Le pisé, connu depuis l'Antiquité se développe à partir du XIIIème siècle. Théorisé par l'architecte François Cointereaux, le pisé traditionnel atteint une certaine perfection technique au XIXe siècle, avant d'être abandonné après 1950. Les pisés modernes (après 1980) s'en inspirent, mais avec des méthodes de construction mécanisées.
Le pisé constitue le matériau de prédilection de l'architecture rurale de la plaine et du coteau du Forez, pour les édifices liés à l'exploitation agricole ( fermes, granges, pigeonniers, murs de clôture) mais aussi pour les maisons de village ou de ville, les maison des champs, les châteaux et même quelques églises. La mise en valeur de ce matériau est mal connu du grand public, malgré l'action d'associations pour promouvoir l'architecture de terre, à partir des années 1980 ( centre de recherche créé en 1979 à l'école d'architecture de Grenoble ). Les bâtiments en pisé sont peut-être davantage menacés par les dénaturations à la suite de restaurations drastiques que ceux en maçonnerie de moellons : on cherchera plus volontiers à conserver des murs en pierre, jugée plus noble, que ceux en terre, matériau encore largement méprisé.
Si le pisé est très solide lorsqu'il est convenablement entretenu (les traités d'architecture du XVIIIe ou du XIXe siècle relatent tous à ce sujet une anecdote telle que celle du château de Boën, forteresse en pisé du XIVe siècle qu'on eut peine à détruire au XVIIIe siècle pour pouvoir reconstruire à son emplacement un château à la mode), il est par contre très sensible à l'érosion dès que la toiture est déficiente (la ruine est alors très rapide) ou simplement s'il est recouvert d'un enduit moderne au ciment qui retient l'humidité dans le mur et entraîne sa fragilisation.
Le pisé tire son nom de l'un des outils employés sur le chantier, le pisoir, composé d'une tête oblongue et aplatie, en bois dur, fixée à l'extrémité d'un manche, et qui sert à tasser la terre en damant des couches de terre à l'intérieur de parements de bois. La terre est prélevée sous la couche arable, à proximité du chantier (dans les fermes, le trou est ensuite recyclé en " boutasse ", mare pour abreuver les animaux) ; elle ne doit pas être trop argileuse, ce qui provoquerait un retrait important au séchage et donc des fissures, ni trop sableuse, elle manquerait alors de cohésion. Si nécessaire, elle est préalablement débarrassée des cailloux les plus gros (dépassant la taille d'une noix) par épierrage ou tamisage sur une claie. Elle est ensuite malaxée et légèrement humidifiée si nécessaire pour obtenir un matériau cohérent.
La première étape du montage des murs est la réalisation d'un soubassement maçonné en moellons, d'au moins 80 cm de haut, destiné à isoler le mur de terre de l'humidité du sol et des éclaboussures des eaux pluviales. Vient ensuite la technique du pisé proprement dite : des " moules " quadrangulaires, les formes, constitués de deux grands côtés appelés banches et de deux petits côtés, les têtes, sont positionnés sur le soubassement. Les banches sont constituées de planches de bois, en général du résineux, assemblées longitudinalement à rainures et languettes. Un système de madriers transversaux, les clefs (qui laissent dans le mur des trous comparables aux trous de boulin), de planches et de liens permet le serrage de l'ensemble. La terre, charriée par des manœuvres, est versée en couches, les mises, que les maçons tassent à l'aide du pisoir jusqu'à en réduire l'épaisseur de moitié. Des cordons de mortier de chaux, les liens ou joints, peuvent être appliqués en fond de banche, sur les côtés (ils ne traversent pas le mur), afin de renforcer la ligne de jointure horizontale entre banches, zone plus difficile à tasser. Une fois la banchée terminée, on peut la décoffrer immédiatement et attaquer la banchée voisine. Les murs sont montés par assises successives ; pour en améliorer la cohésion, le maçon doit prendre soin de " croiser " ses coups de pisoir, en faisant tourner l'outil entre chaque coup, et de croiser les banches, c'est-à-dire d'adopter un sens de construction opposé d'une assise du mur à l'autre.
