Les résultats histoires d'Apple masquent une fragilité quant à la poursuite de sa croissance
Apple a communiqué ses résultats du dernier trimestre (T4 2015 d'un point de vue calendaire, T1 2016 d'un point de vue financier).
Malgré la sortie du nouvel iPhone et la période de fête de fin d'année, le chiffre d'affaires progresse peu par rapport à la même période de l'année précédente (+ 1,7 %) à près de 76 milliards de dollars pour un bénéfice colossal de 18,4 milliards. Les financiers diront que le dollar s'est apprécié par rapport aux autres devises ce qui constitue une difficulté car 2/3 des ventes sont faites à l'export.
Les ventes de Mac diminuent de 3,7 %, ce qui est un recul plus faible que celui des PC bien concurrencés par les tablettes entre autres. Les ventes de l'iPhone qui représentent 68 % des ventes d'Apple progressent très légèrement.
Les ventes d'iPad s'écroulent à -24,7 %.
En revanche, les revenus issus de l'App Store croissent nettement. Les autres produits avec la Watch progressent mais il faudrait mieux comparer par rapport au trimestre précédent plutôt qu'à celui de l'année passée.
Apple s'attend à un T1 2016 calendaire qui soit en récession.
Globalement, le chiffre d'affaires progresse en Chine, légèrement en Europe mais baisse en Amérique du Nord.
Apple devrait être dépassé par Google durablement en tant que première capitalisation boursière.
Les risques que la magie Apple disparaisse et qu'Apple ne devienne une marque comme les autres...
Comme je l'indiquai en matière de maturité digitale, Apple arrive derrière Google et Facebook.
C'est un indicateur important pour mesurer le potentiel d'une entreprise et également son risqué d'ubérisation.
Malgré la bonne santé et le potentiel de l'App Store, Apple reste tributaire du matériel et du logiciel associé pour assurer son chiffre d'affaires et ses bénéfices. Or, il sera de plus en plus question de renouvellement dans un marché arrivé à maturité et banalisé. Pour l'heure Apple offre des produits standardisés à prix élevés. Or les smartphones seront davantage considérés comme des produits indifférenciés. Si Apple tombe de son piédestal et devient producteurs de produits banals, les entreprises et les particuliers seront plus guidés par une logique de prix et la probabilité de se tourner vers des concurrents sera plus forte. Aussi Apple essaie de retarder ce moment et de toujours prévoir l'obsolescence programmée de ses produits et de donner l'envie avec de nouveaux produits.
Ceci est d'autant plus probable que Tim Cook bénéficiait de l'élan impulsé par le génie du marketing Steve Jobs - voir à ce sujet le dernier livre Quatre vies de Daniel Ichbiah, bien documenté. Et les produits ou versions à venir risquent d'être moins innovants et différenciants avec un essoufflement dans l'innovation. Samsung Electronics propose des produits voisins pour bien moins chers, parfois plus de 30 % soit plus que dans le secteur automobile où les constructeurs européens et américains ont souffert face aux marques nippones et sud-coréennes et malgré un différentiel bien plus faible. En Californie, Apple a bien compris l'enjeu en mettant dans ses spots télévisés que ses produits sont plus stables car produisant à la fois le matériel et le logiciel (iOS) alors que Samsung Electonics par exemple est tributaire d'Android côté logiciel pour ses smartphones.
Apple a cultivé une logique de différenciation qui peut néanmoins constituer un handicap pour son développement sur le long terme comme son écosystème fermé. Par ailleurs, longtemps annoncé, la Watch n'a pas été la première sur le marché et les résultats sont inférieurs aux attentes faute de logiciels vraiment innovants et d'une open innovation digne de ce nom autour.
Apple a des ressources pour se repositionner et étendre ses secteurs d'activités stratégiques
Le salut viendra de la diversification et du développement des services, de l'App Store, des rachats de start-up innovantes avec aussi le pari de l'intelligence artificielle qui est une priorité chez Google et même chez Facebook car le marketing seul ne suffira pas.
La diversification, stratégique pour l'avenir, n'en sera pas moins aisé. Les choix de se diversifier dans la santé ou l'automobile par exemple sont risqués (complexité, acteurs en place ou ayant une longueur d'avance comme Tesla, forte réglementation).
Mais Apple a néanmoins du cash et a compris les enjeux de la croissance externe à la Google. La firme de Cupertino devra aussi attirer des talents comme le fait Google.
Apple qui peut néanmoins voir venir se doit d'être vigilant pour ne pas tomber dans le syndrome Nokia qui, bien que jadis leader incontesté des téléphones mobiles, n'a pas vu arriver le virage des smartphones ou d'IBM qui a revendu sa partie PC au Chinois Lenovo.