AU PAYS DES KHMERS
III
Sourires d’enfants
Ils courent pieds nus sur les gravillons à côté du tuk tuk, comme s’ils allaient pouvoir nous accompagner. Ils sourient, agitent la main, nous crient hello.
Il y a ceux qui vont à l’école, juchés à deux ou trois sur des vélos plus grands qu’eux, vêtus d’un uniforme – une jupe ou un pantalon bleu marine et une chemise blanche immaculée qui semble ne jamais accrocher la poussière rouge qui vole. Un sac à dos et une lunch box métallique en bandoulière, ils empruntent la grand route qui traverse le pays, aux côtés des poids lourds et des chars à bœufs.
Il y a aussi les petits garçons qui pêchent, avec un fil accroché à l’extrémité d’un bambou. Torses nus, fins et souples comme des roseaux, ils attrapent des petits coquillages qui ressemblent à des bigorneaux et que les femmes vendent dans la rue, cuits dans une espèce de sauce tomate, étalés au soleil sur de grands plateaux ronds.
Ils vendent des couronnes de fleurs de jasmin par la fenêtre des automobiles aux feux rouges, ou courent sur les chemins pour faire décoller leur cerf-volant, émerveillés lorsque le losange de plastique s’élève dans le ciel bleu, suivi de sa longue queue.
La petite Tria s’occupe de sa jeune sœur, elle a les cheveux en épouvantail ; ce sont les journées au grand air. Elle nous vend des cartes postales. Nous en prenons dix. Quelle moue irrésistible. Va pour vingt. Voilà qui nous fera faire un peu de correspondance.
Sur un trottoir de Phnom Penh, celui-là prend sa douche. Accroupie, sa maman le frotte énergiquement d’une main, alors que de l’autre, elle renverse une bouteille d’eau sur son fils.
Sur la rive du fleuve, un petit bonhomme sort de sa besace de fines flûtes en bois, glissées dans des étuis de feuilles de palmiers tissées. Il souffle dedans. Un joli son s’en échappe. Ses grands yeux sont noirs, ses cheveux en bataille, son nombril ressort de son ventre rebondi. Petit père.
Et il y a ces trois enfants, dont les parents travaillent dans les marais salants. Ils n’ont d’autre choix que de les emmener avec eux. Pour deux dollars la journée, ils remplissent des sacs de cinquante kilos de sel ; les deux ainés font passer le temps avec leurs vélos, la dernière observe ses parents, assise sur un monticule de sel. Ils se laissent prendre en photo. Lorsque je leur montre l’image, leurs visages s’éclairent de la surprise de se voir.
À chaque fois, c’est un déchirement de les quitter, de voir ces sourires gratuits s’éteindre au loin.
À suivre.