Les percements sont traités au fur et à mesure de la construction des murs ; les jambages sont maçonnés en même temps, dans le cas d'encadrements en pierre ou en brique, mais le matériau d'encadrement le plus fréquent dans la région de Boën est le bois : les encadrements sont alors mis en place dans le coffrage ; certains sont d'ailleurs remplis de terre au même titre que les banches, et doivent être ensuite démurés (ce qui n'est parfois jamais fait). Des ouvertures peuvent également être percées en sous-œuvre, la maçonnerie de raccord entre le pisé et l'encadrement (briques, petits moellons, mortier) étant ensuite dissimulée par un enduit. Une maçonnerie de raccord est également souvent nécessaire entre le sommet des murs-pignons et la charpente ; les pignons sont en général peu élevés (les toitures en tuiles creuses du Forez sont à faible pente), et une grande partie des constructions anciennes est couverte de toits à croupes, en général posés sur le faîte des murs par l'intermédiaire d'une sablière continue. Le séchage des murs prenait environ six mois, au terme desquels on pouvait enduire la construction.
Le pisé est une maçonnerie de terre " franche " (selon le terme des auteurs du début du XIXe siècle), exempte de toute adjonction, fibres végétales, poils d'animaux ou chaux, et damée dans un coffrage, ces opérations requérant l'utilisation d'outils professionnels. Le pisé n'est pas un savoir-faire domestique lié à un petit habitat rural " autoconstruit " par ses occupants, mais bien une architecture de maçons, qui nécessite une bonne connaissance du métier et la possession d'un matériel assez simple mais composé de nombreuses pièces, démontables et de fait peu encombrantes, les maçons étant, comme pour l'architecture de pierre, itinérants.Le fait d'employer un matériau gratuit et d'extraction locale, ce qui évitait le coût important des charrois, rend la technique relativement économique ; elle demande beaucoup de main-d'œuvre, mais les commanditaires participaient souvent au chantier comme manœuvres pour la préparation de la terre et son transport dans les banches.
La construction est de plus assez rapide : pour un bâtiment d'importance moyenne, on pouvait avancer de trois assises par jour. La pierre présente dans le canton est majoritairement impropre à la taille (granite grossier ou basalte) : elle est utilisée sous forme de moellons , montés avec plus ou moins de mortier (selon la richesse du commanditaire et l'éloignement des fours à chaux). L'utilisation de la pierre de taille est donc assez rare, et réservée aux édifices les plus prestigieux (façade occidentale et abside des églises, avec de fréquents remplois de blocs gallo-romains) ou aux éléments structurels de l'architecture (encadrements de baies, contreforts). La pierre peut être de provenance locale (granite bleu de Cezay, pierre de Moingt.ou d'importation (grès houiller de Saint-Etienne à la Bastie d'Urfé), surtout à la fin du XIXe grâce aux nouveaux moyens de transport (pierre calcaire drômoise, par exemple de Chamarest).
La présence de carrières de glaise en bordure de la plaine (communes de Sainte-Agathe-la-Bouteresse et de Marcilly-le-Châtel) a permis le développement d'une fabrication artisanale de tuiles et de carreaux de terre cuite, puis de briques, constituant une activité d'appoint, en plus de l'agriculture. Comme ailleurs, la production décolle dans la 2 e moitié du XIXe siècle et jusqu'à la 1 ère moitié du XXe. Un exemple unique de construction médiévale totalement en brique doit tout de même être signalé, l'église de l'abbaye cistercienne de Bonlieu (commune de Sainte-Agathe-la-Bouteresse) en briques moulées et taillées ; la brique est employée également, mais de façon plus anecdotique, au prieuré de Montverdun (en remplissage dans la galerie édifiée vers 1470).A partir des années 1870, la mode des encadrements de baies en brique, relayée par l'expansion du chemin de fer qui permet la commercialisation de matériaux produits à l'échelle départementale, fait de ce type d'encadrement la norme ;mais on constate que la brique reste privilégiée dans les communes qui en fabriquent (" loges " de vigne à Marcilly ; grandes fermes de la commune de Sainte-Foy-Saint-Sulpice).
Le pisé constitue le matériau de construction principal du canton, et de la plaine du Forez en général, ainsi que de la Limagne auvergnate, son équivalent de l'autre côté des monts du Forez, et dans la plaine roannaise. La terre y présente une composition adéquate. La diversité des milieux naturels de l'aire d'étude conditionnent la mise en œuvre du pisé : aux changements liés à l'évolution de la technique s'ajoutent les variantes locales. Un rapide tour d'horizon de l'architecture de cette zone du Forez montre combien le pisé est, jusque dans la première moitié du XXe siècle, un matériau universel. L'architecture religieuse en conserve les plus anciens exemples (prieuré de Montverdun, v. infra), même s'ils sont aujourd'hui peu nombreux ; la nef de l'église de Saint-Etienne-le-Molard, dont seul le clocher-porche était en pierre de taille, a été détruite au XIXe siècle ; dans le canton de Montbrison s'élèvent encore l'église de l'Hôpital-le-Grand, la chapelle des Pénitents (1731) et la chapelle Saint-Joseph à Montbrison. Pour l'architecture militaire, la maison forte de la Bastie d'Urfé (commune de Saint-Etienne-le-Molard,) est un exemple célèbre, dont les textes montrent qu'il n'était pas isolé (maison forte de Goutelas (Marcoux), fortifications du prieuré de Sainte-Foy, château de Boën).
