Quelle est l’origine de ce sanctuaire ?
Au VIe siècle, selon un récit légendaire, saint Grégoire le Grand aurait donné à saint Léandre, archevêque de Séville, une statue de la Vierge. Lors de l’invasion musulmane, à la fin du VIIe siècle, des fidèles cachèrent cette statue dans une grotte le long de la rivière Guadalupe, avec une lettre expliquant comment cette statue avait été envoyée de Rome à saint Léandre. Au XIIIe siècle, après la Reconquista, un vacher à la recherche d’une vache égarée tomba sur cette grotte et « vit » la Vierge lui indiquer la présence de la statue. Une église fut érigée sur le lieu et un pèlerinage régional lancé.
Ce même nom de Guadalupe a été donné par les Espagnols au lieu de l’apparition de la Vierge à l’Indien Juan Diego, en décembre 1 531 au Mexique. La construction de l’église sur le Tepeyac, lancée dès 1531, fut terminée en 1709, mais ce n’est qu’en 1904 que Notre-Dame de Guadalupe reçut le statut de basilique.
► Que sait-on des apparitions ?
Selon le récit retranscrit en nahuatl (langue aztèque) par un Indien cultivé, Antonio Valeriano – dans le Nican Mopohua (livre qui raconte), écrit entre 1 540 et 1 560 –, c’est le 9 décembre 1531, sur la petite colline de Tepeyac, proche de Mexico, qu’« une dame éblouissante de lumière » apparaît à Juan Diego, un Indien illettré baptisé depuis six ans, né Cuauhtlatoatzin (celui qui parle comme l’aigle).
Après s’être révélée comme la Vierge Marie, elle le charge de demander à l’évêque de faire construire une église sur le lieu de son apparition. L’évêque, d’abord incrédule, demande un signe. Celui-ci lui est accordé le 12 décembre, alors que la Vierge se montre pour la quatrième et dernière fois à Juan Diego.
Envoyé par la « dame » cueillir des roses au sommet de la colline, l’Indien en redescend avec son « tilma » (sorte de cape) rempli de magnifiques roses en pleine saison sèche. Chez l’évêque, Juan Diego ouvre son manteau devant les personnes réunies qui découvrent ébahis que s’est imprimée sur le tilma une image de la Vierge vêtue d’une robe rose ornée de motifs indigènes et d’une cape bleue étoilée d’où sortent des rayons de lumière.
Depuis près de cinq siècles, cette cape interroge et fascine. D’abord parce que ce vêtement populaire en fibres de cactus est encore intact. « Sachant qu’un seul cierge d’église produit une luminosité de plus de 600 microwatts, il est surprenant, qu’au cours des siècles, les millions de cierges qui ont été brûlés à proximité de l’image ne l’aient pas détériorée, notamment en faisant passer les couleurs », souligne Patrick Sbalchiero, codirecteur du Dictionnaire des apparitions de la Vierge Marie (1).
D’autres observations furent menées pour comprendre les conditions d’impression de l’image de la Vierge. En 1666, un groupe de peintres et de médecins, considérant l’absence de préparation de la toile et la netteté de l’image tant à l’endroit qu’à l’envers, certifia qu’il était impossible qu’elle ait été peinte. En 1791, un orfèvre qui nettoyait le cadre avec de l’acide, en versa accidentellement quelques gouttes : le tissu, au lieu d’être rongé et troué, ne fut que taché. En 1936, le chimiste Richard Kuhn après avoir étudié deux fibres du tilma, déclare que les couleurs utilisées ne sont ni d’origine minérale, ni végétale, ni animale.
Mais ce sont les yeux de la Vierge qui ont le plus retenu l’attention. En 1951, le photographe Carlos Salinas Chavez affirme que l’on peut voir, dans les deux pupilles, le reflet de la tête de Juan Diego… Il est rejoint en 1977 par un ingénieur péruvien, José Aste Tonsmann, selon lequel « l’on observe dans l’œil de la Vierge ce qu’elle voyait devant elle à l’instant où Juan Diego a défait son manteau », à savoir cinq figures, dont Juan Diego et l’évêque Juan de Zumarraga.
► Quelle est la symbolique du tilma ?
Certains éléments de l’image de la Vierge sont empruntés à la Bible : les rayons dorés et le croissant de lune évoquent le chapitre 12 de l’Apocalypse ; les 46 étoiles sur le manteau rappellent le nombre d’années supposé nécessaire pour construire le Temple de Jérusalem. D’autres correspondent à l’iconographie médiévale : la robe rose-rouge et le manteau azur-turquoise ; la ceinture violette à double pan, remontée sur son ventre, pour évoquer sa maternité ; la tête penchée et les mains jointes.
Quant au fait que la Vierge apparue à Juan Diego soit brune de peau, telle une métisse, cela a été rapproché de la divinité Coatlicue (celle qui porte une jupe de serpents), déesse de la terre, de la fertilité et mère des dieux dans la mythologie nahuatl. D’où les surnoms affectueux donnés à Notre-Dame de Guadalupe de « Lupe », « Lupita » ou « Indita », la petite Indienne.
► Quelle est l’importance actuelle de Notre-Dame de Guadalupe ?
La Vierge de Guadalupe est la sainte patronne de la ville de Mexico depuis 1737, et celle du Mexique depuis 1895. En 1951, Pie XII l’a nommée patronne de l’Amérique latine ; en 2000, Jean-Paul II l’a désignée « reine du Mexique et impératrice des Amériques ». Quant à l’Indien Juan Diego, il a été canonisé par Jean-Paul II en 2002.
Lors de son voyage au Mexique, en mars 2012, le pape Benoît XVI n’avait pu se rendre à Notre-Dame de Guadalupe – à cause de l’altitude, Mexico étant à 2 300 m – mais il avait mentionné à plusieurs reprises la Vierge de Guadalupe comme « un élément fondateur et fédérateur de l’identité mexicaine et sud-américaine ».
Avec près de 20 millions de pèlerins par an, dont près de la moitié les jours précédant le 12 décembre, fête de la Vierge de Guadalupe, cette basilique au nord de Mexico est le second monument catholique le plus visité, après Saint-Pierre de Rome.
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L’actuelle basilique, conçue par l’architecte mexicain Pedro Ramirez Vázquez, a été inaugurée en 1976 pour remplacer l’ancienne qui menaçait de s’effondrer, en raison de son poids et du sol très meuble – des travaux de restauration s’y poursuivent depuis plusieurs années. Le tilma est exposé dans l’un des transepts, au-dessus d’un tapis roulant… pour accélérer le défilé des foules.