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Le pique-nique des orphelins

Publié le 12 février 2016 par Adtraviata

Le pique-nique des orphelins

Quatrième de couverture :

La dernière chose que Mary et Karl entrevoient de leur mère, c’est la flamme de ses cheveux roux émergeant du biplan qui l’emporte pour toujours aux côtés d’un pilote acrobate… Devenus orphelins, les enfants montent dans un train de marchandises afin de trouver refuge chez leur tante, dans le Dakota du Nord.

Ainsi commence, en 1932, une chronique familiale qui s’étend sur plus de quarante ans, et fait vivre toute une galerie de personnages hors du commun en proie aux paradoxes de l’amour.

Cette nouvelle traduction du deuxième roman de Louise Erdrich, paru aux États-Unis en 1986, permet de (re)découvrir l’un de ses plus beaux livres, qui préfigure déjà la puissance et la beauté d’une des œuvres les plus singulières de la littérature américaine.

Dès le titre et les premières pages de ce roman, le ton est donné : les personnages seront atypiques, pas vraiment à leur place dans le monde, et des manifestations (de beauté) quasi surnaturelles influenceront le cours de choses. A nouvelle traduction de ce deuxième roman de Louise Erdrich, nouveau titre, mais le précédent (dans l’édition de 1986), La branche cassée, est très évocateur aussi.

Le pique-nique des orphelins, c’est là qu’Adelaïde emmène ses trois enfants (officiellement sans père), Karl, Mary et le nouveau-né sans prénom. Nous sommes en 1932, la crise secoue toujours durement les Etats-Unis et Adelaïde va trouver la solution à ses problèmes en abandonnant ses enfants et en s’envolant (littéralement) avec Omar. Le nouveau-né « disparu », Karl et Mary décident d’aller chez leur tante, bouchère à Argus dans le Dakota du Nord. Argus, la même petite ville de province imaginaire dans laquelle l’auteure fera aussi débarquer le héros de La chorale des maîtres bouchers en 1920… Seule Mary s’installera vraiment dans la boucherie, qu’elle reprendra plus tard avec son amie Célestine, au grand dam de sa cousine Sita qui l’a toujours jalousée.

Tout au long du roman, qui se déroule sur une quarantaine d’années, se dessineront en filigrane quelques événements  majeurs des Etats-Unis mais c’est surtout l’évolution d’Argus qui prime, servant la galerie de personnages qui vont chacun à leur tour prendre la parole, avec à chaque intervention le contrepoint d’un narrateur externe. Ces personnages, ils ne sont jamais vraiment sympathiques mais ils sont tellement pittoresques dans leur maladresse à entrer en relation, à aimer les autres et à s’aimer eux-mêmes qu’on s’y attache indubitablement. La rude Mary use de magie et de superstition tandis que Sita cultive son apparence avant de céder aux hallucinations, la fille de Célestine domine tout et tout le monde de son caractère impitoyable tandis que les hommes qui gravitent autour de ces femmes tentent tant bien que mal de se faire une place.  Les épisodes savoureux alternent avec les mini-drames dans une Argus qui grandit en même temps que les étendues de betteraves qui font sa richesse.

Louise Erdrich n’oublie évidemment pas un clin d’oeil à ses origines indiennes et mène tous ses personnages jusqu’à la scène finale où ils se retrouvent tous. Les liens chaotiques qu’ils ont noué leur permettront-ils de trouver un peu de tendresse et d’apaisement dans cette apogée caniculaire ?

Coup de chapeau à Isabelle Reinharez, dont la traduction nous permet d’appréhender la richesse de l’univers de Louise Erdrich, déjà tout entière dans ce deuxième roman.

« Sa mère se tenait sur le pas de ma porte. Elle fit irruption et traversa la maison en ligne droite comme un train de marchandises, presque en pleurs. J’aurais été touché si je n’avais pas été si affligé par mon attitude. Mais voilà, au fil du temps j’ai appris la leçon que les parents apprennent sans tarder. On échoue, parfois. Peu importe l’amour que l’on porte à ses enfants, il y a des fois où l’on dérape. Des moments où l’on bafouille, où l’on ne peut rien donner, où l’on s’énerve, ou tout simplement on perd la face, ce qu’on ne peut pas expliquer à un enfant. » (p. 328-329)

Louise ERDRICH, Le pique-nique des orphelins, traduit de l’américain par Isabelle Reinharez, Albin Michel, 2016

Un tout grand merci à Aurore et aux éditions Albin Michel pour l’envoi de ce livre !

Les avis de Cathulu et de Jérôme

Avec ce roman, la case Dakota du Nord de mes lectures « 50 états, 50 billets » est remplie.


Classé dans:Des Mots au féminin, Des Mots nord-américains Tagged: Albin Michel, Dakota du Nord, Le pique-nique des orphelins, Louise Erdrich

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