Le Maestro Zubin Mehta
(source de la photo: facebook du Bayerische staatsoper)
C´est avec une chaleureuse ferveur que le public munichois a accueilli le retour de Zubin Mehta au pupitre du Bayerische Staatsoper. Zubin Mehta fut, on le sait, le Directeur général de la musique de l´Opéra munichois de 1998 à 2006 où il a contribué à faire de la maison ce qu´elle est aujourd´hui, une des meilleures scènes musicales du monde. Zubin Mehta, qui fêtera en avril son quatre-vingtième anniversaire, dirige cette saison les Gurre-Lieder, la reprise de Fidelio ainsi que la nouvelle production d´Un ballo in maschera dans une mise en scène de Johannes Erath.
Zubin Mehta entretient une relation passionnelle avec le chef d´oeuvre néo-romantique d´Arnold Schönberg, une oeuvre qu´il considère comme le frère cadet de Tristan und Isolde et dont les motifs sphériques ne cessent de le hanter. Son enregistrement de 1992 avec le New York philarmonic, Eva Marton et Gary Lakes fait partie des enregistrements de référence de l´oeuvre.
Okka von der Dammerau en conversation avec le Maestro Zubin Mehta
(crédit de la photo: blog du Bayerische Staatsoper)
L´oeuvre la plus célébrée du vivant du compositeur nécessite un très grand orchestre et un choeur encore plus important, qui font scène comble, avec plus de 120 musiciens, soient l´équivalent de deux orchestres, trois choeurs d´hommes à quatre voix et un choeur mixte à huit voix. L´oeuvre nécessite également quelques instruments moins courants comme le tuba wagnérien ou la trompette basse. Le Bayerische Staatsorchester, augmenté d´instrumentistes invités, et les choeurs eux aussi augmentés d´extra-choeurs, entrainés par Sören Eckhoff et électrisés par l´immense charisme de Zubin Mehta, ont rendu une exécution impeccable et exaltante des Gurre -Lieder, Les cinq solistes ont été choisis parmi les plus grands de la scène internationale: le wagnérien et straussien Stephen Gould habite le rôle principal de Waldemar avec une intensité extraordinaire et un sens du tragique qui n´ont d´égale que la beauté de la voix. Anne Schwanewilms interprète Tove avec tendresse et subtilité en déployant la corolle charmante de ses aigus métalliques dans des vocalises qui privilégient souvent le son sur l´articulation. Elle se fait voler la vedette par une Okka von der Dammerau éblouissante en Voix de la colombe des bois (Waldtaube): une présence scénique concentrée, une projection parfaite, une interprétation d´une sensibilité et d´une justesse si émouvantes qu´elle déclenche les bravi et les trépignements d´un public subjugué. D´interprétation en interprétation, Okka von der Dammerau gravit d´un pas et d´une technique parfaitement assurés les échelons du succès et on se réjouit à l´avance de venir écouter son Ulrica dans le prochain Ballo in maschera. La basse Goran Jurić donne un excellent Bauer et Gerhard Siegel revêt les habits pour lui coutumiers de Klaus-Narr, surgissant des coulisses comme un lutin vif-argent pour ce rôle qu´il affectionne particulièrement et qu´il aborde avec vivacité et drôlerie avec une technique vocale magistrale tout au service de l´interprétation théâtrale. Enfin, pour le rôle du narrateur, l´Opéra de Munich ne pouvait que faire appel à l´un des meilleurs acteurs de théâtre du monde germanophone, rien moins que Klaus Maria Brandauer qui a réalisé l´exploit d´imprimer très précisément son son texte sur la musique de Schönberg, qui a été si brillamment servie par ce grand acteur. Klaus Maria Brandauer faisait ici ses débuts au Bayerische Staatsoper, des débuts qui ont récolté eux aussi une immense ovation.