" Laurent Fabius dessine son personnage avec une gomme. " (Jean-Claude Gaudin).
Cela a été officiellement annoncé ce mercredi 10 février 2016, le Président de la République François Hollande a nommé son Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius au prestigieux poste de Président du Conseil Constitutionnel pour succéder à Jean-Louis Debré nommé le 23 février 2007 par le Président Jacques Chirac. Maître des requêtes au Conseil d'État et père d'un entrepreneur très recherché (par la justice américaine), Laurent Fabius, qui fut ministre déjà en mai 1981 (il y a presque trente-cinq ans !) aura alors 78 ans à la fin de son nouveau mandat assimilable à un placard doré (il va avoir 70 ans le 20 août prochain).
Si Laurent Fabius est évidemment qualifié en compétence et expérience pour occuper un poste si important dans l'édifice institutionnel, je reste toujours étonné qu'on considère le Conseil Constitutionnel comme une sorte de maison de retraite dorée pour potentats méritants. Laurent Fabius, qui a dû renoncer à ses prétentions présidentielles en 1995 en raison du scandale du sang contaminé, n'a jamais refait surface dans le désir de l'électorat pour concourir à l'élection présidentielle après sa médiocre tentative face à Ségolène Royal et Dominique Stauss-Kahn en 2006. Georges Frêche, qui avait créé la polémique avec un mauvais procès en antisémitisme, avait même remarqué, le 28 janvier 2010 : " Voter pour ce mec en Haute-Normandie me poserait un problème, il a une tronche pas catholique ! " ("L'Express").
Et cela d'autant plus qu'avec la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ( voulue par Nicolas Sarkozy), le Conseil Constitutionnel est devenu une instance particulièrement active et cruciale dans la sauvegarde des libertés fondamentales. Il faudrait donc y nommer des personnalités qui ont à la fois une compétence de juristes incontestables et une compétence de défense des droits humains et des libertés fondamentales reconnue.
Or, la plupart du temps, et malgré toute l'estime que je peux avoir pour les membres nommés (en particulier pour Jacques Barrot mort le 3 décembre 2014), le Conseil Constitutionnel est devenu pratiquement un mouroir aussi en vue que l'Académie française, voire, désormais, un cimetière des éléphants du PS puisque le 9 décembre 2014, le Président de l'Assemblée Nationale Claude Bartolone avait nommé un autre éléphant du PS, l'ancien Premier Ministre Lionel Jospin (78 ans), à la succession de Jacques Barrot.
Lionel Jospin et Laurent Fabius membres du Conseil Constitutionnel, c'est sans doute la dernière ironie de l'histoire entre ces deux rivaux qui n'ont jamais cessé de se chamailler depuis la première élection de François Mitterrand à la Présidence de la République. Les deux héritiers du mitterrandisme cynique.
Rappelons par exemple ce que disait Lionel Jospin de son futur collègue de la rue de Montpensier : " Je me suis toujours interdit d'appeler François Mitterrand au secours. Je trouve déplorable cet infantilisme qui consiste à se réfugier derrière lui en permanence. Avoir comme seul argument : "Mitterrand me préfère", c'est dérisoire, et ça montre la grandeur d'une ambition. Le parti vaut mieux que ces attitudes de caniche. " ("Le Canard enchaîné", le 31 janvier 1990). On se souvient que lors d'un débat télévisé face à Laurent Fabius, le 27 octobre 1985 sur TF1, Jacques Chirac l'avait déjà traité de ..."roquet" parce qu'il s'énervait un peu trop rapidement.
Certes, au centre et à droite, on pourrait aussi rappeler la cohabitation cocasse des deux anciens Présidents de la République, Valéry Giscard d'Estaing (90 ans) et Jacques Chirac (83 ans), qui furent, eux aussi, des rivaux pendant une vingtaine d'années (entre 1976 et 1995) mais au moins, ils n'y ont pas été nommés et n'y sont que parce qu'il en sont membres de droit en tant qu'anciens Présidents de la République (disposition qui peut être discutable mais que je considère cohérente dès lors que l'une des fonctions les plus importantes d'un Président de la République est de défendre et protéger la Constitution).
Nicolas Sarkozy (rival bien connu de Jacques Chirac entre 1995 et 2007) en est aussi membre de droit mais a décidé de ne plus y siéger le 4 juillet 2013 parce qu'il a repris de l'activité politique (et judiciaire : " afin de retrouver sa liberté de parole "). Jacques Chirac non plus n'y siège plus depuis le 6 mars 2011, mais pour des raisons de santé (et en raison de sa situation judiciaire). Quant à Valéry Giscard d'Estaing, bien qu'ancien Président de la République depuis le 21 mai 1981, il ne siège au Conseil Constitutionnel que depuis le 2 avril 2004 en raison des nombreux mandats électifs qu'il a obtenus durant cette période de vingt-deux ans entre mars 1982 et mars 2004.
Après le Palais-Bourbon (le 19 mars 1978 à 31 ans), la Rue de Rivoli puis Bercy (le 22 mai 1981 à 34 ans, puis le 28 mars 2000, à 53 ans), Matignon (le 17 juillet 1984 à 37 ans), le perchoir et l'Hôtel de Lassay (le 23 juin 1988 à 41 ans, puis le 12 juin 1997, à 50 ans), le PS de la rue de Solferino (le 9 janvier 1992, à 45 ans), le Quai d'Orsay (le 16 mai 2012 à 65 ans), Président de la COP21 (le 30 novembre 2015, à 69 ans), le voici donc maintenant, l'ancien jeune ambitieux, à la tête de l'Aile Montpensier du Palais-Royal à 69 ans.
Avec l'assurance qu'il n'ira jamais à l'Élysée. Et tant mieux, car, comme le disait le général Marcel Bigeard, mort un 18 juin et né il y a exactement 100 ans le 14 février prochain : " On meurt pour De Gaulle, pas pour Fabius ! " ("L'Événement du jeudi", le 21 février 1985).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (11 février 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Christiane Taubira au Conseil Constitutionnel ?
Où sont les femmes ?
Le roi de la COP21.
Les vacances de monsieur Fabius.
Débat Fabius vs Sarkozy (6 mars 2012).
Fabius candidat à la primaire de 2011 ?
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160210-fabius.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/fabius-et-le-cimetiere-des-177522
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