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Hugh Weiss: l’ultime traversée

Publié le 12 février 2016 par Pantalaskas @chapeau_noir

Les dernières oeuvres d'un peintre sont-elles porteuses d'une charge affective et  intellectuelle particulière ? Lorsque ces peintures marquent les années ultimes d'une vie et ne sont pas simplement les toiles les plus récentes d'un artiste décédé accidentellement, on ne peut que prendre en compte la valeur singulière de ce moment dans le travail. Je garde encore le souvenir des dernières toiles de René Duvillier, malade, ayant subi une transfusion sanguine pénible, l'artiste produisant ces toiles rouges, intenses, puissantes, douloureuses même dans les deux dernières années de sa vie.

Hugh Weiss: l’ultime traversée

"Charon me tend la main" 2007 Hugh Weiss

Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris vient d'acquérir un ensemble de six œuvres d' Hugh Weiss données par la veuve de l’artiste, la photographe Sabine Weiss. Ce don est présenté actuellement avec un ensemble d’œuvres sur papier ainsi que des photographies de Sabine Weiss, ainsi que des petits carnets de l’artiste et les tout premiers dessins de son amie Niki de Saint Phalle qu’il a initiée à la peinture dans les années cinquante.

« Ce garçon est un artiste »

Certains itinéraires d’artistes apparaissent, à l’évidence, comme des destins. Hugh Weiss,(1925-2007), né américain et naturalisé français à soixante dix ans, est fils de fabricant de drapeaux. A onze ans on dit de lui : « Ce garçon est un artiste ». Il le croit. Tout le reste semble aller de soi, comme si les études artistiques, les bourses, prix, voyages, expositions, salons n’étaient qu’une suite logique et tranquille. En 1949, il voyage en Italie et rencontre Sabine Weber qu'il épouse un an et demi plus tard et qui devient connue comme photographe sous le nom Sabine Weiss. Cette apparente facilité a vraisemblablement donné au peintre un grand sentiment de liberté dans son travail. Certes Hugh Weiss reconnaît avoir subi l’influence du mouvement Cobra, Dubuffet, De Kooning et certains aspects de l’abstraction lyrique ont également compté pour lui. Mais, au bout du compte, c’est une promenade jubilatoire sur cinquante ans de peinture que nous offre un peintre plus calme que sa peinture, plus tranquille que ses tableaux.
Si son œuvre s’est trouvée rapprochée également de la figuration narrative, notamment avec sa participation aux « Mythologies quotidiennes II » en 1977 à l’ARC, musée d’art moderne de Paris, c’est un peintre solitaire qui, jour après jour, a développé avec humour et causticité ses propres thèmes : « Les chutes d’Icare », « Les fauteuils », « Les éléphants », « Les architectures », « Les cathédrales » et c… Ses « histoires à tiroirs tragi-comiques » , se refusant à toute classification, se voient accaparées cependant dans un « Transréalisme » où l’on retrouve Pat Andréa, Pierre Dessons, Marc Giai-Miniet.

"Charon me tend la main"

"Humpty Dumpty à la mer" 2005 Hugh Weiss

Les dernières oeuvres d'Hugh Weiss, entre 2005 et 2007, présentées au musée d'art moderne de la ville de Paris, témoignent de la capacité du peintre à maintenir, dans cette situation terrible de celui qui se sent prisonnier de la maladie, la distance, le droit à l'humour. Hugh Weiss, dans "Charon me tend la main" regarde en face ce personnage qui, à bord de sa barque, reçoit les âmes des morts et leur fait passer le Styx après que celles-ci se soient acquittées d'une obole. La pieuvre contre lequel lutte l'artiste malade participe à ce théâtre d'une mort annoncée.
Certes la préoccupation de la mort ne date pas de ces seules années de maladie. Déjà en 1988, le peintre proposait "Un dernier petit tour en voiture", prise de conscience du risque qui donne naissance à de nombreuses toiles sur le thème de l'accident. Il n'a pas oublié ce jour de 1986 où lors d'un voyage en Inde, sa voiture est renversée par un camion. Sabine est blessée. Mais, à l'entendre, Hugh Weiss offrait toujours un visage plus serein que sa peinture. Son discours également témoignait de cette tranquille assurance d'être à sa place en développant cette figuration imaginaire qui caractérisait une oeuvre libre et débridée.

Photos: Musée d'art moderne de la ville de Paris

Hugh Weiss, Le dernier voyage
Accrochage dans les collections permanentes
Du 12 février au 22 mai 2016
Musée d'art moderne de la ville de Paris
11, av. du Président Wilson
75116 Paris


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