«Quand je serais grande» : voilà une expression que je n’ai malheureusement plus le luxe de pouvoir prononcer à voix haute, malgré le fait que je me sente encore «grosse gamine». À la seule différence que j’ai troqué mes bonbons bien aimés contre une bonne bouteille de vin, mais ça, c’est une autre histoire. Madeleines de Proust, plaisirs régressifs et autres rituels «réconfort» : qui n’a jamais succombé à l’illusion de retomber en enfance, ne serait-ce que le temps d’un week-end passé dans le nid familial? Loin des impératifs, des responsabilités et des rôles successifs que nous devons endosser tôt ou tard. Comme si la vie d’adulte se transformait soudainement en corvée une fois devenue réalité, bien amère comparée à un paradis perdu au goût de sucre d’orge. À tel point que certains préfèrent s’éterniser à jouer les Tanguy, faisant reculer autant que possible le sombre jour où ils devront faire face à leurs obligations.
Chômage, budget, impôts et autres exigences quotidiennes : l’avenir suscite désormais plus d’angoisses que d’envie. Mais refuser de sauter le pas ne fera pas durer l’insouciance de l’enfance ; retarder l’échéance, tout au plus. D’où la question : pourquoi associer l’âge adulte au «début des galères», alors qu’il permet justement d’accomplir ses rêves au lieu de les fantasmer? Quitte à être déçu, et c’est peut-être là le nœud du problème. Personne n’aime être confronté à ses propres limites et encore moins apprendre à faire avec. Beaucoup moins fun. Il n’en reste pas moins qu’on l’assimile à force de «grandir», refuser de se prêter au jeu revient – ni plus ni moins – à avoir peur de la vie. Elle qui n’a pas la réputation d’être douce avec les craintifs, se montre bien plus clémente avec ceux qui «osent» conjuguer leurs ambitions au présent, non pas au conditionnel. En espérant un jour pouvoir les conter au passé, avec la satisfaction d’avoir accompli ce que l’ils ont toujours rêvé de faire «lorsqu’ils étaient petits». N’est-ce pas une belle façon de choyer son enfant intérieur ?