Ducasse ouvre Champeaux aux Halles" /> Ducasse ouvre Champeaux aux Halles" border="0" title="SAVEURS > Ducasse ouvre Champeaux aux Halles" />
Le chef Alain Ducasse I AFP PHOTO / FRED DUFOUR via Getty Images
Nous pouvons peut-être encore y déceler l’animation bruyante des marchés, les matrones criant pour attirer le chaland… Les Halles, chargées d'énormes carcasses de viande, livreurs cigarette au bec, comblées d’un petit monde qui gravitait dans le quartier avec l'espoir d'en tirer subsides tels les clodos assoiffés de bon jaja ou les filles de joie. Sans oublier les clients, rupins en goguette, prospères fournisseurs ou pauvres hères, agrippés aux comptoirs des bistrots d'un autre âgeLe "ventre de Paris", immortalisé par le roman d'Emile Zola date de 1137, année où le roi Louis VI ordonne le transfert au lieu-dit les Champeaux (petits champs), des deux marchés de gros situés alors sur l'île Saint-Louis et sur la place de Grève (actuel Hôtel de Ville). Plusieurs siècles plus tard, Napoléon III demanda à l'architecte Victor Baltard de construire un abri fonctionnel pour organiser l'immense marché. Dix pavillons de fer et de verre sortiront de terre. Ceux qu'ont connus les Parisiens de plus de 30 ans et que les plus jeunes peuvent découvrir cette époque grâce aux photos immortelles de Robert Doisneau. Des années 1930 jusqu'en 1970, le Titi de Montrouge n'a cessé de fixer sur papier, les décors et les gueules franches qu'il s'amusait à surprendre à toute heure de la nuit : pavillons éclairés par des milliers de loupiotes, leur donnant un air de fête foraine, étals débordant de nourritures, acrobaties des tireurs de diables dans les encombrements des camions de livraison. Des images montrant une galerie de personnages invraisemblables, un Paris éternel.
Fernand, habitant du quartier, se souvient de ses balades, enfant, avec son père, dans cet immense ventre parisien : "C'était très impressionnant et cela faisait peur. Les odeurs, les gens qui ne s'exprimaient qu'en gueulant, les têtes absolument incroyables." Ce si bouillonnant Paris d'autrefois a disparu du jour au lendemain, (mars 1967), après une mémorable nuit de fête, lorsque le marché de gros est parti pour Rungis. Malgré les manifestations nombreuses pour sauver les bâtiments, et la proposition d'un jeune banquier américain d'acheter les lieux, le site est détruit en juillet 1971. Seul le pavillon numéro 8, transporté à Nogent-sur-Marne, sera conservé... au tout dernier moment. Le trou des Halles fait son apparition. Et avec lui une polémique sur son aménagement, qui ne cessera jamais. "Le temps des assassins" de Duvivier est donc apparu. Qu’en penserait André Chatelin (Jean Gabin), chef aux Halles à l'enseigne Au rendez-vous des Innocents, modèle d'homme droit et patron paternaliste ?
HommageLe chef Ducasse rend hommage au passé et à l'histoire de ce grand Paris, de ces Halles. Située face à l'église Saint-Eustache, la contemporaine brasserie Champeaux va emprunter le nom du lieu-dit. On y servira une cuisine franchouillardeusement moderne -merci au Conseil supérieur de la langue française pour mes écarts de langage- depuis l'assiette de boudin, en passant par les escargots, jusqu'aux huîtres et autres tartares. On regrette toutefois que "Les sauces soient aériennes" (une connerie), et des desserts allégés en sucre… nom d’un bachi-bouzouk ?! (sans jeu de mot, je précise). Champeaux sera lumineux et minimaliste. Les matériaux bruts donneront à la brasserie une couleur chaleureuse et contemporaine. Un immense panneau d’affichage à lamelles métalliques, identique à ceux des aéroports reste l’élément fort de l’espace. Une sorte d’ardoise 2.0 déroulera durant le service des informations liées à la carte, aux plats. On a hâte d’y être, on a hâte de se souvenir… FG