Un film de Julie Delpy (2011 - France) avec Eric Elmosmino, Julie Delpy, Bernadette Lafont, Emmanuelle Riva, Valérie Bonneton, Aure Atika, Noémie Lvovski, Sophie Quiton, Denis Ménochet, Vincent Lacoste, Karin Viard, et toute une bande de galopins...
Drôle, loufoque, tendre, frais, cocasse, joyeux !
L'histoire : Eté 1979. Jean et Anna, comédiens à Paris, leur petite fille Albertine, et la maman d'Anna, se rendent un week-end en Bretagne pour célébrer l'anniversaire de la mère de Jean. Toute la famille sera là, une très grande famille. Qui s'adore, se chamaille, se vanne...
Mon avis : Sacrée Julie ! Je l'adore, cette fille ! Quel talent ! J'adore son petit monde, qui me ressemble infiniment ; je suis sûre qu'on aurait été très copines ! Mes parents n'étaient pas comédiens ni anarchistes, mais pour tout le reste je me sens totalement en phase avec elle. Entre fantaisie et intellect. Entre rires et angoisse existentielle. Intelligent, piquant, ironique. Le Woody Allen féminin, français ! Avec Julie, j'aime les histoires de "gens qui vivent" !
Elle nous raconte ici des souvenirs d'enfance, un week-end avec ses grands-mères, ses parents, comédiens anarchistes, libertaires, grandes gueules, mais tellement aimants, ses oncles et tantes (bonjour la famille de dingues...), son premier coup de coeur... et le fameux Skylab qui l'avait terrifiée car on disait qu'il allait tomber en Bretagne cette nuit-là. Finalement... il a décidé de se planter en Australie. Tout n'est pas parfaitement autobiographique cependant, il y a des personnages fictifs, a précisé Delpy.
La fin des années 70 est parfaitement reconstituée : la musique, les tapisseries à grosses fleurs ou à géométrie barrée, les fringues (qui évoluaient doucement vers le style 80's), une foule de petits détails... Sauf un ! J'en ai trouvé un ! Le logo du Ouest France, il n'était pas comme ça dans les années 70. Vérification ce matin : et bien si ! Nom d'un chien, impossible de la coller, la Julie*. Toutes les scènes sonnent tellement juste, en plus. Les gamins qui singent les actes sexuels avec les poupées Barbie... on n'avait jamais montré ça au cinéma, et pourtant tous les gosses le font ! La petite Albertine qui danse son slow avec "un grand", à la fois toute fière, toute émue, toute gênée ! Les bêtises des gamins, les délires de l'ado, les engueulades des parents (sur la politique évidemment), les pauvres mamies qui ont du mal à suivre, et toute cette galerie de personnages (les tontons et tatas) tous plus loufoques les uns que les autres, mais quelque part illustrant à merveille la diversité des caractères qui nous entourent !
Quelques gags qui m'ont particulièrement fait rire : Spoiler Vincent Lacoste à la "boum"... le séducteur mode-je-me-la-pète à la mode 70, oh purée, avec ces gilets en maille col en V, la chemise, le blouson trop petit, pantalon taille basse et ceinturon, et la déglingue, mon Dieu, la déglingue ! J'en ris encore. D'ailleurs la réalisatrice l'a tellement aimé elle aussi qu'elle l'a recruté pour son dernier film, où il fait merveille, dit-on. Le petit garçon qui ne quitte pas sa poupée et veut, quand il sera grand, "des gros nénés comme Tata Monique" ; devant sa passion pour la brosse à cheveux, et le père qui s'inquiète un peu... une des tantes s'exclame, n'y voyant aucun "mal" : "Peut-être qu'il veut devenir coiffeuse ?" Le frère qui débarque, à quatre pattes, en "maillot de corps" et le zizi à l'air, dans la chambre de son aîné car il en pince pour la belle-soeur et voudrait... quoi au juste ? On n'en saura guère plus... si ce n'est que la dite belle-soeur pousse des hurlements et que son mari met son frère dehors, la queue entre les jambes, c'est le cas de le dire ! Et puis Tonton Hubert qui perd la tête... (adorable Albert Delpy). Fin du spoiler. Mais il y en a plein d'autres...
