A peine remis de l'arthrite causée quelques jours plus tôt par les frénétiques parties de Pacman et d'antediluviennes joutes Pong lors du set DJ d'Arnaud Rebotini dans un Paloma transformé à l'occasion en vaste penny arcade, nous revoilà dans notre salle fétiche pour célébrer la pop made in Europe.
Du frog, du teuton, du batave, il yen a pour tous les goûts.
Nos amis du Superhomard, la nouvelle idéale déclinaison Lautnerienne de Christophe Vaillant, ouvre les hostilités. Accompagné des trois cinquièmes de son groupe Pony Taylor, et renforcé de Tommy aux claviers et Pandora au chant, le Superhomard fait naviguer l'auditeur dans les méandres rêveurs d'un Jean-Jacques Perrey et d'un Ennio Morricone à son plus alangui.
Et plus près de nous, ces longs morceaux majoritairement instrumentaux où règnent les claviers vintage, évoquent le souvenir de grands groupes aujourd'hui disparus, les Stereolab, Fugu ou autres Broadcast. Le Superhomard m'a charmER.
La casquette et la chemise loose de bûcheron sont l'unique faute de goût vestimentaire du quatuor mixte berlinois ach ! Fenster. Pas tant ach! que ça d'ailleurs, tant ce groupe qu'on imagine kraut au préalable -origines teutonnes et clavier sosie de Mike Ratledge (Soft Machine)- sait s'exprimer dans un français impeccable et dénué d'accent.
Voix de fausset, breaks impromptus, une inventivité non feinte aux guitares, le quatuor de "fenêtres" a beaucoup d'atouts dans la manche pour séduire. Parfois la formule tout juste arty a du mal à s'installer (entame de morceau avortée, mélodies moins séduisantes ici ou là), mais ça joue bien, ça sonne original sans être prétentieux, et au final on demande à revoir ces oiseaux là.
La tête de gondole ce soir c'est Jacco Gardner -prononcer [yako] comme [le mayo yone de delgado] origines néerlandaises obligent.
Le nouveau petit prince de l'indé psyché est très attendu car comment dire....les morceaux du 1er lp Cabinet of Curiosities chroniqué en ces pages ont séduit jusqu'à une certaine limite : on avait quand même DEJA entendu ça un paquet de fois. Pas forcément en beaucoup mieux, mais un paquet de fois. Et l'ombre tutélaire du grand Syd de tournoyer encore et toujours autour du frêle batave. Sur le deuxième long effort, les choses se gâtaient quelque peu : Jacco se Tame Impalisait ; de moins en moins de chansons, de plus en plus de longueurs, des morceaux mous et parfois chiants même si jamais désagréables. Mais sous un emballage visuel superbe, d'un graphisme rappelant une nouvelle fois Broadcast il est vrai.
Eh bien, notre homme va passer aisément le test de la scène. Excellemment accompagné par un trio on ne peut plus en place, Jacco Gardner nous réconcilie avec ses chansons, dont on avait oublié à quel point certaines étaient gracieuses et aériennes : l'irrésistible pont de clavecin de "Clear The Air", sur lequel on rêve d'art school et de Pink Floyd première heure, et qui n'aurait pas déparé sur Barrett.
Le son est à la hauteur, même si on eût aimé plus de clarté sur les harmonies vocales de ce titre. Mais c'est le début du set, et les voix iront crescendo.
On apprécie particulièrement "Puppets Dangling" dont les séraphins "ouh/ouh/ouh" du refrain évoquent tant le meilleur des Pretty Things (le refrain de "The Children" dans Emotions )
Bonne surprise également : beaucoup d'arpèges, à la douze cordes du lead guitariste, et aussi dans ce que Jacco règle en acoustique. Dans un set qui fait bien entendu la part belle aux chansons les plus playlistées du deuxième album, parmi lesquelles "Find Yourself" et "Hypnophobia" tirent leur épingle du jeu à l'applaudimètre.Plus que jamais le jeune et palot Jacco semble se poser en alternative crédible du troublant Peter Von Poehl, homme de main de Burgalat qui naguère avait su nous enchanter dans ses oeuvres solo.
Ce qui à nos yeux, et pour peu qu'il muscle son jeu, sera le plus beau compliment qu'on pourra adresser à Yako. Excellente soirée en vérité.