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Nantes, fille du fleuve et de l’Océan, nous donne à voir « la possibilité d’un rêve » au château des Ducs de Bretagne

Publié le 08 février 2016 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

Si les douves et les remparts du château – lieux publics en libre accès- sont bien souvent emplis de promeneurs venus se faire dorer la pilule au soleil, ce week-end, c’est à travers la brume que nous nous dirigeons vers la flèche de la couronne d’or qui s’élève dans le ciel nantais. On nous a soufflé qu’au mythique château des ducs de Bretagne, fief de l’aventurière Anne de Bretagne, de belles expositions méritaient un petit détour en pays nantais.
Le musée de l’Histoire de Nantes et l’INRAP présentent l’exposition «Tromelin, l’île aux esclaves», tandis que notre metteur en scène fétiche Wajdi Mouawad investit les collections permanentes pour nous murmurer à l’oreille l’histoire de « Créatures » énigmatiques à qui il donne voix… Aperçu.

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Nous traversons le quartier médiéval grouillant de parapluies multicolores, franchissons l’entrée des douves en passant le théâtral pont-levis, puis, après la grande cour circulaire, trouvons refuge dans l’aile du château qui abrite les expositions temporaires.

C’est alors que, munis de notre carte de l’île Tromelin qui fait office de guide au sens propre comme au sens figuré, nous entrons dans l’espace d’exposition, et presque littéralement dans « l’île des esclaves oubliés » : l’Utile, navire majestueux de la Compagnie des Indes orientales, parti de la côte française s’échoue en 1761 sur l’île Tromelin, îlot au large de Madagascar. 160 esclaves malgaches sont alors à bord de l’embarcation coloniale, achetés en fraude à Madagascar. Lorsque les colons embarquent quelques mois plus tard sur une embarcation de fortune pour rejoindre l’île, ils laissent derrière eux 80 esclaves survivants. Quinze ans plus tard, lorsqu’un navire est enfin envoyé à leur rescousse, sept femmes et un enfant de huit mois seront sauvés.

Douves du château des ducs de Bretagne - © Jean-Dominique Billaud - LVAN

Douves du château des ducs de Bretagne – © Jean-Dominique Billaud – LVAN

245 ans plus tard, la découverte d’une patte d’ancre qui émerge au bout du rivage inaugure 16 ans de recherches archéologiques sous-marines et terrestres qui nous sont livrées dans cette exposition originale.

Le naufrage de l’Utile et la longue survie des rescapés nous plongent en réalité bien au-delà de la simple histoire particulière pour s’ouvrir à l’histoire universelle : l’exposition replace la tragédie dans l’histoire maritime des empires européens, et dans celle de la traite. Les (grands) enfants aux yeux émerveillés découvrent la construction des bateaux et l’histoire des ports maritimes avec des maquettes, des représentations, des objets originaux et de nombreux écrans multimédias qui les transforment tantôt en marins tantôt en constructeurs de ces impressionnants navires.

Vue de l'exposition : Tromelin, l’île aux esclaves © Annaëlle Veyrard
Vue de l'exposition : Tromelin, l’île aux esclaves © Annaëlle Veyrard
Vue de l'exposition : Tromelin, l’île aux esclaves © Annaëlle Veyrard

On embarque à bord de l’Utile et ses compères qui sillonnent les mers pour le compte des empires coloniaux, avant d’assister à la fraude du capitaine Lafargue qui achète à Madagascar 180 esclaves. La question du trafic des esclaves et de la traite négrière y est remarquablement bien traitée, avec des documents d’origine, des cartes et des reconstitutions, mais aussi avec des récits d’époque et d’autres plus contemporains, notamment des extraits agrandis de la très belle bande dessinée de Sylvain Savoia, dont les dessins nous permettent d’accéder à l’Histoire de façon très émotionnelle et affective, en rendant très justement toute la dimension humaine.

Nous entrons ensuite, écartant un rideau, en plein dans le chantier de fouilles, qui met en lumière l’organisation des hommes restés sur l’île face à l’hostilité de l’environnement, mais aussi les méthodes de fouille. Un écran dessinant les mouvements de la mer nous fait entendre le bruit des cyclones s’abattant sur l’île : nous voilà aux côtés de l’équipe archéologique, qui se présente un à un pour nous emmener sur les traces qui leur ont permis de reconstruire l’histoire de ce naufrage ; mais aussi l’histoire de ce « nouveau peuple » qui s’est approprié l’île, y a bâti une organisation sociale et spatiale dans un isolement complet et des chances de survie quasi nulles.

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La muséographie de l’exposition nous laisse découvrir progressivement les pans de l’histoire, nous en rendant acteur, tout au long d’un parcours sensoriel et nous associant toujours à la démarche de reconstruction historique et archéologique. Les plus aventuriers d’entre nous auront même choisi d’endosser les rôles d’un archéologue, un commandant de navire ou un personnage de BD, suivant alors un itinéraire personnalisé pour une visite (encore plus) expérimentale.

Et le château ne nous aura pas encore révélé toutes ses surprises. Les recoins de ses salles d’exposition permanente, présentant l’histoire de la ville, abritent des créatures mystérieuses à qui Wajdi Mouawad a donné la parole. « Quel récit serait le leur s’il leur avait été donné de raconter ? (…) De quoi les bêtes sont-elles les gardiennes en étant gardiennes du silence ? », s’interroge l’artiste. De notre confort semble-t-il, notre insouciance parfois criminelle parfois nécessaire, de notre négligence bien souvent, notre aveuglement parfois. Avec les créatures qu’il a dépêché au musée d’Histoire Naturelle de Nantes, Wajdi Mouawad endosse le rôle de l’artiste qui dérange, celui qui, comme les scarabées qu’il fait parler, « se nourrit des déjections du monde et de cette nourriture abjecte parfois il arrive à faire jaillir la beauté ».

Vue de l'exposition Créatures © Annaëlle Veyrard
Vue de l'exposition Créatures © Annaëlle Veyrard
Vue de l'exposition Créatures © Annaëlle Veyrard

Il fait parler « les bêtes à cornes, mémoire des forêts », qui se demandent « pourquoi les humains nous accrochent-ils au mur comme des objets ? ». Les oiseaux qui parcourent le ciel au-dessus de ces humains « qui ont reçu la verticalité en cadeau et (qui) pourtant (paraissent) courbés sous un poids invisible ». Et les papillons aux couleurs de jade ou aux ailes azurées d’évoquer leur sortie de la chrysalide, filant la métaphore de la sortie du cocon de l’enfance : puis la chaleur du soleil et les gouttes de rosée ont permis à leurs rêves de se déployer pour devenir des ailes. Et de nous dire alors, « quand tu verras voler un papillon dis-toi que tu verras voler devant toi la possibilité d’un rêve ».

Annaëlle Veyrard

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Château des Ducs de Bretagne, Nantes
Créatures, les animaux ont une histoire de Wajdi Mouawad
Prolongation jusqu’au 21 Février 2016

Tromelin, l’île des esclaves oubliés
Du 17 octobre au 30 avril 2016 

Tarif plein 8€, tarif réduit 5€ 
En tournée ensuite à Lorient, à Bordeaux, à Bayonne, Marseille, puis dans les l’île de Tahitiou, l’ile de la Réunion, l’île Marice et à Madagascar, puis à Fort de France.


Classé dans:Expositions, Idées sorties, Patrimoine Tagged: île aux esclaves, bon plan, bretagne, château, châteaux, Créatures, Ducs de bretagne, expo, exposition, nantes, tourisme, Tromelin, Wajdi Mouawad, week-end

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