Jusqu’au 18 avril, Anselm Kiefer est au Centre Pompidou de Paris avec une rétrospective de son parcours des années 60 à aujourd’hui. Un évènement que je ne voulais pas manquer…
J’avais déjà vu l’exposition de Kiefer à la Bibliothèque nationale Mitterrand de Paris (cf archives de mon blog, novembre 2015). J’avais été époustouflée. Mais cette fois, j’ai été davantage bousculée. Le visiteur est renvoyé d’une image de solitude effrayante à une image terrible d’anéantissement et de destruction… Il est sans cesse confronté (sauf dans une des dernières salles) à la mort, au drame, à la violence… Mais c’est tellement puissant! Unique! Et souvent d’une beauté terrifiante!
Toujours dans la démesure, Kiefer semble vouloir exprimer un bouillonnement intérieur perpétuel et des tensions contradictoires qui l’habitent. Il paraît être en grand désarroi. Il aimerait sans doute posséder le pouvoir divin de dominer la Vie et la Mort. Toujours il utilise dans son travail, mêlés à la peinture, des matériaux tels le sang, la terre, la cendre, le plomb… Comme s’il espérait (re)créer, à la manière d’un dieu. (Re)façonner. Faire (re)naître… Il crache une matière épaisse sur ses toiles géantes, lance un geste pictural rageur et désespéré, bousille des objets qu’il place dans des vitrines, brûle des livres, tente l’alchimie, construit pour démolir…
Les horreurs de la guerre de 40 et le Nazisme l’obsèdent. Mais son travail est si large et si profond que, inévitablement, on y devine la folie meurtrière et destructrice qui court le monde depuis toujours et continue de courir aujourd’hui. Ses grands tableaux magnifiques de bâtiments allemands bombardés, ruinés et abandonnés sont des images universelles et éternelles (dont des aquarelles)… Elles font mal.
Dans la démesure aussi, les sources et références auxquelles Kiefer s’attache. En vrac, je vous cite la Kabbale, les mythes égyptiens, l’Histoire Romaine, Mme de Staël, Wagner, des poètes français ou allemands, le Talmud, l’Évangile etc. Pourquoi ? Parce que la culture peut peut-être sauver le monde. Et l’artiste, en particulier, peut conjurer toutes ces volontés effroyables d’abattre le monde. (Kiefer met des palettes de peintre souvent quelque part dans ses tableaux pour cette raison). L’artiste aurait une mission (?)
Il se raccroche donc aux penseurs, aux grands esprits, aux artistes… Ses peintures les citent souvent: des portraits avec leurs noms écrits dessous, car Kiefer utilise l’écriture à tout moment dans son travail, comme s’il voulait appuyer, souligner, confirmer ce qu’exprime déjà la peinture. Par l’art, Kiefer matérialise ses propres tumultes intérieurs et ceux de l’Histoire, mais il a besoin de le dire encore et encore…frénétiquement.
Ici, à Beaubourg, nous avons loupé une installation monumentale de Kiefer (au Forum). Dommage. Mais la vidéo du hall de la Galerie 1 en montre, ainsi que des images de son super atelier! Tout cela est titanesque! Souvenez-vous de son Monumenta au Grand Palais en 2007…
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