Nuages mouvants de Hsieh Hai-meng
Chronique de l’invention d’un chef-d’œuvre The Assassin, de Hou Hsiao-hsien
Sortie du film : 9 mars 2016 / Parution du livre : 2 mars 2016
Domaine cinéma • 216 pages – 22 € • Format : 16,5 x 20 cm isbn : 978-2-36057-078-2
Nuages mouvants est précédé de Histoire de Yinniang, par Pei Xing (IXe siècle),
et du scénario original de The Assassin, par A Cheng (Zhong Acheng), Chu Tien-wen et Hsieh Hai-meng
Préface de Jean-Michel Frodon
Traductions du chinois par Catherine Charmant, Deng Xinnan et Pascale Wei-Guinot – coordination : Gwennaël Gaffric
Ce livre propose un triptyque inédit : le récit historique de Pei Xing (IXe siècle) qui a inspiré le film The Assassin, le scénario original (écrit par Chu Tien-wen, A Cheng et Hsieh Hai-meng ), enfin et surtout « Nuages mouvants », la chronique de l’écriture du scénario, de la préparation et du tournage, écrite par Hsieh Hai-meng, la plus jeune des scénaristes, une personnalité forte et originale de la scène littéraire taïwanaise, qui a en partie inspiré le caractère de l’héroïne du film, une justicière rebelle qui lutte contre les tyrans dans la Chine du IXe siècle.
Salué comme un chef-d’œuvre au Festival de Cannes 2015 où il reçut le « Prix de la mise en scène », sélectionné pour concourir à l’Oscar du meilleur film étranger en 2016, The Assassin, dix-huitième long-métrage de Hou Hsiao-hsien est, selon l’expression de Jean-Michel Frodon (l’auteur de la préface) « une mutation, un voyage, un tournant dans l’art mobilisé ».
Nuages mouvants fournit d’innombrables indices qui en éclairent le processus de création. On y découvre une vision particulière de la culture chinoise classique des Tang et du cinéma, on y saisit de façon vivante et incarnée la manière dont travaille Hou Hsiao-hsien. On y comprend aussi les enjeux plus vastes en termes matériels, financiers, stylistiques, « idéologiques » auxquels il est confronté. On y a enfin accès à des informations plus générales sur les conditions de tournage en Chine, à Taïwan et au Japon. Tout le travail — depuis l’écriture du scénario jusqu’à la sortie du film — est dévoilé, mêlant croquis pris sur le vif, opinions tranchées sur des réalisateurs et des films, références aux conditions de fabrication d’autres films de « maître Hou », réflexions sur le sens de ses comportements et de ses décisions.
Les deux écrits précédant la chronique de Hsieh Hai-meng — bref récit du IXe siècle d’un côté, et de l’autre scénario rédigé au xxie siècle avec la connaissance du gigantesque corpus de romans et de films de wuxia (histoires de « chevalerie » et d’arts martiaux) — permettent de percevoir ce que peut signifier la réinvention en vue d’un art très actuel, le cinéma, d’un noyau narratif vieux de plus de mille ans.
Quatre voix pour un chef-d’œuvre
Au centre se trouve naturellement Hou Hsiao-hsien lui-même. Ou plutôt le HHH des années 2010. C’est-à-dire un réalisateur taïwanais au parcours unique, et qui aura surtout été capable, de manière très originale, de ne jamais effacer en lui les étapes antérieures de son parcours. Le Hou de la période 2009- 2015, celle qui va engendrer The Assassin, est ainsi simultanément : quelqu’un qui est né en Chine continentale, d’où ses parents sont arrivés lorsqu’il avait un an ; un ancien adolescent turbulent d’une ville de province taïwanaise ; un jeune homme ayant débuté un peu par hasard dans le cinéma en tournant des mélodrames commerciaux ; la principale figure du surgissement du Nouveau Cinéma taïwanais au début des années 1980 ; une personnalité publique dans son pays grâce notamment à des films rendant à Taïwan son histoire occultée par la dictature de Tchang Kaï-chek ; un des réalisateurs de la fin du xxe siècle les plus reconnus et admirés sur la scène internationale et en particulier dans les grands festi- vals où nombre de ses films (la Cité des douleurs, le Maître de marionnettes, Goodbye South, Goodbye, les Fleurs de Shanghai, Millenium Mambo, Café Lumière…) ont été salués comme des œuvres de premier plan ; un producteur et stratège du cinéma ayant beaucoup travaillé à accompagner l’apparition d’une jeune génération et à tisser des liens avec la Chine continentale ; un cinéaste incarnant une idée particulièrement exigeante de la mise en scène ; un homme jouissant en Asie d’une reconnaissance artistique et spirituelle que traduit l’emploi devenu habituel du mot « maître » ; une figure de proue du monde culturel taïwanais ayant occupé d’importantes fonctions institutionnelles comme directeur du Golden Horse Festival et fondateur de la Golden Horse Film Academy.
Chu Tien-wen, écrivaine renommée, est la partenaire de création de Hou Hsiao-hsien depuis le début de son œuvre véritablement personnelle, avec les Garçons de Fengkuei (1983). Issue d’une famille de grands auteurs et de personnalités culturelles importantes de Taïwan, Chu Tien-wen peut être considérée, avec Edward Yang, comme ayant conduit Hou à l’invention de son propre cinéma.
A Cheng est un écrivain de Chine continentale de grande notoriété, grâce surtout au livre les Trois Rois, qui réunit trois nouvelles. Cet ouvrage, notamment la nouvelle « Le roi des échecs », a joué un rôle important dans la renaissance de la littérature en République populaire de Chine au début des années quatre-vingt, de manière tout à fait synchrone avec ce qui se passait dans le cinéma avec la « Cinquième Génération », mouvement cinématographique dont le groupe littéraire auquel appartenait A Cheng, « les Étoiles » (où l’on trouvait aussi Ai Wei-wei), peut être considéré comme l’équivalent dans le domaine de l’écrit.
Née à Taipei en 1986, Hsieh Hai-meng, qui appartient à une famille d’écrivains taïwanais (elle est la nièce de Chu Tien-wen), est titulaire d’une licence d’anthropologie de l’université nationale Chengchi. Auteur de Nuages mouvants, chronique sur la réalisation de The Assassin, qui fut rédigée tout au long du projet, elle est coauteur du scénario et se consacre maintenant entièrement à l’écriture de scénarios et d’œuvres de fiction. En 2015, elle a obtenu une bourse d’écriture de la mairie de Taipei pour son projet de roman « Sur la rivière Shulan », qui évoque l’histoire des rivières souterraines de Taipei.
Les textes qui précèdent sont en grande partie
inspirés de la préface de Jean-Michel Frodon à l’ouvrage.