Junior Boys – Big Black Coat
On entre dans un nouvel album de Junior Boys comme on retrouve une vieille relation amicale un peu perdue de vue, dans un bar où l’on a pas l’habitude de se rendre. Les vieux repères sont toujours là, mais les choses ont un peu changé. Vous voyez un peu l’ambiance ? Un mélange de nouveautés et de valeurs sûres qui nous est agréable quoi. Pour résumer, car on souhaite aujourd’hui vous parler du cinquième album des Canadiens, chaque sortie du duo vaut clairement son pesant de cacahuètes. Et ça fait maintenant 12 ans que le goût de leurs amandes croustillantes nous marquent durablement le palais.
Dès le premier album, Last Exit (2004), qui annonçait brillamment de belles couleurs, le groupe travaille une pop électronique à la recette aujourd’hui toujours inégalée (souvent imitée, blablabla). Entre pop, musique électronique, r’n’b et bien plus encore… C’est à dire un mélange de sensualité, notamment grâce la voix assez “hot” de Jeremy Greenspan, qui se dépose toujours délicatement sur le lit de leurs productions subtiles et minimalistes, avec une grosse attention sur la texture des sons utilisés. Minimalisme pourtant contrebalancé par une générosité mélodique ainsi qu’une profonde chaleur, le tout saupoudré de gimmicks sonores toujours très chics.
Une formule qu’ils font évoluer bien sûr, comme sur le deuxième album, So this is Goodbye (2006), considéré comme leur meilleur, avec lequel le groupe montrait un côté encore plus pop et mélancolique, pour des titres aux allures de ballades sentimentales entrecoupées de claps et de mouvements du bassin un peu salaces. Le suivant, merveilleux Begone Dull Care (2009), notre préféré, continuait cette route très pop tout en exacerbant ce coté sensuel. Des hymnes ponctués de breaks en folie, pour de réels moments pop jouissifs. L’avant dernier It’s all True (2011) peut d’ailleurs sembler à côté légèrement en demie teinte, s’éloignant de ce coté “catchy” pour une linéarité beaucoup plus électronique, un peu moins accessible. Un album contenant tout de même de nombreux éclats mélodiques, et toujours très agréable à écouter.
Mais si on ne devait citer qu’un seul morceau, ce serait bien subjectivement “Dull to Pause”, issu du troisième album. De la linéarité de départ jusqu’à son break que l’on pourrait qualifier, ô sacrilège, de “fun”, pour une vrai fausse joyeuseté matinale qui cache des choses, le sucré se faisant un peu amer, mais tellement bon.
L’histoire d’amour continue encore aujourd’hui, car leur dernier album, Big Black Coat, sorti au début de ce mois de février sur label berlinois City Slang, ne déroge pas à la règle de l’enfilage de perles. Et comme le mentionnait l’intro de cette chronique, jouant autant avec notre nostalgie que sonnant de façon très actuelle. Dès le premier morceau du disque, “You Say That”, langoureux et surtout un peu trompeur quand à la suite de l’opus, qui nous rappelle qu’en effet, les Junior Boys nous ont toujours proposé du coït sonore, mais jamais sans les sentiments. Leur univers tel une sorte de backroom multi sexes où cohabitent violence contenue et douceurs salvatrices. Et ce premier morceau de proposer bien sûr son petit break (un des seuls de l’album) nous rappelant avec classe qui sont les patrons :
Le disque se fera néanmoins plus tard bien plus synthétique, presque neurasthénique. Mais avant, le groupe nous lâche en pleine foire aux tubes avec en deuxième piste l’imparable “Over it”. Basse synthétique rebondissant subtilement, synthétiseurs kitchs, voix filtrée de Greenspan qui fait des merveilles… On vous prévient, le bordel vous prendra direct et ne vous lâchera plus. On vous invite d’ailleurs à mater son clip étrange, contenant de la décontraction barbue, un SDF, un studio, un fond vert, et toute sorte de choses qu’il est possible de faire avec un fond vert, dès maintenant :
La troisième piste, “C’mon Baby” détonne avec son synthétiseur qui se barre dans le ciel comme dans les plus belles heures de Nathan Fake ou James Holden. Malgré tout, cet album s’avère être sur la suite nettement moins mélancolique. Les chagrins d’amour semblent un peu lointains désormais. Reste une sorte de malaise, de douce lassitude côtoyant une nouvelle façon de s’assumer, plus franche, plus mature, plus dure aussi.
Les sonorités s’y font donc d’avantage synthétiques, rétros, un peu dans l’air du temps (Détroit n’est jamais très loin). Une sorte de linéarité martelée comme une transe, obligatoire pour s’échapper, tel le verre de trop qui nous fait partir en sucette sur un morceau d’italo disco un peu malsain dans une boîte de nuit fréquentée par des quarantenaires qui prennent toujours de la drogue.
Exemple en musique avec le titre éponyme de l’album, longue entrée en matière, synthétiseur et voix répétitives qui s’entrecroisent, pour finir sur un long décollage on ne peut plus dancefloor et sexuel :
Pour conclure, on est jamais saoulé par les Junior Boys, et c’est bien pour ça qu’on les aime toujours autant. Le duo sait prendre ses distances, et semble toujours revenir quand on a besoin de lui. On les dit d’ailleurs sous estimés, et peut être bien que c’est vrai, mais en même temps ça nous évite de nous les manger en synchro pub (en France en tout cas), et c’est quand même agréable il faut bien l’avouer…
L’album est sorti sur le label Berlinois City Slang.
Pour l’écouter et se le procurer, c’est par ici les amis.
Leur prochaine date en France : ce mercredi 17 février au Point Éphémère à Paris. Bon, le concert est désormais complet. Il ne vous reste plus qu’à écouter l’album dans votre bagnole en allant les voir à Bruxelles ce mercredi 1er mars.
Bonus « miam miam » : les mecs ne chôment pas non plus entre leurs albums. Matt Didemus avec la création de son label House Obsession Recordings (allez jeter une oreille car ça « craquotte » bien comme il faut), ou Jeremy Greenspan avec son travail sur le merveilleux projet de la diva soul électronique Jessy Lanza. Un premier album super beau, Pull My Hair Back (2013), a déjà vu le jour, et son nouveau va sortir très bientôt. La canadienne sera d’ailleurs en première partie de leur concert à Paris.
Avant goût tout de suite avec ce « It Means I Love You » , aussi déconcertant qu’entrainant et fascinant :
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JeanCalin
Jean Calin est un jeune citadin bien de son temps, rédac chef et chroniqueur de musique calme au Limonadier, il aime jouer à des jeux vidéo violents en écoutant du Rn’B émotionnel.Mon Cocktail Préféré :
Le litron de mojito trop sucré dans un pichet bien collant.
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