De nombreux châteaux et maisons de plaisance construits aux XVIIe, XVIIIe et jusqu'à la fin du XIXe siècle perpétuent l'utilisation du pisé : château de Chabet (commune de Marcilly-le-Châtel, XVIIe siècle), de Vaugirard (commune de Champdieu, 1 er quart du XVIIe siècle), de Beauvoir (Arthun, XVIIIe siècle), maison des champs du Clos (Bussy-Albieux, XVIIIe siècle), demeure de la Pras (Montverdun, dernier quart du XIXe siècle).
La plupart du temps, un enduit masque totalement le pisé, et imite parfois la pierre ou un autre matériau : ainsi lors de sa vente en 1878, le château de Vaugirard est dit " construit en pierre en brique ". Dans l'architecture agricole, la présence d'enduit, et le décor apposé sur celui-ci, différencie souvent le logis et les dépendances. En effet l'enduit n'est pas systématique, et il semble que son rôle symbolique, pour souligner l'emplacement du logis, soit plus important que son rôle fonctionnel, qui est de protéger les murs ; dans ce cas il est en effet souvent limité à la façade la plus exposée (côté ouest, d'où arrivent les vents et la pluie, et côté nord) et aux pisés fragiles (terre granuleuse). Le reste du temps, le débord de toit et le soubassement suffisent à la protection du mur. Dans les zones géologiques mixtes, un même édifice peut présenter des mélanges de matériaux (façades exposées en moellons). Contrairement à ce que l'on a pu conclure d'une observation trop hâtive, le logis peut être en pisé et les dépendances en moellons aussi bien que le contraire. A la fin du XIXe siècle, la pierre est parfois privilégiée pour le logis, ou au moins sa façade principale, pour une question de mode (prestige de ce matériau). Mais dans les zones de pisé, celui-ci reste majoritairement employé, parfois sous un enduit d'imitation, certainement du fait des qualités propres au matériau : économie et rapidité de la construction, isolation thermique.
Enfin, certaines dépendances sont systématiquement en pisé, comme les colombiers, et même lorsqu'ils sont de plan circulaire, ce qui nécessite pourtant une mise en œuvre complexe et des banches spécifiques. Les encadrements de baies sont majoritairement en bois, mais la pierre est employée dans l'architecture de prestige (église, châteaux), et, dans les fermes, pour les ouvertures privilégiées (porte, fenêtres du rez-de-chaussée), et plutôt pour les édifices les plus anciens ou, au contraire, du XIXe siècle avancé. On a parfois des encadrements mixtes, avec des jambages de pierre et un linteau en bois, matériau plus souple qui résiste mieux à la pression lors du tassement de la terre. Pour les encadrements en bois, les principales essences employées sont le résineux, mais aussi le chêne et le châtaignier. Un grand soin est généralement apporté aux huisseries dont le bois est sculpté de moulurations susceptibles de rivaliser avec la pierre ; grâce à leur mise en œuvre reconnaissable, les baies anciennes sont un élément de datation supplémentaire : baies à croisée (jusqu'au XVIIIe siècle), encadrements chanfreinés, encadrements à grosses chevilles (du XVIe au XVIIIe siècle).
La technique du pisé connaît à la fin de l'Ancien Régime un regain d'intérêt parallèle aux thèses physiocratiques et au renouveau de l'architecture rurale à la fin du XVIIIe siècle et dans la première moitié du XIXe. La mise en œuvre du pisé est bien décrite et ses qualités exposées par François Cointereaux dans son Ecole de l'architecture rurale. Lui-même petit-fils de maçon lyonnais, il rapporte que le pisé est utilisé de façon traditionnelle dans la région lyonnaise, le Dauphiné et le Bugey, mais il ne mentionne pas le Forez ni l'Auvergne, où l'on verra cependant que ses écrits s'appliquent également, pour le XVIIIe siècle. Mais l'étude du bâti révèle une évolution dans les modes constructifs que l'on peut étudier grâce aux exemples de pisé daté. Comme pour l'architecture de pierre, l'observation de l'aspect d'ensemble du mur permet de déterminer les phases de constructions (reprises, rajouts) et éventuellement leur succession ; et de même qu'avec la pierre, le pisé peut être remployé : la terre provenant d'anciens murs peut être broyée et réutilisée, avec parfois des fragments d'enduit visibles dans la terre damée. Comme Cointereaux le souligne lui-même, une fois l'édifice enduit, rien ne permet plus d'en distinguer le matériau de construction, qui pour lui n'a de toute façon aucune valeur esthétique propre. L'étude du bâti en pisé est donc souvent difficile, en particulier en milieu urbain, où les façades sont systématiquement enduites (et parfois reconstruites lorsqu'elles ont été frappées d'alignement) et les murs latéraux mitoyens inaccessibles. Les travaux de reprise des façades, et en particulier de réfection d'enduit sont donc des moments privilégiés pour l'étude.
