The X-Files marque un retour à la télévision 14 ans après ce qu’on croyait être la fin de la série. Diffusée depuis le 24 janvier sur les ondes de Fox aux États-Unis et CTV au Canada, on retrouve dans cette dixième saison le couple « mythique » qu’est Fox Mulder (David Duchovny) et Dana Scully (Gillian Anderson), lesquels enquêtaient autrefois sous la bannière du FBI sur des phénomènes d’origine surnaturels, en apparence du moins. Leur département ayant été aboli il a plusieurs années, ils sont réunis encore une fois après qu’un célèbre présentateur de télévision de droite, Tad O’Malley (Joel McHale) les implore de reprendre du service. Au cours des six épisodes prévus, les deux agents sont chargés d’examiner des cas divers, des plus horrifiques aux plus loufoques. Dès l’annonce de son retour sur les ondes, The X Files a fait couler autant d’encre autant sur son contenu que sur la pertinence de son renouvellement. Une chose est certaine, ce n’est pas cette nouvelle salve d’épisodes qui risque d’attirer les non-initiés.
2002… 2016
Tad O’Malley est un imminent journaliste de droite qui dans ses discours enflammés sur le net, ne cesse d’invoquer la présence d’extra-terrestres sur terre et d’évoquer les complots, qu’ils soient politiques, industriels, etc. Ses arguments et sa notoriété convainquent finalement Scully et Mulder de faire un bout de chemin avec lui alors qu’il leur présente Sveta (Annet Mahendru), laquelle affirme à qui veut l’entendre qu’elle a été kidnappée à plusieurs reprises par des êtres venus d’une autre planète. Dans le second épisode, le couple enquête sur le suicide d’un scientifique provoqué par des émissions d’ultrasons insupportables, ce qui les mène par la suite chez un chercheur (Doug Savant) qui s’intéresse à des enfants dont une partie de l’ADN ne serait pas issue d’humains. La semaine suivante, nous avons un monstre ressemblant à un lézard géant qui prend quelquefois l’apparence d’un vendeur de téléphones cellulaires paumé (Rhys Darby). Scully, mais en particulier Mulder cherchent à savoir si c’est cette bête qui est à l’origine de récents meurtres ou s’il s’agit d’un simple tueur fou.
Le moins que l’on puisse dire est que les trois premiers épisodes de cette saison de The X-Files détonnent grandement les uns des autres. Le premier n’est rien d’autre qu’une entrée en matière très verbeuse afin de justifier ce nouveau cycle alors que dans le second, au ton plus classique, on revient sur le passé des personnages et on en profite pour y insérer plusieurs images morbides, question de nous donner une bonne frousse. Reste qu’à l’épisode #3, les non-initiés qui étaient toujours sceptiques risquent fort de décrocher : le ton est léger, un peu trop même où la science-fiction en tant que genre se moque d’elle-même: à un moment, Mulder est appuyé sur la tombe d’un certain Kim Manners, qui est en réalité un ancien réalisateur de la série décédé en 2009. De plus, le personnage de la semaine interprété par Rhys Darby, dans son accoutrement et ses manières est une référence directe au personnage principal dans Kolchak : The Night Stalker, une série culte des années 70 que seul un public de niche est à même de reconnaître et d’apprécier. Non que le néophyte n’y comprenne rien, mais il est difficile pour lui de rester accro à une série qui change de visage de semaine en semaine.
Au point de vue scénaristique, on peut aussi se demander quel est l’avantage de ressusciter une série dont les cendres sont encore chaudes. En effet, mis à part l’aspect physique des êtres surnaturels ou certains effets spéciaux plus crédibles (les ovnis du premier épisode par exemple), on ne voit pas en quoi la saison 10 de The X-Files a proprement traversé le XXIe siècle : le générique est le même et l’usage des « nouvelles » technologies est minimal, qu’il s’agisse des réseaux sociaux, des téléphones intelligents, des vidéos sur le net ou des caméras de surveillance. Un plan à l’intérieur de la maison nous montrant la cuisine plus que défraîchie de Mulder véhicule cette idée de passé à la fois figé et idéalisé (les heures de gloire de la série), de même qu’une scène à l’épisode 2 où le duo s’insère discrètement dans la maison de la victime avec de grosses lampes de poche à la main digne d’une mise en scène… d’un autre temps justement.
Panne sèche chez Fox?
En 2010, Fox mettait fin à sa série 24 après un long parcours de 8 saisons. Quatre ans seulement plus tard, la chaîne faisait revivre la série durant l’été en 12 épisodes et on a récemment appris que le pilote d’un spinoff intitulé 24 : Legacy avait été aussi commandé. Même chose avec Prison Break qui s’est terminée en 2009 : une saison limitée de 10 épisodes verra le jour en 2016. Cette tactique de ne produire que quelques épisodes n’a rien de « limité » ou d’exclusif, mais sert tout simplement à tester le marché et comme c’est amplement concluant avec The X-Files, il ne fait aucun doute qu’elle sera réintégrée dans une des cases horaires de la chaîne prochainement.
Autant le dire, les nouveautés de Fox, les vraies, n’ont pas connu un grand succès récemment : Rake, Backstrom, Minority Report, Gang Related, Scream Queens et dernièrement Second Chance du côté des drames ont presque toutes été annulées et/ou changées de case horaire. Un sort similaire du côté des comédies avec Surviving Jack, Mulaney, The Grinder et Grandfathered semble avoir définitivement découragé la chaîne de faire preuve d’innovation. Qu’est-ce qu’on fait? On ressort les classiques. L’exercice d’un point de vie créatif est plus que déplorable, mais c’est le public qui en fin de compte mène la danse et comme l’écrit le professeur à l’UQÀM Pierre Barrette :« Je lie cette tendance à un phénomène générationnel. J’ai l’impression que pour la première fois, les gens qui déterminent les tendances en faisant ou en regardant la télé, cette génération des 25-45 ans, ont des souvenirs télévisuels. Ce n’était pas le cas pour leurs parents. »
Quoi qu’il en soit, The X-Files est un triomphe : la première a attiré 16,19 millions de téléspectateurs en direct pour un impressionnant taux de 6,1 sur les 18-49 ans. Ce chiffre est cependant à relativiser puisque l’épisode était présenté à la suite d’un match de la NFC Championship qui avait lui attiré un auditoire de plus de 45 millions. Néanmoins, le jour suivant, Fox enchaînait avec son second épisode avec un score de 9,67 en auditoire (taux de 3,2). La semaine suivante, 8,4 millions étaient toujours au rendez-vous (taux de 2,6). Donc, l’effet de curiosité dissipé, il reste quand même beaucoup de monde pour ce rendez-vous nostalgique. Combien de temps le charme opérera-t-il?