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Le djihad “glocal” est-il un virus ou une application mobile ?

Publié le 05 février 2016 par Charles Bwele @blog_e_sphere
Depuis quinze ans, les success start-up djihadistes (Daesh, Boko Haram, Al-Qaïda Maghreb Islamique, Al-Nosra, etc) donnent toujours plus de fil à retordre aux armées, aux appareils politiques et aux experts tous azimuts tenus d'inonder les médias de leurs brillantes solutions anti-djihad.
Le djihad “glocal” est-il un virus ou une application mobile ?
Fortes du consentement tacite ou de l'incitation explicite d'opinions traumatisées à juste titre, les appareils politiques font la part belle aux méthodes martiales : il faut tout surveiller et punir à l'intérieur et frapper dans le tas à l'extérieur. Pas de quartier. Peu importe les conséquences qui ne feraient qu'alimenter un virus... ou une pandémie qui gagne chaque jour du terrain.
De l'Amérique à l'Afrique, de l'Europe à la Russie via le Moyen-Orient, les huiles politiques et militaires évoquent grandement des vendeurs de logiciels antivirus qui ne font qu'implémenter et réactualiser les mêmes solutions face à des hackers qui recourent à l'ingénierie sociale et à des kits de piratage personnalisés. Les uns sont obsédés par leurs matières tandis que d'autres subvertissent les esprits.

À l'image d'une mouvance hacktiviste transnationale très au fait des systèmes d'exploitation, le "djihad global" a su se greffer sur des réalités locales ou régionales : les malaises identitaires et sociaux dans les "quartiers" en Europe, la rivalité séculaire Sunnites-Chiites au Moyen-Orient, les populations abandonnées par des états faillis et corrompus en Afrique occidentale/centrale, le chaos consécutif au printemps arabe en Afrique du nord... et autres zones de crises/conflits qui mériteraient une encyclopédie multimédia plutôt qu'un article de blog.
À lire absolument :Le lac Tchad, un indicateur plus complexe qu’il n’y paraît. Par Christian Bouquet, professeur de géographie politique (The Conversation)... ou comment le djihad bénéficie / exploite des facteurs environnementaux et socioéconomiques pour s'implanter dans le carré Tchad-Cameroun-Nigéria-Niger.

Au-delà de ces facteurs intrinsèques, le djihad semble exercer une puissante attraction gravitationnelle qui dépasse des analyses essentiellement rationnelles (ou “rationnalistes”), faisant trop souvent fi de cette dimension passionnelle et irrationnelle fondamentalement inscrite dans la nature humaine.
À lire absolument :L'Etat islamique est une révolution, par Scott Atran (Temps Réel). Dans ce long texte incroyablement instructif, l'anthropologue Scott Atran, explique pourquoi en fermant les yeux sur la capacité d'attraction de l'Etat Islamique, l'Occident commet une erreur stratégique majeure.
Le djihad(isme) est souvent comparé, à tort ou à raison, au nazisme. Malheureusement, cette approche comparative ou analogique nuit grandement à nos lentilles contemporaines. Le nazisme, le stalinisme et le maoïsme étaient des fléaux politiques peu ou prou consubstantiels à un ensemble de paradigmes (philosophiques, géopolitiques, scientifiques, technologiques) et à “l'esprit d'une époque”.
Pour caricaturer, des cliques de tarés au pouvoir ne trouvaient pas le sommeil tant qu'ils n'avaient pas mis en oeuvre un procédé industriel ou une solution de masse pour éliminer tout objet de suspicion ou de haine : population, ethnie, religion, pays voisin, etc etc etc.
Le djihad est très probablement le premier fléau politique peu ou prou consubstantiel à un ensemble de paradigmes et à l'esprit de notre époque, éléments qui seront sûrement mieux décrits par les historiens du futur.
À mes yeux de “technologiste”, le djihad est un fléau politique en phase avec l'ère de l'Internet, du Web social et des applications mobiles : tout le monde peut le télécharger pour peu que son système d'exploitation soit sensible à certaines informations ou victime de certaines subversions. Une fois installé, le djihadisteest mû par une volonté constante de dépassement... ou par la quête perpétuelle d'un upgrade. Toute tentative spontanée ou brutale d'éradication par l'ingénieur en cybersécurité ne fait que propager ce malwaremutant (déguisé en app) vers d'autres machines et d'autres réseaux. Le système informatique, paramétré en sécurité maximum et saturé par les fausses alertes, parasite sa propre routine et devient peu à peu son propre ennemi. 
Les stratèges du djihad ont certainement compris quelque chose dans le facteur humain que leurs adversaires ignorent, à l'instar de hackers exploitant des failles zero day, au nez et à la barbe des éditeurs de logiciels et des directeurs des systèmes d'information.
Les appareils politiques, militaires, sécuritaires et les sociétés (civiles) devront se surpasser sur le temps long pour “contenir, éradiquer et prévenir” ce malwareaussi pervasif qu'innovant. Vaste programme... électoral ?

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