Les premiers pisés datés subsistants connus sont ainsi d'accès difficile : il s'agit des murs de la salle de la Diana à Montbrison, construite vers 1295, peut-être à l'occasion du mariage du comte de Forez Jean I er. Le matériau est invisible, les murs étant mitoyens côté extérieur et masqués par divers revêtements à l'intérieur (la façade a été remplacée par une façade néogothique en pierre en 1862). Les élévations en pisé du logement du prieur de Montverdun, le mur nord et murs de refend au premier étage, dont les parties les plus anciennes sont datées de la première moitié du XIIIe siècle, ne sont guère plus accessibles. C'est donc la maison forte de la Bastie d'Urfé, construite en 1331, et la tour carrée qui lui est ajoutée vers 1466, qui permettent le mieux d'aborder les techniques anciennes, d'autant plus que leur façade sur le jardin a été décroûtée en 2000 pour en refaire l'enduit. Les banchées sont très hautes (1,60 m) et très larges (1,20 m) : les formes utilisées ont pu être faites sur mesure pour ce chantier particulier, l'épaisseur des murs étant ici liée au rôle défensif de l'édifice. Par contre, un trait constant des pisés antérieurs au XVIIe siècle est l'absence de chaux : il n'y a pas de joint entre les banchées.
Enfin, celles-ci sont juxtaposées avec des raccords verticaux, qui suivent les angles droits des côtés de la forme. C'est la technique la plus simple, mais elle favorise la propagation de fissures le long de la ligne de faiblesse horizontale ainsi créée dans le mur. Pour les XVIe et XVIIe siècles, les exemples datés sont plus fréquents, et forment au XVIIIe siècle une série continue. L'enquête de terrain a révélé l'existence dans la commune d'Arthun, au lieu-dit Chez Platon, d'une ferme du XVIe siècle qui, bien que très dénaturée, en particulier pour les élévations extérieures, reste un exemple rare de logis de cette époque, daté sur linteau de la cheminée de la cuisine de 1583. Le pisé est encore conforme à la morphologie du XIVe siècle : les banches, plus ordinaires qu'à la Bastie, sont moins hautes et relativement courtes, sans joints de chaux, et à raccords verticaux. La terre est assez caillouteuse et damée de façon homogène. La charpente est posée sur le mur par l'intermédiaire d'une sablière qui fait tout le tour de l'édifice. Le jalon suivant était une ferme du XVIIe siècle (pratiquement détruite lors de sa " restauration " en 2002) proche de la Bastie d'Urfé, et dite " maison de Diane ". Là encore le pisé présentait le même aspect que précédemment.
Le premier exemple de changement de la technique ramène encore à la Bastie : sur la vue cavalière de la Bastie dessinée par Etienne Martellange en 1611, les raccords sont toujours verticaux mais la présence d'un double trait laisse supposer un joint de chaux entre les banchées. Cependant, un siècle plus tard, le prix-fait pourtant très détaillé de la maison de Benoiste de Sainte-Colombe, prieure du chapitre de chanoinesses de Leigneux, en 1710, ne mentionne l'utilisation de la chaux que pour la maçonnerie du soubassement (et l'enduit qui recouvre les murs ne permet pas de vérifier ce qu'il en est).