Pourquoi c'est si drôle ? Parce que Julie "n'invente pas des gags", c'est naturel, c'est authentique, c'est la vie qui fuse, c'est joyeux, c'est foutraque, mais on n'a pas cette impression de "construit pour faire rire". Bien sûr, elle doit sûrement écrire un minimum, mais jamais ça ne sonne improbable comme tant de comédies... Tous ses films sont comme ça. Ca sent le vécu.
On dirait un film italien des années 60/70 : ça braille, ça gesticule, ça crie, ça pleure, ça rit, ça chante... Un film italien, mais bien français pourtant. Avec nos codes à nous. Complètement latin, mais avec cette pointe de dérision, d'intellect, très française.
Il est vrai que mon avis est peut-être un peu subjectif car j'ai grandi à cette époque-là ; j'ai dix ans que plus que Julie, j'étais en fin d'adolescence, jeune adulte même, mais je me souviens de tout, c'était vraiment comme ça, et mon mari se marrait autant que moi devant le film !
La parfaite direction d'acteurs permet aux comédiens, éblouissants, de s'éclater complètement. Ils sont tous plus formidables les uns que les autres. J'ai même aimé Valérie Bonneton (que je trouve d'habitude très agaçante... mais là le trait est hyper forcé et donc ça devient drôle, pour une fois) et Denis Ménochet, qui me laisse généralement indifférente. En gros beauf, alcoolique, obsédé par sa belle-soeur... il est trop bien !
Le film est dédié à Marie, qui est la maman de Julie, décédée en février 2009. La tendresse que cette femme a pour ses parents, qui ont figuré dans tous ses films (sauf dans La comtesse, si je ne m'abuse) et dont elle parle avec tant de chaleur et d'humour à longueur d'interviews... c'est hyper touchant. Ici, elle a choisi comme prénom pour la petite fille qui l'incarne en 1979 Albertine... le prénom de son papa. C'est d'ailleurs aussi pour rendre hommage à sa mère qu'elle a décidé de l'incarner dans le film, alors qu'au départ elle pensait prendre une autre actrice. Je l'aime, cette fille, je l'adore !
On est loin, à des années lumière, de Nos plus belle vacances, qui raconte aussi des souvenirs d'enfance, en Bretagne, dans ces années-là ou à peu près, mais qui demeure un ratage total, lourd, artificiel, et un poil méprisant pour le provincial, forcément plouc et cul-terreux.
Les critiques sont moyennes pourtant, et je suis déçue. Des millions de spectateurs pour Dany Boon ou Judd Apatow... seulement 227.000 entrées pour Julie. Est-ce parce qu'elle raconte une époque dont les gens d'aujourd'hui se fichent éperdument ? Est-ce parce que c'est de l'humour intelligent et non du pipi-caca-prout (pourtant le langage de Julie est loin d'être châtié et ses propos parfois très crus !). Je ne pige pas... Ceci dit, au niveau des critiques, il ne s'agit que de "moyennes" : certains sont vraiment emballés, mais quelques uns si sévères qu'ils font baisser l'appréciation globale (je n'aime pas les moyennes, je déteste les moyennes). On reproche à la réalisatrice son ton parfois vulgaire (mais si c'est américain, ça passe très bien !) et l'ennui que provoquent sa "succession" de sketchs. Comme dirait Caliméro, c'est vraiment trop inzuste...
Ce Skylab entre dans mon Challenge au titre du Film qui m'a fait pleurer de rire. L'expression est un peu exagérée. Aucun film ne m'a jamais fait pleurer de rire. Il n'y a que le fou-rire, avec un(e) autre comparse, qui peut me mettre dans un tel état ! Mais franchement, oui, je me suis bien amusée... beaucoup plus que dans toutes les dernières "comédies" que j'ai pu voir depuis belle lurette...
* Si, a priori, il y a UN anachronisme que je n'avais pas remarqué : la chanson punk à la boum... qui est sortie en 1981.