Après un mois de janvier, des plus riches en bonnes lectures,
je craignais un creux en février, un peu d’ennui dans ma masure.
Que nenni mon bon ami,
trois seinens étaient de la partie.
Fantastique, anticipation, thriller ou horreur,
ont ajouté bonne dose d’action, narration palpitante, embellissant mon humeur !
Donc, mon bon ami, trêve de ritournelles ou autres qualificatifs,
voici les chroniques de ces trois titres que, ô mon capitaine, je kiffe !
O seinen ! My Seinen ! Rise up and hear the tales !
(et big up Walt Whitman !)
Dimension W #8 de Yuji IWAHARA chez Ki-oon : Et là je dis, une fois de plus, MONSIEUR IWAHARA. Tout est réussi dans ce tome. On commence par cette sublime couv’, avec l’un des personnages les plus énigmatique de l’histoire, armé d’un sourire qui l’est tout autant, dans un mariage de jaune, violet-gris et noir diablement efficace. Et toujours ce revêtement phosphorescent que l’on oublie et que la nuit nous rappelle (« punaise mais c’est quoi cette lumière sur ma table de chevet ?!!! Ah oui, c’est vrai !« ).
Heureusement le contenu vaut sans problème le contenant. Notre groupe de récupérateurs mené par Kyoma et Mira se rapproche de l’endroit où s’est produit la mystérieuse explosion, et les chemins de nos différents protagonistes, jusqu’ici éparpillés sur l’île, semble converger… D’abord enfermé dans ces souvenirs, Kyoma s’en extirpe et la mémoire lui revient par fragments. Malheureusement les souvenirs de son passé de combattant ne sont pas les seuls à revenir : les anciens compagnons d’armes de Kyoma qui n’ont pas eu la chance de revenir entier de la Dimension W ont été transformés en zombie et manipulés par un assassin de la confrérie Eudos, dont on ne sait pas grand chose non plus. Avec cet arc au cœur d’une île maudite, voici que le polar d’anticipation prend de l’ampleur et vire au thriller, toujours gorgé d’action.
Avec 8 itérations au compteur, on connait maintenant bien les protagonistes – nous y sommes attachés, même – et on ne demande qu’à les voir poussés dans leur retranchements pour qu’ils évoluent, maintenant que leur passé commence à été mis à nu. Kyoma le taciturne râleur est sous les projecteurs et le fait qu’il soit en plein doute fait remonter des émotions qu’on a peu l’habitude de lire sur son visage… A ce titre, la fureur mêlée de tristesse qui explose en fin de tome est tout simplement grisante. Comme ce fut le cas pour Tokyo Ghoul avec son volume 7, la séquence en cours de Dimension W est donc des plus prenantes.
Si on ajoute les doubles pages somptueuses de Yuji IWAHARA, ses lignes de force variées et hyper bien placées, ses zooms et dézooms super dynamiques, son talent pour la superposition des plans et des cases… La conclusion est simple : ce manga est toujours aussi canon de chez canon !
Ajin#4 de Gamon SAKURAI chez Glénat: je ne vous avais pas reparlé d’Ajin depuis son premier tome en juillet dernier, même si je partageais souvent mon intérêt pour le titre sur les réseaux sociaux. Mais ce tome 4 mérite un nouveau coup de projecteur car un scénario qui mûrit et de bonnes doses d’adrénaline sont au programme…Ajin c’est ce titre où certains humains s’aperçoivent du jour au lendemain qu’ils ne peuvent pas mourir – ou plutôt qu’ils ressuscitent à chaque fois – et qu’ils sont les seuls à percevoir un étrange fantôme qui leur sert de compagnon. Du côté du gouvernement on a pu découvrir dans les trois premiers volumes que les pires atrocités sont conduites sur les Ajin afin de les étudier, dans le plus grand secret : on écrase, on découpe, on flingue, on tue et re-tue à longueur de journée, sans se soucier de l’humain qui est leur cobaye, pourtant capable d’éprouver la douleur de chacune de ces séances de tortures. « Pour vivre heureux, vivons cachés » : tel est l’adage des Ajin jusqu’ici, mais un certain Sato a décidé de changer la donne en passant un appel public au regroupement des Ajin. C’est sur cet appel et sur l’évasion de Kei, le héros de notre histoire, d’un centre d’expérimentation gouvernemental, que nous nous étions quitté au volume précédent.
Dans ce volume 4, sept Ajin font le déplacement pour écouter ce que Sato a à dire, mais le projet terroriste que ce dernier leur dévoile ne va pas convaincre tout le monde. Sato n’est pas décidé à laisser les mécontents entraver son chemin et tentent de les réduire au silence mais l’un d’eux, le jeune Nakano, parvient à s’échapper, in extremis.
Une nouvelle course poursuite se met alors en place pour Nakano, qui tente de fuir le groupe de Sato puis les hommes du gouvernement qui ont décelé sa trace et qui cherchent à le capturer. Les circonstances vont alors pousser Nakano jusqu’à la planque de Kei… Mais le relation entre ces deux-là va démarrer de manière assez singulière. Pendant ce temps Sato prépare son plan et l’officialise, une fois de plus en public : « mercredi à quinze heures, nous ferons exploser le siège des Laboratoires Grand.»
