CEDH, 4èmeSection, Affaire Soares de Melo c. Portugal, Requête N° 72850/14, 16 février 2016
Dans cette affaire la Cour européenne des droits de l’homme a dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme
Il s’agissait en l’espèce du placement dans une institution en vue de leur adoption de sept des enfants de Mme Soares de Melo, privée de ses droits parentaux et de tout contact avec ses enfants suite à son refus de se soumettre à une stérilisation par ligature des trompes.
La Cour a dit pour droit :
« Nonobstant la marge d’appréciation dont bénéficiait l’État défendeur en l’espèce, la Cour ne considère pas que la mesure de placement en institution en vue de leur adoption, prononcée à l’encontre de sept de ses enfants, M., Y., I.R., L., M.S., A. et R., et exécutée par rapport aux six derniers, dans la mesure où elle privait la requérante de ses droits parentaux à l’égard de ses enfants et des contacts avec eux, entraînant la rupture du lien familial biologique, était pertinente et suffisante au regard du but légitime poursuivi et, par conséquent, nécessaire dans une société démocratique. Pour arriver à ce constat la Cour a eu particulièrement égard aux considérations susmentionnées, à savoir, l’absence de violence ou d’abus d’ordre physique (comparer R. et H. c. Royaume-Uni, no 35348/06, § 85, 31 mai 2011), sexuel ou psychique à l’encontre des enfants, l’existence de liens affectifs forts avec ces derniers, l’absence de réponse de la part des services sociaux à la détresse matérielle de la requérante, mère d’une famille nombreuse, exerçant presque seule son rôle parental. Elle note aussi que les juridictions n’ont pas dûment pris en considération les différences culturelles dans le cadre de la procédure en question et relève la pression exercée sur celle-ci en vue de sa soumission à une opération de stérilisation dans le cadre de la procédure de protection des mineurs.Étant donné que l’intérêt de l’enfant commande que seules des circonstances tout à fait exceptionnelles puissent conduire à une rupture du lien familial, et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et, le cas échéant, le moment venu, « reconstituer » la famille …. la Cour considère que les mesures adoptées par les juridictions de placement des enfants de la requérante en vue de leur adoption, la privant de ses droits parentaux, n’ont pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts en jeu dans la procédure interne … Il n’apparaît pas, par ailleurs, que les juridictions aient envisagé d’autres mesures moins contraignantes, notamment l’accueil familial et l’accueil institutionnel, établis par l’article 35 § 1 e) et f) de la loi relative à la protection des enfants et des jeunes en danger… ».Enfin, last but not least, la Cour a alloué à Mme Soares de Melo 15 000 € pour dommage moral sur le fondement de l’article 41 de la Convention EDH.
Pour aller plus loin : Arrêt SOARES DE MELO contre Portugal
P.S. c'est moi qui ai mis en caractère gras
+Viganotti ElisaAvocat de la famille internationale