Titre original : Zootopia
Un film de : Byron Howard, Jared Bush, Rich Moore
Avec : Ginnifer Goodwin, Jason Bateman, Shakira, Idris Elba, J.K. Simmons, Jenny Slate
Zootopie est une ville qui ne ressemble à aucune autre : seuls les animaux y habitent ! Qu'on soit un immense éléphant ou une minuscule souris, qu'on soit le predateur ou la proie, tout le monde à sa place à Zootopie ! Lorsque Judy Hopps fait son entrée dans la police, elle découvre qu'il est bien difficile de s'imposer chez les gros durs en uniforme, surtout quand on est une adorable lapine. Bien décidée à faire ses preuves, Judy s'attaque à une épineuse affaire, même si cela l'oblige à faire équipe avec Nick Wilde, un renard à la langue bien pendue et véritable virtuose de l'arnaque dont elle fera son souffre-douleur...Résurrection
Depuis quinze ans, Disney inquiète. Délaissant la force évocatrice de leurs débuts, les scénarios y perdent en vigueur, favorisant la licence et le déjà vu, juste ce qu'il faut pour plaire, en accord avec le cynisme de notre temps, sacrifiant la foi jusqu'auboutiste qui forgea les mythes de leurs premières œuvres. À l'heure de voir Zootopie envahir nos salles, la crainte que l'empire des gosses se répande à nouveau dans l'argent facile ronge les cœurs de tous les petits princes. On y pénètre un peu tendu, par peur que les bandes annonces, si drôles au demeurant, ne soient que l'énième miracle des prodiges de la communication, traîtres et meurtriers, et le film, le paragraphe en trop d'une histoire déjà usée.
Il était une fois en Amérique
Sur la forme, Zootopie contient tout ce qu'on peut attendre d'un Disney ; bâti sur cet art de la mise en scène que l'on connaît bien, le film présente un monde d'une richesse inouïe, où les idées pullulent à chaque plan. La technique est superbe, et l'expressivité des personnages atteint un réalisme impressionnant, aux nuances bienvenues, creusant les possibilités narratives de la mise en scène. Ce souci du détail s'inscrit dans l'atmosphère générale, terreau d'une véritable surprise : tout en humour référencé, rempli de décalage et d'autodérision, à l'inventivité fantaisiste et jouissive, le récit pioche dans le registre du film noir, mariant son esthétique à celle du divertissement familial dans un mouvement d'une fluidité impressionnante ; en lieu et place des traditionnels voyages héroïques, une enquête fumeuse et sa multitude de personnages secondaires, à l'imagerie noirâtre, mêlant arnaqueurs, battes de baseball et gardes du corps en survêt, évoquant tout un pan de l'histoire de l'Amérique récente. On pense à L'arnaque, à Blacksad ; Délocalisés dans l'atmosphère informatisée de nos grandes villes, les vieux cartoons n'ont conservé que leurs tracés habituels, cédant leur féérie à des bêtes pudiques aux noms composés, maniant tablettes et smartphones. Auto parodistes merveilleux, les scénaristes plongent leurs peluches dans le dur de notre mondeet usent du décalage entre l'histoire esthétique de la firme et les vérités de l'extérieur pour appuyer un propos politique simplement formulé, à l'actualité bienvenue. C'est la bonne surprise de Zootopie: voir Disney prendre une dimension intertextuelle, non pas dans une volonté d'auto promotion, mais pour affirmer une politique. Et au détour d'un dialogue, on saisit bien des choses sur l'intention, pris de court par un nouveau venu au royaume de Mickey Mouse : l'introspection.
La vieillesse des métaphores
Zootopie, c'est notre monde, où nous sommes tous un peu Disney. La firme a marqué notre enfance, et influencé la culture occidentale. Face à cette évidence, les animaux n'en sont plus vraiment, et libèrent un sous texte qui n'a rien de féerique, prouvant ce dont on se doutait bien : ils sont le contraire de la naïveté. On a l'impression, un peu mensongère, d'un retour sur Terre, quand tous ces créateurs ne l'ont jamais vraiment quittée. Disney amincit sa métaphore. Il est intéressant de constater le point auquel on avait justement besoin de ça ; la parole d'un grand frère sur le monde d'aujourd'hui. Depuis quinze ans, on ne croit plus aux contes de fée. Pour la première fois, le film ne s'en sert pas comme d'une stratégie commerciale, mais bien comme du vecteur d'une vision philosophique. Le clown, tombant le masque face à l'ennui des gamins, se pose à nos côtés, et parle d'homme à homme. Toujours maquillé, c'est vrai, mais honnête.
Zootopie, maître en séduction qui sait faire réfléchir, se place non seulement comme un superbe rebond après les failles de Big Hero 6 et du Voyage d'Arlo, mais aussi comme l'un des meilleurs films d'animation de ces dix dernières années.
Nos attentes pour une édition collector :
Un carnet de bord des scénaristes serait le bienvenu.
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