Un film de Terrence Malick (1978 - USA) avec Richard Gere, Sam Shepard, Brooke Adams
Magnifique.
L'histoire : Etats-Unis. Début du XXe. La misère sociale est grande, malgré la réussite du pays dans bien des domaines. Il y a toujours les maîtres et les ouvriers. Bill est l'un d'entre eux. Il élève seul sa petite soeur, et vit avec Abby, qu'il fait passer pour une autre soeur car ils ne sont pas mariés. Il quitte la forge où il travaille à Chicago, trop dur, trop brutal, trop inhumain, et part avec sa petite famille pour faire la saison dans une grande exploitation agricole du Texas. Là encore le travail est dur, si dur... Toujours les maîtres, fringants et oisifs, et puis le petit peuple qui trime. Le propriétaire richissime des lieux s'éprend d'Abby et a deviné les liens qui l'unissent à Bill. Il lui avoue ses sentiments. Abby ne sait que faire. Mais quand on est si pauvre, peut-on refuser d'épouser d'un homme gentil et très riche ? Qui, de plus, est condamné par une maladie... Elle accepte à condition que son "frère" et sa soeur soient aussi logés dans la vaste demeure. Une nouvelle vie commence.
Mon avis : Romanesque, tragique, mais pas que. L'histoire aussi d'une Amérique qui peine à se construire ; l'insolence de ceux qui ont l'argent et exploitent les pauvres écorne quand même le fameux "rêve américain". La réalité n'est pas si simple. Des tas de gens ont souffert et souffrent encore dans ce pays grandiose, riche de ses terres, de ses gisements, de ses minéraux, que les plus malins et seulement ceux-là transformeront en or sonnant et trébuchant, sur le dos des moins bien nantis. Bill le dit à un moment, regrettant de ne pouvoir se sortir de la misère : "Je croyais que je serais plus intelligent que les autres. Que j'y arriverai. Mais non..." L'égalité n'existe pas. L'homme n'est qu'un fétu de paille, certains sont gros, d'autres fragiles. Mais quels que soient les événements, l'issue du voyage est la même pour tout le monde. En fait, c'est la Nature, le Ciel qui partout dictent leur loi. Le paradis qui semble toujours à portée de main n'est qu'un leurre. Et l'homme a beau inventer des machines, et se croire le plus fort, la nature trouve toujours son chemin pour montrer qui commande. Tout un concept qui semble résumer l'histoire du monde en un seul film. Et qui fait tristement écho à notre société d'aujourd'hui. Rien ne change. Tout bouge, mais au final, non, rien ne change.
Le film est peu bavard, et cela tient de la magie, car on croit pourtant qu'il y a beaucoup de dialogues ! Tout se dit avec les images et les visages des acteurs. Et puis quelques mots, quelques répliques, ou la voix off de la petite soeur qui raconte ce qu'elle a vécu ; comme une promesse d'avenir, un espoir. Du grand art.
Richard Gere et Sam Shepard rivalisent de séduction et de talent. Quels beaux acteurs ! Et quels beaux personnages, tour à tour anges ou démons, sans jamais vouloir être ni l'un ni l'autre. Tout est affaire de circonstance. L'homme est humain, soumis à ses pulsions et ses désirs. Les images sont toutes plus belles les unes que les autres, entre les vastes champs de blé, la maison isolée, les chevaux, les oiseaux, les insectes, et tous ces hommes qui travaillent, courbés sur leur ouvrage.
On retrouve déjà dans ce film tout ce qui fait la particularité de Malick : la puissance des images, l'ode à la nature et à sa supériorité sur l'homme, sa poésie, sa beauté, sa cruauté (la pousse de plante que l'on voit germer, les grillons...). Les personnages chez Malick semblent ballotés par les vents, et n'avoir que piètre importance dans l'univers. J'adore ça ! En même temps, il nous raconte à travers sa filmographie une histoire de l'humanité, et aussi une histoire de son pays, toujours sur la trace des humbles, pas des riches. Je n'ai pas aimé The tree of life, mais depuis j'ai vu d'autres films du réalisateur et je pense que je serais aujourd'hui mieux à même de comprendre ses dernières oeuvres, très hermétiques. Je les sens dans le prolongement de toute son oeuvre. Il est juste de plus en plus lyrique, de plus en plus au-dessus des exigences hollywoodiennes. On aime, on n'aime pas ; ça reste un Maître.
Et cette belle musique qui accompagne ses films... Ici, en l'occurrence, le thème principal est célébrissime puisqu'il sert aujourd'hui d'illustration sonore pour le Festival de Cannes (Le carnaval des animaux, de Camille Saint-Saëns). Mais on a aussi du Ennio Morricone.
Profession et public encensent le film depuis sa sortie. Je ne peux qu'approuver.
Les moissons du ciel entrent dans le Challenge, catégorie Film que je voulais voir depuis longtemps.