J’apprends par la presse que « plus de trois mille chercheurs en robotique et en intelligence artificielle du monde entier ont signé une lettre ouverte demandant l’interdiction des " robots tueurs autonomes ", capables à brève échéance de sélectionner et d’exécuter des cibles sans intervention humaine. »
Je crois au contraire que dans le contexte international actuel, l’Occident et ses alliés doivent continuer de développer au plus vite ces nouvelles armes de haute technologie en complément de la dissuasion nucléaire.
Depuis le début de la guerre froide au vingtième siècle, les gens de ma génération ont vécu dans la hantise d’une troisième guerre mondiale entre les forces de l’Otan et celles du Pacte de Varsovie dont le champ de bataille eût été l’Europe. Malgré de nombreuses alertes (la plus connue étant la crise des missiles de Cuba, mais il y en eut bien d’autres, y compris avant la chute du mur de Berlin) le cataclysme n’a pas eu lieu car pour les belligérants, s’emparer d’un territoire dévasté pour toujours par l’arme nucléaire ne présentait pas d’intérêt. Résultat : une paix armée et relative dans un Occident à peu près démocratique même si la guerre continuait de manière conventionnelle hors de ses frontières par états lointains interposés.
Hélas, nous avons basculé dans un rapport de force radicalement différent dans lequel l’effroi nucléaire n’est plus le médiateur ultime puisque l’ennemi d’aujourd’hui, contrairement à l’ennemi d’hier, n’a absolument rien en commun avec nous, ni dans sa nature ni dans ses objectifs ni dans ses critères de victoire ou de défaite. L’ennemi actuel pense qu’il peut gagner au Ciel même s’il perd sur Terre, ce qui peut le conduire à envisager l’holocauste nucléaire comme une option acceptable puisqu’il a foi en ce qu’il estime être la vraie vie, celle qu’il ne situe pas en ce bas monde mais dans l’Au-delà. Pour l’Occident, une telle posture remet en cause le concept de dissuasion qui reposait sur un équilibre de la terreur entre des ennemis ayant la même conception de la vie et de la mort.
Maintenant que des actes de guerre sont commis sur son territoire, l’Occident connaît une phase d’adaptation. Cette adaptation passe par le deuil et l’abandon du déni de réalité.
Le deuil : l’Occident doit faire le deuil de son désir certes légitime mais illusoire de n’avoir point d’ennemi.
L’abandon du déni de réalité : l’Occident doit admettre qu’il est menacé chez lui, y compris de l’intérieur.
L’Occident doit aussi se libérer de sa mauvaise conscience historique sur laquelle prolifèrent trop de courants de pensée désuets et hostiles à sa culture et à son mode de vie. Il sait faire son examen de conscience et se remettre en question mais cette capacité ne doit pas le paralyser, surtout face à la menace actuelle.
La dissuasion nucléaire massive telle que nous la connaissons (le premier à tirer certain d’être le second à mourir) étant moins opérante (voire plus du tout) en présence d’un ennemi qui raisonne selon des critères différents, l’Occident adapte à juste titre sa défense en renforçant la recherche et le développement de son armement de haute technologie (drones, robots programmés et pilotés à distance, armes nucléaires miniaturisées et, bientôt, les fameux « robots tueurs autonomes ») parce que, Dieu merci, les opinions publiques occidentales ne tolèrent plus de se résigner au sacrifice de leurs enfants sur les champs de bataille ainsi que cela fut le cas lors des deux derniers conflits mondiaux.
Cette nécessaire montée en puissance de l’armement de haute technologie dont les Américains et les Français sont leaders a aussi pour corollaire l’abandon de toute idée de retour à cette inutile et coûteuse ineptie qu’était le service militaire obligatoire depuis longtemps définitivement inadapté aux exigences humaines et techniques de l’armée de métier.
Photo CC-E