Hernando Calvo Ospina, Latines, belles et rebelles, 2015.
C'est bien écrit. Et bien traduit. Une ode à la femme latino-américaine, mais pas à la femme vue dans les yeux de l'homme machiste. Non. Il s'agit d'un hommage à celles qui, dans l'adversité, dans un monde dominé par les hommes dans lequel elles n'avaient pas le droit à la parole, se sont levées d'une seule voix et ont parfois pris les armes. Qu'il s'agisse de libérer leur peuple du joug espagnol ou de s'insurger contre une dictature, les femmes mises à l'honneur ont toutes joué un rôle prépondérant dans l'histoire de leur nation. Bâti sur un plan chronologique, ce document nous mène d'époque en époque, cherchant également à rétablir quelques vérités. Pourquoi encore honorer la traîtresse Malinche qui a vendu le peuple aztèque au conquérants espagnols, quand d'autres combattantes indigènes se sont quand à elles illustrées pour sauver leur culture ? Non, la révolution mexicaine n'a pas été une révolution de machistes moustachus, et non, le récit de la maya quiché Rigobeta Menchu, prix Nobel de la paix, n'a pas été inventé de toutes pièces. Par ailleurs, à travers l'action incessante des mères et des grands-mères, des épouses et des sœurs, on en apprend de belles sur le régime soi-disant démocratique d'Uribe en Colombie, lequel, pour mieux accuser les FARC des barbaries qu'il commet lui-même, enlève et tue des centaines de jeunes hommes innocents et met ces crimes sur le dos de la révolution. Bien évidemment, le livre est très engagé politiquement et on en pense ce que l'on veut. Cependant, l'expérience personnelle de l'auteur ainsi que ses connaissances indéniables sur tout ce qui concerne l'histoire de l'Amérique Latine fait de son œuvre un document incontournable. Après la vision des vaincus exprimée par Nathan Wachtel, nous lisons ici la vision passionnante des femmes, jamais vaincues et jamais soumises. Des héroïnes du quotidien et des fondatrices, des combattantes et des mères, des commandantes et des artistes grâce à qui le continent latino-américain est ce qu'il est aujourd'hui. Seul bémol, bien évidemment, cette anthologie ne pouvait être exhaustive, l'absence regrettée dans ces pages de la courageuse Domitila Chungara et des femmes de mineurs boliviens, qui ont elles aussi mené des luttes essentielles. Entre le féminisme moderne et la complémentarité entre les deux sexes prônée par les cultures indigènes, un ouvrage passionnant, instructif, édifiant. À ne pas manquer.