La mère de Marie ne supportait pas l'image des femmes au Liban et elle se sentait nettement plus américaine dans ses ambitions. Marie apprendra beaucoup de sa force de caractère, à contre-courant des femmes arabes des années 60.
Elle fait son école secondaire à North York en Ontario. Elle est allumée, lumineuse. Dès son jeune âge, leur père invite les enfants à prendre part à des débats autour de la table. un de ses frères, Peter, sera aussi avocat.
Marie obtient un bac en droit de l'Osgoode Hall Law School de Toronto. Elle travaillera pour le redoutable Edward Greenspan. Quand celui-ci lui offre un poste de plaidoirie, elle le refuse pour aller compléter une maîtrise à l'Université de Columbia à New York. Elle est réengagée par Greenspan, qui sait reconnaître un talent quand il en a un sous la main. Elle est même fait partenaire de la firme en 1998.
En 2002, elle fonde sa propre firme Heinen & Associates. Cette même firme deviendra Heinen & Hutchinson quand l'avocat de la couronne Scott Hutchinson devient lui aussi partenaire de sa firme. Elle comprend complètement le pouvoir de l'image et en jouera. Elle engage une firme de publicité qui vend son bureau d'avocat comme on vendrait une série télé sur HBO. Avec des gens plus-que-présentables, des images léchés et un brin d'arrogance.
Sa firme se fait remarquer.
Marie sera toujours avocate de la défense, il n'a jamais été question de faire autre chose.
"nous représentons les gens qui ont commis des actes haineux, des actes de violences, des actes de dépravation, de cruauté, ou ce que Jian Ghomeshi appellerait des préliminaires..." ce qui a fait éclater la salle de rire et a circulé dans le milieu quelques jours.
Mais 6 jours plus tard, le dindon de la farce lui téléphonait pour l'engager.
Plusieurs ont souligné que sa blague était peut-être très intelligemment calculée. Marie Henein est toujours entre 5 et 6 coups en avance sur ce que les gens font ou pensent.
Allumée, je vous dis. Elle est le feu.
Tout comme Ghomeshi, Henein n'est pas noire, mais n'est pas blanche non plus. Elle est née au Caire. Très jeune, même si élevée dans un quartier d'italiens et d'immigrés, il suffit d'ouvrir sa boite à lunch pour qu'elle comprenne que sa famille n'est pas comme celle des autres. On leur pose toujours la même question à elle et ses frères : "vous êtes très foncés, vous venez d'où?" Elle est différente, le sait, et se lie d'amitié avec un autre individu "différent", son oncle Sami, le frère de sa mère, un oncle visiblement gay, mais absolument personne n'avouera l'évidence dans la famille. Celui-ci est obsédé par le linge et devient le styliste de Marie toute son enfance et pendant son adolescence.
Elle le perdra parmi les premières victimes de ce que l'on découvrira être le SIDA dans les jeunes années 80. Elle perd le mentor qui lui avait appris à vivre avec fierté.
Elle ne l'oubliera jamais.
Mais, à défendre parfois l'indéfendable, elle subit quelques échecs aussi. Elle prend durement la défaite de l'appel dans le dossier de Robert Latimer sur lequel elle travaillait. Latimer avait tué sa fille, lourdement handicapée, pour mettre fin à "ses" souffrances. Le "ses" n'a jamais été perçu comme celui de la jeune fille décédée.
Son étoile brille en 1998 quand elle réussit à faire acquitter Gerald Regan, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, pour des crimes sexuels qu'il aurait posé entre 1956 et 1969.
Mais c'est dans l'acquittement de Daniel Weiz, un israélien de 22 ans, un des trois accusés d'avoir tué à coups de pieds Matti Baranovski, 15 ans, qu'elle se fait véritablement une réputation, Elle remarque que lorsqu'un des témoins ment, sa voix monte d'une octave. Et le soulignera en cours chaque fois que ça se produit pendant ses témoignages. Et innocentera son client. Son téléphone ne cesse plus de sonner depuis.
En septembre 2009, elle réussit encore l'impossible dans le cas d'un politicien frappant un cycliste qui en mourra. Celui-ci parlera d'elle comme de "son requin personnel".
En 2011, elle se trouve parmi les 25 personnes les plus influentes au pays dans le milieu de la loi.
Les victimes en sortent très peu souvent gagnantes. Sinon jamais.
Elle expose ça tout en plaidant brillamment.
Elle est très intelligente.
Les plaidoiries reprennent aujourd'hui dans le cas Gomeshi.