Financé par l'Union Européenne et mené par un spécialiste de la cuisine moléculaire, le projet PERFORMANCE vient de publier ses conclusions. Il pose les premières pierres d'un système d'impression 3D totalement industrialisé qui permettra de nourrir les personnes âgées dépendantes d'une façon scientifique.
Certains y verront une innovation majeure dans le secteur des "foodtech", d'autres une réminiscence de Soleil vert, ce film où la population humaine est nourrie avec des pastilles vertes d'origine mystérieuse. PERFORMANCE (pour Development of PERsonalized FOod using Rapid MAnufacturing for the Nutrition of Elderly consumErs / Développement de produits alimentaires personnalisés utilisant le Rapid Manufacturing pour la nutrition des consommateurs âgés) apporte une solution rationnelle, scientifique et industrielle au problème de la nourriture des personnes âgées dépendantes.
Certaines pathologies comme la démence sénile, ou encore un accident vasculaire cérébral entrainent souvent ce que l'on appelle la dysphagie. Les patients ont du mal à mâcher et avaler des aliments solides. Ces difficultés condamnent ces personnes à manger des aliments sous forme de bouillies bien peu appétissantes, avec des pertes de poids à la clé. C'est là qu'entre en jeu l'impression 3D. L'idée des promoteurs du projet, c'est de remplacer ces aliments en purée par des aliments imprimés "sur mesure" pour ces patients. L'impression 3D permet en effet de créer un plat dont la consistance est très précisément dosée en fonction de ce que pourra ingurgiter chaque patient. Les membres de PERFORMANCE, des industriels et des chercheurs, ont donc imaginé un système où pour chaque patient abonné au service, une fiche contiendrait la taille des portions, les textures compatibles avec l'état de la personne, ainsi que les éventuels compléments et vitamines alimentaires requis par l'état de la personne afin de produire un plat qui correspond très précisément au besoin de chacun.
Un système de production de plats sur-mesure mais totalement industrialisé
Les promoteurs du projet évoquent un système fortement rationalisé et industrialisé où toutes les données des patients vont piloter les installations industrielles qui vont produire ces ratios ultra personnalisées. Une application pour tablette numérique a ainsi été développée pour le personnel de la maison de santé afin d'ajuster les rations de chaque patient en fonction de ses besoins.
Les plateaux repas sont expédiés depuis l'usine de production estampillés d'un QR correspondant au patient et sont livrés aux centres de santé dans un emballage spécialement conçu pour passer au micro-ondes. Ce packaging permet un réchauffement différencié des différentes zones du plateau repas.
L'enjeu pour Foodjet fut de créer une imprimante 3D capable d'imprimer des aliments dont la consistance varie entre chaque plat, et non plus imprimer à la chaine le même aliment.
Outre cette industrialisation de la production et cette ultra-personnalisation des éléments nutritifs entrant dans la composition de ces rations, l'apport de l'impression 3D est capital dans l'apparence des plats eux-mêmes. Par rapport à la purée d'aliments ou à la pilule de Soleil vert, l'aspect des plats qui pourront être présentés aux personnes âgées reprend l'apparence du plat initial, la consistance en moins. Les images présentées par Biozoon Food Innovations, coordinateur de ce projet, sont bluffantes et, il faut bien l'avouer, particulièrement appétissantes. Ce spécialiste de la cuisine moléculaire présente en effet des assiettes avec des mets reconstitués à l'apparence parfaite. Le blanc de poulet aux gnocchis est plus vrai que nature. Il est difficile de voir qu'il s'agit de nourriture reconstituée à la texture de purée. Les participants de ce projet espèrent ainsi raviver l'appétit des patients en dépit de leur handicap.
Des défis techniques importants partiellement résolus
Outre les aspects processus de ce système de production et livraison de plats, les membres du projet ont eu à résoudre les défis techniques de l'impression 3D de ces plats à compositions et consistances variables. La technologie d'impression 3D n'a rien de révolutionnaire puisqu'elle dérive très directement des imprimantes à jet d'encre, les ingénieurs de Biozoon ont dû s'allier aux chercheurs de l'université de Weihenstephan-Triesdorf afin de mettre au point les fluides et gélifiants qui vont être injectés dans l'imprimante 3D afin que le plat soit à la consistance voulue après son impression. Le néerlandais Foodjet, un spécialiste des machines à injection pour l'industrie alimentaire, a travaillé sur l'imprimante avec le TNO, centre de recherche néerlandais, qui, lui, s'est concentré sur la manière de mélanger rapidement les ingrédients pour chaque patient avant de les injecter dans l'imprimante.
Doté de 3 millions d'euros de budget, le projet PERFORMANCE est aujourd'hui abouti et les tests réalisés lors du projet ont démontré la faisabilité de certains aspects d'un tel service de livraison. Néanmoins Matthias Kück, directeur général de Biozoon a reconnu lors de la conférence de clôture du projet qu'il faudra encore quelques années avant qu'un tel service puisse être déployé commercialement en Europe.