Information publiée dans l'Humanité du 4 février 2016:
Notre camarade Jean-Emmanuel Ducoin, rédacteur en chef de l’Humanité, vient de recevoir le prix "Louis-Nucéra" pour son livre "Bernard, François, Paul et les autres…", publié aux éditions Anne Carrière. Ce n’est pas la première fois que Jean-Emmanuel Ducoin est remarqué. En 1992, il obtenait le prix "Lalique" pour une série d’articles –publiés dans notre journal– consacrés aux jeux Olympiques d’hiver. En 1997, il était récompensé par le prix "Pierre-Chany", du nom de l’ancien journaliste sportif de l’Équipe, qui couronne depuis 1989 le meilleur article de presse en langue française sur le cyclisme. Enfin, en 2013, lui était décerné le prix littéraire "Jules-Rimet" pour son roman "Go Lance !", sorti chez Fayard. *** À lire ou relire, la critique du livre de Jean-Emmanuel Ducoin par Bernard Chambaz, publié dans l'Humanité du 4 juin 2015 : PATRICK, JEAN-EMMANUEL,BERNARD ET LE HARENGJean-Emmanuel Ducoin balance entre plusieurs genres, ce qui en fait la richesse et la profondeur, le rend différent de son Go Lance (Fayard, 2013, prix Jules-Rimet) et, bien entendu, de son Soldat Jaurès (Fayard, 2015). Récit sensible, explorant le feuilleté de la mémoire, individuelle et nationale. Sa dédicace fait du vélo une espèce de ciel laïc. «À ceux qui y croyaient et à ceux qui y croient encore.» Le motif en est le Tour de France, temple de la discipline. Ducoin écrit sur le motif, à la façon d’un peintre qui trimbale son chevalet dans la campagne. Un adolescent et son grand-père sont en balade pour suivre le Tour. Pas n’importe lequel, celui de 1985, le cinquième gagné par Hinault, le dernier gagné par un coureur français.Cette année-là, la course se déroulait dans le sens des aiguilles d’une montre, ce qui n’empêcha ni la tragédie du Heysel ni le succès au cinéma de Retour vers le futur. À l’arrivée, le champion répondit à Jean-Marie Leblanc, qui lui demandait si finir l’épreuve avec des yeux au beurre noir et des cicatrices ajoutait à son prestige (il n’osait pas dire «légende»): «Possible, mais c’est con, je n’avais pas besoin de ça.» Il ajoutait: «Le marché américain (est) à conquérir», ébloui par l’ombre portée d’un autre Bernard, on l’aura deviné, Tapie. On y croise aussi François, le président de l’époque, en costume cravate couleur sable, avec son appareil photo pour immortaliser rien d’autre que lui-même au bord de la route, photographiant le Tour, selfie avant l’heure. Même s’il est là, dans le Vercors, pour recueillir les mânes d’un esprit de résistance.Ce récit vaut notamment par de beaux portraits. En premier lieu, celui de Patrick, naufragé de la sidérurgie, bouleversant dans son tee-shirt de l’Union cycliste de Longwy avec ses deux cheminées fumantes, moitié révolté moitié déjà fantôme, témoin fugace d’un monde en voie de disparition/transformation. En second lieu, celui de Paul, le grand-père, au volant de la Simca 1000, jamais si juste qu’«à moitié dans les vapes» en attendant la caravane ou perdu dans des souvenirs.Autre portrait, plus ou moins en creux, ou en suspens, celui d’Hinault. Ducoin nous emmène à La Coupole pour déjeuner avec le Blaireau. Il veut lui parler de la République du Tour, le Tour comme lieu de mémoire. Le propos tourne court avant les profiteroles. Hinault n’est pas sentimental ni philosophe. Il nous touche quand il évoque la rudesse quotidienne du métier de coureur, non pas à vélo, mais en dehors, et la fierté d’avoir couru pour la régie Renault. Invité d’honneur sur le Tour de Picardie 2012, à Tergnier, il avait refusé de goûter au hareng. Ses hôtes lui avaient pardonné au prétexte qu’il était fils d’un poseur de rails.Ce livre entre dans mon panthéon imprimé sur la petite reine. Il trouve sa place entre le Versant féroce de la joie, d’Haralambon, consacré à la vie et à la mort de Vandenbroucke et l’Échappée, de Lionel Bourg, où on voit planer Charly Gaul.Bernard Chambaz, écrivain.