C'est vers le milieu du XVIIIe siècle que la technique du pisé " moderne " se fixe dans les termes exposés par Cointereaux à la fin du siècle. Les banches prennent leur dimensions standard d'environ 3 pieds sur 10, les joints de chaux deviennent systématiques et le raccord entre les banchées s'incline jusqu'à atteindre plus ou moins 45° : cette technique, combinée au croisement des assises (les raccords de deux assises superposées sont inclinés en sens contraire), éviterait la fissuration du mur. Selon la typologie du pisé établie par Vincent Durand, l'inclinaison des joints suit une progression en relation directe avec l'évolution dans le temps : plus on avance dans le XVIIIe et le XIXe siècles, plus les raccords tendent vers l'oblique à 45° ; l'observation sur le terrain montre que, dans la réalité, cette pratique est loin d'être aussi systématique : un même mur peut présenter des raccords verticaux et inclinés, cela étant certainement dû à la plus grande difficulté qu'il y avait à faire les seconds. Enfin les angles sont signalés par la multiplication des joints de chaux, que la tradition locale attribue à un renforcement de ces parties sensibles, mais dans lesquels la théorie voit aussi une imitation des chaînes d'angle des bâtiments en pierre. L'érosion permet souvent une bonne lecture des mises, qui sont de faible épaisseur et de terre bien épierrée. Le mur d'une grange à Gouttebelin, commune de Bussy-Albieux, datée 1752 (date portée sur une baie) est une bonne illustration de cette mise en œuvre du pisé (avec un raccord encore vertical).
L'étude des enduits anciens encore en place dans le canton a révélé l'existence de décors tout à fait spécifiques. Le plus ancien, et le plus fréquent, est la présence d'une plate-bande claire autour des baies et parfois sur les angles de la construction. Ce dispositif avait peut-être à l'origine pour but de simuler la pierre ; dans le cas de pigeonnier, on lui attribue une valeur prophylactique et attractive pour ces oiseaux. Une croix ou des initiales pouvaient également être peints à la chaux, de préférence sur les murs pignons .
Le XIXe siècle est marqué par l'utilisation toujours plus abondante de la chaux, disponible à meilleur coût du fait de sa fabrication industrielle et de l'amélioration des transports : les joints sont plus larges, les renforts aux angles plus marqués. A la fin du XVIIIe siècle on voit aussi apparaître des essais de consolidation visant en général à obtenir une " stabilisation de surface " du pisé. L'une des méthodes consiste à multiplier les cordons de chaux dans les banches, presque jusqu'à former un enduit : c'est le cas au presbytère de la commune de Bussy-Albieux, béni en 1774. L'autre technique, qui semble postérieure (les exemples sont plutôt de la fin du XIXe siècle), utilise du pisé " stabilisé " (terre mêlée à de la chaux) en bordure de banches, formant là aussi une sorte d'enduit dans la banche. Mais ces innovations restent limitées ; on continue d'employer les moyens traditionnels de renforcement du pisé : madriers de bois noyés dans la terre, en particulier aux angles, tirants en bois et métal, planches, enduit chargé de débris de tuiles pour rattraper un mur déjà érodé.
Au tournant du XXe siècle, c'est surtout l'attention apportée à l'aspect même du mur qui se développe : les joints de chaux deviennent parfaitement droits et réguliers, et peuvent être doublés dans une même banchée ; le traitement des angles prend un aspect décoratif (dessin des joints superposés en cuvette) et marquait peut-être la signature d'un groupe de maçons. Ces pratiques révèlent un intérêt pour l'esthétique propre aux murs de pisé, qui s'impose visuellement d'autant plus qu'elle s'accompagne souvent d'une augmentation de la taille des bâtiments agricoles.Les lignes graphiques formées par les joints de chaux quadrillent les élévations et mettent en valeur les longs murs des granges édifiées au début du XXe siècle, confirmant que nombre d'entre elles n'étaient pas destinées à être enduites. Sur les logis, les exemples d'enduit sont beaucoup plus fréquents que pour le XVIIIe siècle, mais relèvent d'une typologie moins originale : faux appareillage dessiné par un double trait pour donner l'illusion du relief, avec chaînes d'angles en harpe aux angles. A partir de la fin du XIXe siècle, de nouveaux matériaux interviennent dans la fabrication du pisé. La brique est massivement utilisée pour les encadrements de baies, mais aussi parfois en renfort aux angles.
Puis c'est le ciment qui est substitué au mortier de chaux pour les joints et les angles, où les renforts adoptent un dessin particulier en dent de scie . Enfin, l'apparition du mâchefer apporte un vrai changement dans les techniques de fabrication du pisé : en effet ce résidu de l'industrie métallurgique, produit en grande quantité à Saint-Etienne, mais aussi à Boën, a été utilisé à partir de la fin du XIXe siècle et jusque dans la première moitié du XXe siècle, soit en remplacement de la chaux pour les angles et les jambages, soit en remplacement de la terre elle-même. Léger et poreux, ce matériau donnait de bons résultats en termes de solidité et d'isolation ; il a surtout été utilisé pour des locaux industriels et du bâti urbain (à Boën ou Sail-sous-Couzan), proches du lieu de production du mâchefer (ou d'une gare importante), mais on en trouve également dans le bâti rural, les ouvriers des usines du canton gardant souvent une activité agricole annexe .