La photographe new-yorkaise Arlene Gottfried, mal connue en France, est exposée pour la première fois à Paris à Les douches la Galerie . Les douches La galerie présente une sélection de photographies de jeunesse, prises dans les années 70 et 80, lorsqu’elle sillonnait sans cesse Brooklyn à la recherche de lieux vivants, de tronches étonnantes, de scènes de rue insolites.
Arlene Gottfried est dactylo le jour à Manhattan. Elle a appris la photo à New York en cours du soir, avant de devenir professionnelle.
Cette exposition nous présente sa vision en noir et blanc de la ville, dans les années 70-80, époque légère où s’affichait la liberté sexuelle avec glamour et insolence. Un regard malicieux et tendre sur les rues, les plages, les boîtes de nuit de la cité américaine.
Jusqu’au 5 mars 2016
Les Douches La Galerie
5, rue Legouvé
75010 Paris
« Je détestais l’école, et quand j’ai passé mon bac, mes parents voulaient absolument que j’aille à la fac. Mais il n’était pas question de continuer à rester assise dans une salle de classe à me forcer à écouter ce qui se passe. Ma mère a épluché la brochure de l’université et m’a suggéré de choisir une matière artistique. En m’inscrivant, j’ai vu qu’ils proposaient un cours de photographie. Un soir par semaine, je sortais de mon boulot de dactylo à Manhattan à 17 heures, je prenais la ligne A du métro pour High Street à Brooklyn, où avait lieu le cours, dans un bâtiment industriel. La première fois, en voyant que tous les étudiants étaient des garçons, j’ai dû me retenir de pleurer. Après avoir un peu sympathisé, j’ai été invitée à l’anniversaire de l’un d’eux, un étudiant qui, quelques semaines auparavant, avait fait mon portrait, mais, bizarrement, en me demandant de me retourner pour me photographier de dos. Le soir de la fête, je lui ai demandé de me montrer la photo. Il a répondu qu’il n’avait pas de tirage mais que je pouvais regarder le négatif dans l’agrandisseur. En voyant la photo de mes cheveux longs coincés dans ma veste de fourrure rétro, j’ai compris pourquoi il m’avait demandé de me retourner. Ce fut un véritable déclic : je venais de comprendre que la photographie pouvait être une forme d’expression à part entière. J’ai commencé à m’y intéresser sérieusement et j’ai décidé de faire un diplôme de photographie en deux ans au « Fashion Institute of Technology ». Après mon diplôme, j’ai été assistante pour de nombreux photographes dans des studios commerciaux et, pendant plusieurs années, photographe pour une agence de pub. Malgré cela, après le boulot ou le week-end, je passais le plus clair de mon temps à faire de la photo. Véritable New-Yorkaise, j’étais faite pour être tout le temps dehors. J’avais passé mon enfance à Brooklyn, et mes premières photos montraient la vie dans la rue. Je braquais mon objectif sur mes amis, ma famille et mes voisins dans ce quartier d’une grande diversité ethnique. Mes photos ont fini par devenir instinctives, je ne réfléchissais pas à ce que j’allais photographier ni pourquoi. Aujourd’hui, il m’apparaît clairement que ces photos noir et blanc des années 1970 et 1980 témoignent d’un New York qui a disparu. C’était un univers assez rude, et je me plaisais à côtoyer des gens qui avaient quelque chose d’unique et d’excentrique. J’écumais les festivals, les fêtes de quartier et les défilés – journée des anciens combattants, Pâques, fête des Portoricains, Gay Pride, Saint-Patrick, et le défilé d’Halloween, qui avait un charme tout à fait particulier. L’été, je retournais sur les plages de mon enfance, Coney Island et Brighton Beach. J’ai des souvenirs intacts de ces plages, j’y suis très attachée et j’y vais toujours. J’ai fait des photos à Bay One, la plage nudiste de Riis Beach – la seule de tout New York. Quand j’étais invitée dans des boîtes de nuit, je prenais mon appareil photo – le studio 54, GG’s Barnum Room, Le Clique, Les Mouches, Paradise Garage et l’Empire Rollerdrome, où l’on dansait en patins à roulettes, tous ces endroits affichaient le glamour, l’insolence, l’exhibition sexuelle et ce vent de liberté d’expression qui caractérisaient le monde d’avant l’épidémie du sida. Mes photos s’apparentaient à des souvenirs : j’aimais collectionner les moments vécus avec les gens que je rencontrais dans les lieux que je visitais. Et si je repartais avec de superbes photos d’eux, c’était la cerise sur le gâteau. Quand le Radio City a été menacé de démolition, je me suis engagée aux côtés de ceux qui refusaient cette destruction et j’ai décidé d’immortaliser le dernier music hall de New York en photographiant les Rockettes. Au Roseland Ballroom, j’ai photographié les gens qui venaient régulièrement danser depuis les années 1940 et 1950. Les photos de Sometimes Overwhelming montrent une époque et les gens qui l’ont vécue. La plupart savaient qu’ils étaient photographiés, mais je ne leur ai jamais demandé de poser – c’était une collaboration. Les personnes les plus âgées, dont beaucoup font partie de mes proches, ne faisaient pas du tout attention à moi, tandis que les enfants, eux, avaient recours à leur imagination. Quand je les regarde, je voyage dans le temps et je retourne dans ces endroits, je revois ces gens que j’ai eu le plaisir de croiser sur mon chemin ». Arlene Gottfried