Vous avez vu la place que ça prend, pour une non-nouvelle ?
Milagro Sala est photographiée ici avec l'écharpe indigène
au Vatican pendant une audience privée
Ce matin, Página/12 ne fait pas dans la dentelle : la rédaction a tout simplement consacré sa une au Pape François. Habile astuce au moment où le Saint Père fait l'actualité avec son voyage, très lourd de symbolique, au Mexique, et au surlendemain de la messe à Guadalupe, la sainte patrone du continent ! Sauf qu'il ne s'agit pas d'une prise de position publique du Pape dans son ministère pétrinien. Il ne s'agit que de révéler qu'avant de quitter Rome, il a fait envoyer un chapelet à Milagro Sala, en détention provisoire à San Salvador de Jujuy, sous l'inculpation de corruption active et détournement de fonds publics.
Le quotidien, qui soutient la responsable politique kirchneriste, chef de l'organisation aborigène péroniste Tupac Amaru, qui aurait servi d'outil à Milagro Sala pour distribuer de façon discrétionnaire des fonds publics et se créer une clientèle captive dans la Province, a son interprétation de l'envoi de l'objet de dévotion. Il s'agirait d'un signe que le Souverain Pontife entend plaider la cause de la détenue (amérindienne), quelques jours avant la première audience qu'il accordera au Président Mauricio Macri au Vatican, le 27 février prochain. Or Mauricio Macri est favorable aux poursuites pénales qui sont entamées par la justice provinciale de Jujuy contre une responsable politique dont il lui paraît peu douteux qu'elle soit corrompue (et de très nombreux Argentins partagent ce jugement sur la dame en question, non sans quelques raisons d'ailleurs).
Il est probable qu'il tient l'information d'un des militants qui occupent une partie de Plaza de Mayo depuis plusieurs semaines et qui comptent sur le quotidien pour faire du bruit dans Landernau et entretenir la polémique en la maintenant dans l'actualité, tandis que l'évêque de Gualeguaychú, Monseigneur Gerardo Lozano, dont le diocèse se trouve de l'autre côté du pays, le long du fleuve Uruguay, a été choisi comme médiateur entre les deux partis, la Tupac Amaru d'un côté, le nouveau gouverneur, Gerardo Morales (1) de l'autre, et qu'il parvient tant bien que mal à les faire dialoguer.
Il va sans dire que le quotidien d'opposition fait une interprétation audacieusement extrapolée du geste papal pour ne pas parler d'un véritable contresens. Dans cette Année jubilaire de la Miséricorde, si on lit ce geste papal dans la perspective spirituelle qui est la sienne, il plus que probable qu'il s'agit là d'un acte de charité et d'espérance, entendez en langage non chrétien une main tendue à une personne mise en marge de la société, comme tant et tant de détenus dans le monde, auxquels le Pape s'adresse si souvent sans remettre le moins du monde en question la légitimité de la sanction qui les frappe ! Comme toujours, Página/12 politise tout et n'entend rien à la dimension spirituelle des actes des responsables religieux, que ce soit le pape, l'évêque, le pasteur, le grand rabbin ou le Dalaï Lama...
Pour aller plus loin : lire l'article de Página/12 sur le pseudo-soutien du pape à Milagro Sala lire l'entrefilet de Página/12 sur la visite que le Gouverneur Morales a rendue à l'évêque de San Salvador lire la dépêche de Télam sur la déclaration envoyée par Milagro Sala à la presse depuis sa cellule, pour protester contre l'utilisation politique que Mauricio Macri (2) a fait du carnaval de Tilcará (Prov. de Jujuy) : elle estime que la politique n'a pas à se servir de ce qui est, pour les aborigènes, une expression spirituelle de culte à la Pachamama très importante à leurs yeux et non pas une activité pittoresque à quoi les touristes et les descendants d'Européens en général ont tendance à le réduire. En ce sens, elle a raison. Elle s'y reconnaît chrétienne à sa façon. En fait, elle vit une foi issue du syncrétisme entre dogme catholique et croyances indigènes, un phénomène très répandu en Argentine. Depuis sa prison, elle continue à alimenter sa page Facebook, sans doute par personne interposée.
(1) Gerardo Morales a gagné les élections à la fin de l'année dernière et il a mis fin à un règne de près de 40 ans du péronisme dans la province. Inutile de préciser qu'au cours d'un règne si long, les péronistes ont eu le temps de mettre en coupe réglée toute la région. Il n'est que de voir en France ce qu'il était advenu de Marseille et des Bouches-du-Rhône après plusieurs décennies d'administration socialiste incontestée. Il y a du bon dans l'alternance mais à Jujuy, on est dans l'étape la plus douloureuse, celle du nettoyage des écuries d'Augias. (2) La semaine dernière, Mauricio Macri s'est montré au carnaval de la Quebrada de Humahuaca, à Tilcará, et il a participé aux festivités sans qu'il soit possible de dire qu'il a violé le caractère religieux que les aborigènes, majoritaires dans la zone, lui donnent. On peut même hésiter à y voir un acte démagogique de la part d'un président qui a non seulement le droit mais le devoir de participer à la vie culturelle du pays qui l'a appelé à la magistrature suprême. Mais bien entendu, l'opposition ne veut voir dans tous ses gestes que des calculs bassement politiques qu'elle ne voyait jamais lorsque c'était Cristina Kirchner qui posait les mêmes gestes...