C’est l’atout-charme de Hollande qui en avait bien besoin, son stock étant intégralement épuisé auprès de Julie : Macron est maintenant de tous les combats, de tous les plateaux télé, de tous les happenings communicationnels médiatisables. Il est jeune, il présente bien, il balance ses vérités, prétend réformer un pays fossilisé sur ses certitudes et, en plus, n’est même pas conspué par le peuple ! Formidable, n’est-ce pas ?
D’autant qu’il multiplie les petites citations bien troussées, qui ont en plus le mérite de se concentrer en moins de 140 caractères : « C’est Cuba sans le soleil » (à propos de la tranche à 75% d’impôts), « Les jeunes Français doivent avoir envie de devenir milliardaires », « la vie d’un entrepreneur est plus dure que celle d’un salarié », et bien sûr, son ultra-turbo-choquant « le libéralisme est une valeur de la gauche »… Franchement, tout tient juste pile-poil dans des tweets serrés comme des expressos de George Clooney : c’est bon, ça, coco, c’est buzzable sur twitter, on va faire un carton !
Malheureusement, la mise en pratique est plus chaotique que ces nuggets de pensée prédigérée. Car pour le moment, une fois la fanfreluche médiatique retirée, une fois le clinquant des dorures républicaines et les jolis tweets rangés de côté, que reste-t-il très concrètement du travail d’Emmanuel Macron ?
Au delà de l’espoir d’avoir enfin, avec ce ministre, un type qui reconnaisse les lourdeurs invraisemblables de la société française et qui ait une idée, même approximative, des freins à retirer pour que l’économie reprenne, pour le moment, il ne nous reste guère que les dimanches ouvrés et la libéralisation des lignes de car.
Oublions tout de suite les dimanches ouvrés. Les syndicats et les administrations se sont empressés de transformer cette idée microscopique (rappel : jusqu’à 12 dimanches ouvrés sur 52, même pas un quart) en ectoplasme invisible.
Reste les nouvelles lignes de cars. Ok, soit, c’est un petit début. En un an et demi à son poste, on peut difficilement parler de folie réformatrice et de tempête libérale, mais soit, prenons ce qu’on trouve.
Eh bien même ça, même cette simple ouverture à la concurrence d’un domaine jusqu’alors réservé à la SNCF (oui, la SNCF gère des lignes de cars), et encore, en la limitant à celle des lignes de plus de 100 km, trouve malgré sa modestie et l’évidence de son bien fondé un ample nombre de détracteurs.
Soit, ces derniers comptent dans leurs rangs d’inénarrables clowns comme Gérard Filoche, dont les récentes aventures dans un car reliant Vierzon à Montluçon ont surtout tendance à décrédibiliser à la fois le personnage politique et le discours des opposants à cette timide réforme : croyant benoîtement prendre place dans un autocar « Macron », Gérard nous aura infligé ses pleurnichements pathétiques sur l’ensemble de son petit trajet routier, visant à montrer à quel point l’idée du ministre était abominable. Après 3 heures de route cahotante et 4 looOongues minutes de retard, le car débarque notre syndicaliste ronchon en bonne et due forme, mais, manque de pot ou incompétence du politicien, il se sera époumoné pour rien : le véhicule n’a absolument rien à voir avec la loi Macron, puisqu’il s’agissait de l’autocar 14.281 de 10h18 affrété par … la SNCF et rattaché au réseau TER.
Cependant, au-delà de ces bouffonneries, on commence à voir s’organiser la riposte. Oui, vous avez bien lu : une riposte s’organise contre la libéralisation des autocars, une grogne monte pour que cette micro-réforme soit abandonnée, ou remise en question.
C’est un peu abasourdi et à peine remis de la tranche de rigolade offerte par l’ex-inspecteur du travail précité qu’on découvre que la Grande Région Aquitaine entend faire interdire certains cars « Macron ». Elle a même saisi la célèbre ARAFER, la Hototorité de régulation des activités ferroviaires et routières, indispensable en France pour gérer cette tempête provoquée par ce libéralisme bouillonnant (au passage, on se demande comment les autres pays, qui ont des cars, des bus, des trains et des voitures qui circulent sur leurs réseaux, font pour s’en passer).
Pour la Grande Région, c’est bien simple : il faut faire obstacle à la mise en place de ces liaisons, à chaque fois qu’existent déjà des liaisons ferroviaires financée par la région. Renaud Lagrave, son vice-président en charge des transports, explique sans rire :
« C’est le rôle de la région de veiller à ce que nos TER ne soient pas concurrencés. Si nous perdons des passagers, nous devrons indemniser la SNCF. Et puis, imaginons que cette concurrence du car nous oblige à fermer la ligne TER, puis que le transporteur privé décide à son tour d’arrêter : il n’y aura plus rien ! »
Sapristi, bon sang, sapredieu, vertuchoux et ventre-saint-gris, comment tout ceci avait-il pu échapper au ministre Macron ?! Eh oui : des lignes de cars qui font du transport interurbain, ça risque de fortement concurrencer des trains express-régionaux qui font du transport interurbain, plus cher, plus aléatoire, et bien plus coûteux pour le contribuable !
Et puis, imaginons que cette concurrence fonctionne : les lignes de TER devraient fermer, ce qui constitue un manque-à-gagner en terme de dépenses fastueuses visibles par le contribuable-électeur, et une perte de crédibilité de l’élu qui aura promu cette idée pendant des décennies et se retrouvera à devoir en justifier les déficits abyssaux alors que son alternative fonctionne ! Ce serait intenable !
Dès lors, poursuivons le raisonnement imaginaire en élucubrant que, fourbe, le propriétaire de la ligne de car décide de la fermer, même si elle marche au point de faire fermer le TER (n’oubliez pas : le capitaliste qui se serait lancé dans telle aventure est non seulement fourbe, mais idiot). Il n’y aurait alors plus rien :
- les routes sillonnées par les autocars s’évaporeraient instantanément.
- les entrepreneurs susceptibles de relancer une telle ligne disparaîtraient.
- les chemins de fer existants, démontés dès que la ligne de car aurait été mise en place, coûteraient une fortune à rebâtir.
- les habitants de la Région, placides ruminants incapables de s’organiser, ne trouveraient jamais un moyen de covoiturer du point A au point B. Impossible. Ils sont trop cons.
Forcément.
Mais surtout, ce qui gêne la région avant tout, c’est que si le TER ne marche plus, la SNCF pourrait demander à ce que son déficit soit épongé. De la même façon, je présume, que – soyons fous – si Renault commence à grignoter des parts de marché à Audi, Audi pourra réclamer qu’on lui rembourse son déficit. Parce que. Ou si les e-mails fusillent l’activité « Lettres de moins de 20g » de La Poste, cette dernière ira réclamer une petite compensation à l’État. Ou si les taxis voient le prix de leurs licences s’effondrer à cause des VTC, ils casseront tout pour obtenir un remboursement de… Oh. Wait.
…
Tout comme la fumeuse réforme des dimanches ouvrés qui s’est terminée par un nombre ridicule de jours effectivement disponibles, et un sabotage en règle de tout ce que le pays contient de dinosaures arc-boutés sur une vision du monde délicieusement sépia, il apparaît que la libéralisation des autocars « Macron » prend gentiment le même chemin d’un saucissonnage des marges de manœuvre et d’une opposition systématique des politiciens.
Comme disait Faure, « l’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrêter ». Y compris Macron.
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