La critique de Claude :
Beaucoup de Français connaissent Boris Johnson, qui, avant d’être écrivain, est Maire (conservateur) du Grand Londres depuis 2008 : il a un côté nounours, une tignasse blonde, une belle connaissance du Français (avec accent bien marqué). Il roule hardiment à vélo dans sa capitale très chargée. En ce moment dit-on, il hésite entre le oui et le non au referendum sur le « Brexit ». (Le Monde du 5 février)
On le dit candidat à la succession de David Cameron à la tête de la majorité « tory ».
On imagine que son récent livre sur Winston Churchill pourrait être une étape sur la voie de cette candidature : c’est en effet l’occasion de dessiner l’idéal britannique de l’homme d’Etat, et de se positionner par rapport à cet exemple.
C’est en effet grâce à son caractère, son énergie, son humour, son ouverture, son humanité que Churchill est devenu l’un des hommes d’Etat les plus marquants du XXème siècle. Johnson nourrit cette évidence d’innombrables anecdotes sur cet aristocrate qui aime et défend le Peuple, sur ce politicien à la morale exigeante, sur cet intellectuel bien caché dans un homme d’action.
Cette biographie ne suit pas l’ordre chronologique, mais « attaque » par le sommet de la vie publique de notre héros : fin juin 40, la France est écrasée par les chars de la Wehrmacht. Toute l’Europe de l’Ouest est sous la botte nazie ; l’Angleterre est seule face à l’ogre.
Nombre de politiciens britanniques, ceux notamment qui ont cru dans les années 30 à « l’apaisement » avec Hitler, ou ceux qui ne sont pas allergiques au nazisme, pensent à rechercher un accord avec les Nazis. On sait aujourd’hui que le Führer aurait été tenté (cf. Basil Liddell Hart : « Les Généraux allemands parlent » et Ian Kershaw : « Fateful choices »)
C’est le bouillant Sir Winston qui va retourner le Parlement et lui faire prendre la voie du combat. Boris Johnson montre cependant l’atmosphère de défaitisme et de scepticisme qui entoure et souvent gêne le Premier Ministre. Un long chemin d’angoisses et de déceptions attend Winston, avec l’impréparation des Armées et des généraux – sauf les Aviateurs, dont Johnson parle peu -, les défaites de Grèce, de Libye, de Singapour, d’Arnhem, la dureté des Américains – dont on découvre qu’ils n’ont pas beaucoup mieux traité les Anglais que les Français libres.
La victoire soulage ces angoisses, mais il est clair que Staline, qui occupe l’Est européen, ne lâchera pas prise : il revient à Churchill, écarté du pouvoir par les électeurs britanniques d’alerter sur ce « Rideau de fer » qui s’est abattu « de Szczecin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique ».
Il le fera le 5 mars 1946 à Fulton (Missouri), dans un simple discours prononcé devant une assistance universitaire. Personne ou presque ne le suivra, avant du moins que ne s’accumulent les preuves de l’incarcération de millions d’Européens.
Il en tirera la conclusion que l’Europe occidentale doit s’unir, même si elle ne se fédère pas. Il le proclamera dans son discours de Zurich, le 19 septembre 1946. Qui sait aujourd’hui que les grandes lignes de l’idée européenne ont été posées par un homme d’Etat britannique ?
Je suis malheureusement moins admiratif devant le chapitre consacré au Moyen Orient, mais, là comme en Europe de l’Est, que pouvait faire un homme politique, fût-il plein de tous les talents imputés à Churchill ?
Donc je recommande fermement ce livre, qui complète bien les ouvrages récents consacrés à Churchill (ceux de François Kersaudy par exemple).
Winston, comment un seul homme a fait l'histoire, récit de Boris Johnson, traduit de l’anglais par Cécile Dutheil de la Rochère, édité chez Stock, 459 p., 22 €.