus. A 20 ans, il doit continuer à grandir, sa marge de progression restant grande. Derrière lui, une autre pépite en devenir – TJ Va’a – est présent dans le wider training group. Passé par le gratin des high schools néo-zeds, il cherchera à progresser au contact de Barrett et de Black. A 19 ans, l’apogée de sa saison devrait être le mondial des -20 ans avec les Baby Blacks.
Pita Ah Ki a une carte à jouer au centre.
Le poste de centre est le gros chantier du staff cette année. Le duo emblématique Smith-Nonu est parti comme on le sait. Au-delà du talent des joueurs, la paire formait aussi deux profils : Nonu le détonateur-passeur et Smith le régulateur. Boyd doit donc trouver chez deux joueurs un niveau suffisant à celui du Super Rugby et deux profils différents, en tout cas complémentaires. Le poste de n°12 semble relativement fixé. Le nom de Ngani Laumape a été assez évident pour Boyd, en tout cas pour l’instant. Ancien treiziste, Laumape revient au XV après cinq ans d’absence. A 22 ans seulement, c’est donc un sacré défi pour lui. Mais il est passé par les sélections jeunes en évoluant aux côtés d’Ardie Savea notamment. Savea a dit de lui qu’il était « le seul joueur contre qui il avait peur de jouer ». Ambiance. Laumape rentre donc dans le style brutal de Nonu. Bon en défense, tout l’enjeu sera d’en faire un bon passeur et un pivot aux côtés de Barrett. En second centre, les choses se compliquent. Matt Proctor apparaît ceci dit taillé pour la place. Il joue aussi ailier et est davantage un joueur d’espace et de fixation que Laumape. En soit la paire est complémentaire. Proctor n’a jamais eu la chance d’être titulaire en Super Rugby, il était systématiquement barré aussi bien à l’aile qu’au centre chez les Canes. Le problème c’est que Proctor s’est blessé contre les Blues le weekend dernier et devrait louper un bout du Super Rugby voire tout le Super Rugby. Le staff attend l’avis des médecins. Pour le remplacer pendant quelques temps, plusieurs joueurs se disputent la place. Tous pourront faire des apparitions cette saison, plus ou moins répétées. Pita Ah Ki peut faire l’affaire. Bon espoir, il n’a pas encore eu sa chance en Super Rugby à 23 ans. Il cherche à se relancer aux Canes après plusieurs saisons à faible temps de jeu aux Blues. Il pourrait coller au style d’un Conrad Smith. Il a à peu près un statut de régulateur et peut être rapproché dans son style de jeu d’un Charlie Ngatai. Willis Halaholo peut aussi avoir sa chance. Incroyable avec Southland en ITM Cup depuis deux ans, Halaholo est très fort sur le mode du un-contre-un et de la performance individuelle. Il doit encore progresser dans sa passe, sa vision du jeu et sa capacité à jouer avec les autres. Vince Aso évolue à peu près dans le même style. Plus jeune (21 ans), il est sans doute plus équilibré que Halaholo. Il peut aussi jouer ailier. Donc Boyd a un chantier compliqué devant lui et n’aura sans doute pas fait ses choix avant le début de la compétition. D’autant plus si les blessures viennent compliquer le tableau. Mais même si c’est compliqué, la paire Nonu-Smith peut être oubliée. D’autres prendront leurs places.
James Marshall, utility back.
Au poste d’ailier même topo que l’an dernier. Julian Savea prendra l’aile côté fermé. Il devrait de nouveau être performant. Meilleur ailier ces dernières années avec Nadolo en Nouvelle-Zélande, il doit quand même lutter contre des problèmes de méforme. Il reste assez irrégulier. De l’autre côté Cory Jane sera un bon atout. Dans le style inverse à celui de Savea il apporte jeu au pied, relance et off-load. Il peut aussi jouer n°15. Proctor reste une option à l’aile. En n°15, les Hurricanes retrouveront Nehe Milner-Skudder et ses appuis de feu. Milner-Skudder a été la grande révélation l’an dernier et s’est installé à l’aile des All Blacks. Il doit confirmer cette année et cela commencera par une bonne saison régulière. James Marshall est lui un utility back que Chris Boyd a bien utilisé l’an dernier. Tantôt à l’arrière, à l’ouverture voire en premier centre, il offre ses skills et sa lecture du jeu. Il sera cette année encore utile. Jason Woodward est aussi un utility back mais plus prédestiné à jouer à l’arrière. Il pourra remplacer NMS et a l’avantage de savoir buter.
Retrouvez ici l’effectif en images.
Notre pronostic
Finalistes l’an dernier, les Hurricanes comptent forcément parmi les favoris. Ils peuvent encore cette saison gagner ce qui serait leur premier titre en Super Rugby. Sensationnels l’an passé, les Canes ne pourront pas faire mieux de toute façon. On attend d’eux qu’ils continuent sur leur lancée, c’est-à-dire de pratiquer un rugby ouvert, ambitieux et créatif tout en intégrant de la structure et de l’ordre dans les choix tactiques. Le staff a de ce point de vue-là l’expérience de l’an passé. La dynamique est donc bonne, d’autant plus que les leaders de l’équipe (Barrett, Coles, Perenara, les Savea, Milner-Skudder, Vito, Shields) sont au meilleur de leur forme ces temps-ci.
Pour autant, les Hurricanes ont perdu à l’intersaison de nombreux cadres, dont l’emblématique paire de centre Nonu-Smith. Si se relever de ces pertes n’est pas chose impossible, cela reste complexe. Les Hurricanes devront former de nombreux jeunes à intégrer régulièrement l’effectif voire à être titulaire. Il y aura forcément un certain déficit d’expérience par moment. C’est ce qui peut nous faire dire que la dynamique est peut-être coupée par rapport à l’an dernier. Tout le travail de Chris Boyd sera de tirer profit des leçons de l’an dernier, de faire sans les cadres partis et d’enclencher à nouveau la dynamique. Les matchs de pré-saison – défaites 40-12 contre les Blues et 28-0 contre la Western Force – n’indiquent rien de bon. C’est ce qui fait la dureté mais aussi le charme du Super Rugby : la meilleure franchise du championnat passé a encore tout à prouver l’année d’après. Les Hurricanes ne sont pas pour autant une franchise comme les autres, ils comptent parmi les favoris mais restent assez fragiles. L’avenir le dira mais peu importe le résultat, une seule certitude, vraie de tous temps avec la franchise : les Hurricanes aiment jouer et ils le feront.
L’équipe type probable (Proctor et Broadhurst loupant à priori une bonne partie du championnat)
1 – Reggie Goodes – 2. Dane Coles (cap.) – 3. Jeffery Toomaga-Allen – 4. Marc Abbott – 5. Vavae Fifita – 6. Brad Shields – 7. Ardie Savea – 8. Victor Vito – 9. TJ Perenara – 10. Beauden Barrett – 11. Julian Savea – 12. Ngani Laumape – 13. Pita Ah Ki – 14. Cory Jane – 15. Nehe Milner-Skudder