Georges Ohnet n'est pas Jules César, et il n'essaie d'ailleurs pas de le faire croire dans son Journal d'un bourgeois de Paris pendant la guerre de 1914. Ce sont quand même un peu ses "Commentaires sur la Grande Guerre", qui dure, qui dure... Du coup, les fascicules s'accumulent, voici réédités, par la Bibliothèque malgache, les 14 et 15, en attendant les deux derniers.
«Les engins blindés que les Anglais viennent de sortir, dans les dernières attaques de Picardie et qui sont dénommés tanks, crèmes de menthe, chenilles, etc., et qui en réalité représentent assez bien les anciennes tarasques qui crachaient du feu, ont causé à nos ennemis un émoi dont ils ne sont pas encore revenus. Or, il paraît que l’engin en question a été inventé par un Allemand, rejeté avec dédain par les Comités militaires, et adopté par les Anglais, qui ont vu, tout de suite, le parti qu’on en pouvait tirer.
Les Allemands, désolés, s’arrachent les cheveux devant leurs tranchées nivelées, leurs fils de fer arrachés, leurs blockhaus démolis, leurs organisations de défense, avec mitrailleuses à tous les coins, aplaties, comme des petits pâtés de sable faits par les enfants dans un jardin. Comment n’ont-ils pas pris les devants, avec une découverte aussi importante? Quels sont les ânes qui ont repoussé l’inventeur? C’est à se damner! Déjà les préparations d’artillerie des Alliés étaient irrésistibles. S’il faut y ajouter le choc de ces machines à détruire et à tuer que les Anglais lancent sur l’ennemi, à quoi se reprendre? Hélas! On ne se reprendra pas. Toute avance à la guerre ne se rattrape plus. Nous en savons quelque chose.»
«Si la France avait fait, pour briser le front allemand, le même effort que les marchands d’alcool font pour résister à la coalition qui s’est formée pour empêcher la vente du produit meurtrier, il y a beau temps que la guerre serait finie. Jamais on n’a vu gens se remuer autant, protester mieux, discuter davantage, employer plus ardemment tous les moyens de résistance connus et inconnus pour conserver le privilège d’empoisonner l’espèce humaine.
Et c’est un curieux spectacle de voir le Parlement, intimidé par cet assaut de tous les marchands de poison, ne pas oser entamer l’œuvre de salut qui consisterait dans l’interdiction de la vente de l’alcool de bouche. Il sera intéressant de voir qui l’emportera, de l’intérêt particulier, représenté par cinq cent mille bistros, ou de l’intérêt général qui représente la France entière.»
La Bibliothèque malgache édite une collection numérique "Bibliothèque 1914-1918". Au catalogue, pour l'instant, les 15 premiers volumes (d'une série de 17) du Journal d'un bourgeois de Paris pendant la guerre de 1914, par Georges Ohnet (1,99 € le volume). Une présentation, à lire ici.
Et le récit, par Isabelle Rimbaud, des deux premiers mois de la Grande Guerre, Dans les remous de la bataille (1,99 €).