Notre darija est finalement très arabe !

Par Citoyenhmida

Choukri AL BAKRI n’est pas un inconnu pour le public marocain : ce journalist anime, depuis quelques années sur les ondes de la station de radio tangéroise MEDI 1, des émissions dédiées à la langue et à la civilisation arabes. Et comme souvent dans le domaine radiophonique, la qualité de ces émissions est loin d’être négligeable.

Entre décembre 2010 et août 2013, il a présenté une émission consacrée à l’origine arabe de la darija marocaine courante dans laquelle il tentait de trouver les racines arabes classiques des différents vocables utilisés dans la “darija” marocaine actuelle.

Ses différentes chroniques dans le cadre de ce programme ont été rassemblées en un recueil constitué de deux tomes, publié en 2015 par l’auteur avec le concours du Ministère de la Culture sous le titre éponyme de l’émission : “موجز الفصيح في الدارج اليومي“.

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Il aurait fallu, pour cette publication atteigne vraiment son but, que l’auteur explique la démarche qui a guidé l’élaboration de son petit lexique, qu’il nous indique également les raisons de choix des locutions qu’il a retenues et qu’il nous projette enfin dans l’objectif qu’il voulait atteindre en lançant ce travail.

En tout cas, le résultat est là, imprimé, fixé sur du papier, pouvant servir de base de travail pour des recherches plus approfondies!

Que retenir de cette liste de mots utilisés dans l’arabe dialectal marocain courant, la darija ? Que leur origine est sans contexte arabe, cela semble évident! Mais que cette origine soit ancrée dans l’arabe classique le plus pur, le plus ancien, le plus parfait, cela peut paraître inattendu, mais Chokri AL BAKRI a entrepris de nous le prouver.

J’ai été intrigué pour ma part quelques mots que je croyais être “viscéralement” marocains, de par leur consonance et de par le concept qu’ils expriment!

Qui aurait pensé que le mot ” كْسْكْسُو ” (couscous) trouverait son origine dans le verbe arabe ” كّسّسّّ ” qui signifie ” دق الشيء دقًا شديدًا ” , c’est à dire “piler”, ou dans le mot ” الكسِيس ” qui désigne une sorte de viande séchée ” لحم يُجفَّف على الحِجارَة “. Le lien n’est pas forcément évident mais le rapprochement est plausible.

Cette autre formule on ne peut plus marocaine ” بْزًَاف ” pour signifie l’abondance serait dérivée des mots arabes classiques
” الجُفاف ” ou ” الجِفاف ” qui s’appliquerait à quelque chose dont le volume n’est pas fixé “الشيء مجهول القدر”. L’idée de grande quantité est donc bien présente : le reste est affaire de simple phonétique.

Il serait fastidieux de reprendre ici tous les mots dont Choukri AL BAKRI a décortiqué l’origine pour la relier à une racine arabe classique mais il est certain que la plaisir de découvrir ou de redécouvrir que les mots aussi populaires que ” الفلُوس ” (argent) ou ” صْرْفَق ” ( gifler ) ou encore ” مزيان ” ( de bonne qualité) ont leur origine première respective dans les vocables arabes classiques ” فلس ” (unité monétaire ancienne), ” سَفَقَ ” (asséner un coup au visage), ” مُزدان ” dans le sens de ” مُزَيٌَن ” ( décoré, orné, enjolivé).

Tout au long des deux fois 90 pages et avec près de 275 occurrences, Choukri AL BAKRI nous invite a un voyage agréable et instructif dans le passé de notre darija si particulière, et pourtant si arabe finalement.