Après avoir pas mal tergiversé – ou présenté confusément – le fil conducteur de son histoire et ses intentions scénaristiques, Gamon SAKURAI structure son récit et nous permet de sortir du brouillard. Il fallait sans doute ces trois tomes pour que l’immersion se fasse et que chaque protagoniste prenne sa place. Temps nécessaire également pour que le héros, Kei, parvienne à prendre pleinement conscience de sa condition et des alternatives qui lui sont offertes. Mais maintenant, ça y est, la série est lancée et ce volume 4 confirme qu’elle est sur d’excellent rail.Sato est un bad guy à la désinvolture glaçante et se moque totalement du sang qu’il peut avoir sur les mains : il est en guerre et persuadé de sa toute puissance, a des envies de revanche envers ceux qui l’ont maltraité et se montre redoutablement intelligent. Kei lui aussi n’est pas en reste, surtout depuis qu’il est passé entre les mains des scientifiques du gouvernement : il a mis ses émotions de coté et a appris avec méthode à utiliser ses pouvoirs, et nous en fait la démonstration de manière extrêmement efficace :un modèle de sang-froid et de détermination afin de sauvegarder une existence tranquille. Mais si on se doute bien que ça durera pas.
La narration et le scénario murissant, il n’y a donc plus aucune raison de ne pas découvrir et d’apprécier Ajin, car ce seinen de chez Kodansha avait déjà son excellente qualité visuelle pour lui : dessins regorgeant de détails, belle gestion des perspectives et un talent certain pour passer d’un cadrage serré ou américain à des plans larges voir hyper larges. Lors des multiples chutes et sauts qui parsèment la série, cette alternance donne presque le vertige aux lecteurs et confère à l’atterrissage un impact retentissant. Ensuite, Ajin a aussi des solides arguments dans des phases d’actions plus « horizontales » avec des excellentes idées tant chorégraphiques que martiales, incluant à merveille la capacité de mourir à l’infini dans la façon de se battre des protagonistes. On se croirait par moment avec des héros de jeu vidéo, capable de mourir à l’infini et de tester des expériences fatales juste pour par curiosité du résultat…
Bref, graphiquement, scénaristiquement et narrativement la série est maintenant en place : tous les ingrédients sont maintenant pour en faire une réussite !
Anguilles démoniaques#1 de Yusuke OCHIAI (dessin) & Yû TAKADA (scénario) chez Komikku : connu pour être l’auteur qui a lancé les éditions Komikku avec l’île infernale, Yusuke OCHIAI avait séduit par un bon coup de crayon et une bonne mise en scène mais on retenait aussi quelques difficultés sur le scénario, confirmé par son one-shot Moon Shadow sorti la semaine dernière, amusant mais assez répétitif. Ainsi cette adaptation d’un roman noir de Yû TAKADA est une excellente occasion pour OCHIAI de faire ce qu’il fait le mieux : dessiner, installer une ambiance, créer des angoisses chez le lecteur qui devient rapidement addict à cette descente en enfer.
Dans Anguilles démoniaques, c’est Masaru Kurami, un trentenaire japonais à l’imposante carrure, qui va s’enfoncer dans l’horreur. Criblé de dettes de jeu, il est obligé de devenir l’usurier de Chiwaki Entreprise : recouvrement de dettes, transport de marchandises, extorsions et prostitution déguisée, voici la nouvelle vie de notre timide yakuza. Mais sa grande stature et sa timidité qui lui confère un aspect taciturne font de lui un homme doué à sa tache et Chiwaki, son boss, mise beaucoup sur lui, quitte à lui faire la boule à zéro et à lui fabriquer un nouveau look pour le rendre encore plus inquiétant.
Malheureusement l’histoire ne s’arrête pas là et, un beau jour, Masaru se voit confier une étrange tâche : livrer un container chez un éleveur d’anguilles dans le quartier lugubre de Kuromu. Le salaire est bon, très bon, mais il ne faut pas poser de question : ni sur l’employé défiguré qui travaille chez l’éleveur, ni sur le frère du boss qui tient la place et à qui il manque presque tous les doigts, ni, SURTOUT, sur le contenu du container. Même si ce dernier semble faire du bruit à l’arrière du camion. Sa mission, le quartier, les éleveurs d’anguilles : tout ça va rapidement obséder Masaru, même une fois le travail effectué. Quand, quelques semaines plus tard, son boss va lui demander de gérer une nouvelle livraison, Masaru risque bien de plonger encore plus profondément dans l’antre du démon !
L’horreur est donc à l’honneur, même si c’est plus la violence des émotions et l’angoisse que génère le non-dit qui fait palpiter le cœur du lecteur pour le moment, beaucoup plus que des gerbes de sang qu’on nous sert parfois dans ce genre de récit. Masaru est tout de suite identifié comme un bon garçon qui s’est laissé entraîné par l’appât du gain et qui s’échine désormais à faire amende honorable pour vivre un nouvelle vie, pour lui et une charmante épouse qui a aussi eu sa part d’obscurité. Ce gros ours plutôt dans le repentir est surtout loyal à ce boss qui lui a donné une seconde chance. C’est à travers ses yeux et dans ses journées presque ordinaires, pour un malfrat tout du moins, que l’on sent monter progressivement l’inquiétude. Vient alors ce tournant, avec l’arrivée dans le quartier sordide de Kuromu : ce travail est clairement une autre paire de manche et les responsables de l’élevage des anguilles font froid dans le dos. Comme Masaru, on en ferait facilement des cauchemars, se demandant ensuite si on a bien rêvé, d’abord, puis si la réalité ne serait pas encore pire.
Qu’adviendra-t-il de notre montagne de muscle dans ce monde des plus cruels ? Avec cette série en 3 tomes dont le premier sort la semaine prochaine, on devrait le savoir assez vite !
Et voilà pour ces lectures… De tous ces titres et d’autres, il en est question, en images et commentaires, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter pour des impressions post-lecture à chaud. On finit avec la pile de choses à lire, toujours aussi volumineuse avec pas mal de nouveautés arrivées cette semaine… Y a des choses qui vous intéressent là dedans ?