RETOUR SUR TURANDOT
de Giacomo Puccini (1858-1924)
Opéra Berlioz - Le Corum
Mardi 9 février - 20 h
Drame lyrique en trois actes et cinq tableaux achevé par Franco Alfano, livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni d'après la fable de Carlo Gozzi, création le 25 avril 1926 à la Scala de Milan
Coproduction Opéra national de Lorraine et Opéra-Théâtre de MetzEn partenariat avec :
Argument
" Dans une Chine millénaire et barbare vit une belle princesse glaciale qui fait décapiter tout prétendant échouant à résoudre trois difficiles énigmes. Au moment où le prince de Perse va être exécuté, un inconnu paraît et frappe de trois coups le gong qui le déclare candidat... Transformant en 1920 cette légende ancienne au parfum exotique, Puccini invente un opéra poignant entre pouvoir, amour et cruauté. "
Artistes et interprètes
Michael Schønwandt
direction musicale
Yannis Kokkos
mise en scène, décors et costumes
Katrin Kapplusch
la princesse Turandot
Mariangela Sicilia
Liù, jeune esclave, guide de Timur
Rudy Park
Calaf, le " prince inconnu ", fils de Timur
Gianluca Buratto
Timur, roi de Tartarie en exil
ChangHan Lim
Ping, grand chancelier de Chine
Loïc Félix
Pang, grand maître des provisions
Avi Klemberg
Pong, grand maître de la cuisine impériale
Eric Huchet
Altoum, empereur de Chine, père de Turandot
Florian Cafiero
un mandarin, le jeune Prince de Perse
Chœur de l'Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon
Chœur de l'Opéra national de Lorraine
Chœur d'Opéra Junior - Petit Opéra
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Foule des grands soirs, public se pressant pour occuper toutes les places de la salle, pourtant de belle taille, de l'opéra Berlioz, gageure tenue pour cette deuxième représentation de Turandot faisant suite à une première très appréciée.
Un décor très graphique, faisant la part belle aux " chinoiseries " suggérées et traitées façon BD. On se dit que Yannis Kokkos a du apprécier les aventures de Tintin et qu'il a su en tirer la " substantifique moelle ". Il y a du " Lotus bleu " dans le décor de fond de scène, dans la palette des couleurs des costumes et jusqu'aux vestes à queue de pie des ministres Ping, Pang, Pong, cousines de celles de Mitsuhirato et des membres de la légation japonaise.
L'opium, les singes, clins d'œil à une imagerie traditionnelle de la Chine... vue d'ici, font partie, également, des belles trouvailles.
La direction du maestro Michael Schønwandt enlève l'enthousiasme et l'interprétation de tous les protagonistes ne souffre aucune critique. De la glaciale Katrin Kapplusch, majestueuse Turandot, au convaincant Calaf en passant par les ineffables Ping, Pang, Pong, que du bonheur !
L'histoire, pourtant bien connue, est toujours aussi prenante et le jeu des autres interprètes sert à merveille cette fable exotique. Le choix du metteur en scène, évitant une " sinisation " tatillonne, en jouant sur des effets simples et immédiatement lisibles accentue le versant conte orientalisant du sujet. Un seul bémol concerne la concession faite à une certaine mode qui nous offre " trois grâces ", suggestivement dénudées, lors des tentatives de corruption de Ping envers le Prince Calaf. On tombe dans la " tentation de Saint Antoine ", mais bon, le grief n'est que de pure forme et, malgré tout, la prestation de ces Vénus ne manque pas d'humour.
La palme revient aux performances vocales. Liu, délicieuse Mariangela Sicilia, dans son dernier air " Si, principessa, ascoltami " nous bouleverse et par son sacrifice prépare le dénouement... poignant ! Le ténor d'origine coréenne, Rudy Park, campe un " Principe ignoto " plus que convaincant. Voix puissante, jeu scénique sans faille, présence incontestable, un grand Calaf, certainement la " révélation " de cette soirée d'opéra. Le " Nessun dorma " de Park soutient la comparaison avec les plus grands. Un peu moins d'enthousiasme, peut-être, pour Turandot malgré l'interprétation de très haut niveau de Katrin Kapplusch. Il est vrai que le rôle est difficile et que la version représentée est celle où le personnage de la princesse est un peu amputé dans les scènes finales. Le passage, trop brutal, de la glace au feu, reste énigmatique et rend l'héroïne un peu incohérente. Très, très bonne interprétation, tout de même. Une mention spéciale pour Ping, le ministre maître du jeu, magistralement habité par Changhan Lim. Quand aux autres artistes, de l'Empereur à Timur, leurs rôles sont remarquablement mis en valeur !
Il ne faut surtout pas oublier ceux que l'on ne voit pas mais pourtant si présents, les chœurs de Montpellier et Nancy et les jeunes voix de l'Opéra Junior. Chapeau, les artistes !
Quant à l'Orchestre de Montpellier, toutes critiques oubliées, il nous offre sous une direction magistrale le meilleur de ses qualités. Ici aussi, bravo !
Les nombreux rappels, la standing ovation, les applaudissements nourris saluant tous les interprètes auxquels se sont joints chef d'orchestre et chefs de chœurs, autant de marques de satisfaction incontestable de la part d'un public montpelliérain, difficile mais capable de donner libre cours à son bonheur. Et ici, il jubile !
Au vestiaire, dans la file d'attente, on discute, on échange. " C'était très bon, mais tout de même, ces deux-là qui s'en vont main dans la main, vers leur bonheur, ils en ont fait mourir des gens. Des princes exécutés, aux Pékinois et à la pauvre Liu, ils peuvent être heureux, mais à quel prix ! "
Turandot confirme ce que nous affirmions lors de nos précédents retours, le virage a été pris... et bien pris, Montpellier et son Orchestre retrouve, enfin, sa place parmi le peloton de tête et offre au " Clapas " une raison de plus d'affirmer sa fierté. Une fois n'est pas coutume et, contrairement à nos habitudes de ne pas mêler culture et politique, nous nous félicitons de la présence de Philippe Saurel, maire de Montpellier, hommage rendu à l'Opéra de sa ville et à sa direction. Tant pis pour les grincheux je continue aussi, une fois de plus, à remercier Valérie Chevalier, Michael Schønwandt et leur équipe pour l'excellent travail qui est train de se faire et pour l'avenir souriant qu'ils nous laissent entrevoir.
Turandot OONMVidéos