Cet article a été écrit par l’un de mes frères, amateur de longue date du dessinateur. Au vu de sa longueur, il sera publié en deux fois sur Artetvia.
Le Rallic. Ce nom ne vous dit rien… Il a pourtant enchanté vos aïeux pendant des années. Son œuvre est immense et relever sa bibliographie exhaustive relèverait d’un travail de bénédictin. Pourtant, son talent ne fait aucun doute. Alors, pourquoi Le Rallic n’est-il aujourd’hui connu que des spécialistes et des bédéphiles avertis ? Peut-être, parce qu’il est né trop tôt, avant que la bande dessinée n’existe comme on la connait aujourd’hui. Même Hergé, qui ne l’aimait guère, le considérait comme un « vieux de la vieille ». Ils n’avaient pourtant que 15 ans d’écart…
La légende, qu’il entretint consciencieusement lui-même, raconte qu’à deux ans il dessinait déjà… Plus sûrement, c’est à Rennes, ville où son père, officier, était en garnison, qu’il vend ses premiers dessins, d’abord à ses camarades du collège Saint-Vincent, puis dans les journaux. Il n’a alors que 14 ans.
En 1911, il « monte » à Paris. Son talent est très vite repéré et Le Rallic publie des dessins humoristiques et érotiques (rhôô…) dans Le Rire ou Le Sourire. Un début prometteur pour le jeune artiste, interrompu l’année suivante par le service militaire, à l’école de cavalerie de Saumur. Pour Le Rallic, ce sera l’occasion de découvrir ce qui deviendra sa grande passion : le cheval.
La déclaration de guerre le surprend à Saumur, à l’été 1914. Le Rallic est muté au 21e dragon. Il y fera toute la guerre. Son activité au front ne l’empêche pas de dessiner. Il envoie notamment ses planches au journal satirique La Baïonnette, un hebdomadaire qui parait jusqu’en 1920. C’est d’ailleurs à cette époque, en 1917, qu’en allant chercher sa paye lors d’une permission, il rencontre sa femme, alors caissière aux Editions françaises illustrées, éditeur du journal.
Démobilisé en 1919 et tout jeune marié, Etienne Le Rallic se remet à sa table de travail. Il dessine alors pour différentes revues, notamment des journaux de modes ou encore la revue Rustica. Ce n’est que dans les années 30, qu’il commence véritablement sa carrière d’illustrateur pour enfants, collaborant à de nombreux périodiques : Cœurs vaillants et Âmes vaillantes, où il fait connaissance d’Hergé, La semaine de Suzette, Hurrah !, Pierrot, etc. C’est à cette époque qu’il publie chez l’éditeur liégeois Gordinne, son premier véritable album, Flic et Piaf, sur le scénario de son ami Marijac. A l’époque, il ne s’agit pas encore de vraie bande dessinée, mais encore de romans-film, composé de vignettes sans bulle, le texte étant placé sous l’image.
Pendant la guerre, la plupart des journaux qui employaient Le Rallic sont contraints d’arrêter leur publication. En manque de travail, c’est donc tout naturellement qu’il accepte la proposition du breton Herry Caouissin de participer au journal Ololé, le « journal illustré des petits bretons, paraissant tous les dimanches ». Un journal pour enfant, comme on en faisait à l’époque, tendance « Maréchal nous voilà », version « Doué a mem Bro » – Dieu et mon Pays… C’est pour Ololé qu’il illustrera Les loups de Coatmenez, La croisade des Loups (réédités chez Elor, il y a quelques années), mais aussi Gaït la cavalière du Texas, l’histoire d’une jeune bretonne devenue reine des Navajos !
De janvier 43 à juillet 44, Le Rallic donne aussi ses dessins au Téméraire, un journal nettement plus collabo. A l’épuration, cela lui vaudra, comme à beaucoup d’illustrateurs, un procès en bonne et due forme pour faits de collaboration. Il sortira, fort heureusement, blanchi, de cette affaire le 28 mars 1945.
L’après-guerre sera peut-être l’âge d’or de Le Rallic. C’est là qu’il donnera tout son talent, dans des publications superbes sur des scénarios de son ami Marijac : la trilogie de Poncho Libertas, une histoire de cabaleros mexicains, dans une ambiance superbe de westerns, Le fantôme à l’Eglantine, une aventure de chouans « où il se surpassa » selon Marijac, Bernard Chamblac, une série de quatre albums, commençant en 1940, se poursuivant dans le maquis et se terminant en Indochine ; Le Seigneur d’Ahaggar, une aventure dans le désert ; Flamberge, une bande-dessinée de cape et d’épée, etc.
En 1947, Le Rallic est imposé par Raymond Leblanc chez Tintin, quand celui-ci passe de 12 à 16 pages. Il rejoint donc la petite équipe de l’hebdomadaire et quatre dessinateurs, Hergé, Jacobs (Blake et Mortimer), Laudy et Cuvelier (Corentin). C’est Etienne Le Rallic qui fera, en octobre 1948, la première une de l’édition française du magazine, avec un superbe dessin en couleurs, Leclerc, soldat de légende.
La suite au prochain numéro…