Andorra, pièce de Max Frisch (1911, 1991). Vendredi soir, j'étais au Théâtre 13. C'est un Suisse allemand, contemporain de la sortie de l'oeuvre, qui m'a fait découvrir cet auteur. Sans lui j'aurais manqué beaucoup de choses.
Elle a fait un énorme scandale à sa sortie dans les années 60. Elle dénonce la société suisse allemande, qui eut, on ne le sait pas en France, une admiration certaine pour le nazisme. Elle n'aurait peut-être pas été défavorable à une Anschluss. J'avais compris qu'il y avait critique, certes. La pièce me rappelait ce qui se faisait probablement un peu partout à l'époque, en particulier Sartre. Mais ce qui se comprend moins c'est ce que chaque personnage, chaque geste... signifient. C'est la culture suisse que l'on agresse. Surtout, ce qui est perdu, c'est la langue suisse-allemande, bien pesante, à l'image d'une société, provinciale, petite, médiocre, écrasante, aliénante, qui asphyxie l'individu et le force à une conformité mesquine.
Bien loin de ce patois allemand, qu'un ami alsacien qualifie de "maladie de la gorge", le français et le jeu des acteurs étaient aériens. J'ai reconnu une autre tradition. Celle des acteurs "engagés" de mon enfance. Façon Maison de la culture d'Argenteuil. Je ne croyais pas la revoir chez une troupe aussi jeune. Décidément, tradition, tradition... ?
(Ce qui me semble original, voire nouveau, dans cette pièce, c'est le rôle de l'intellectuel. Qu'il soit allemand ou suisse, ses velléités de révolte ont fait long feu, il a été victime du conformisme ambiant. Au mieux, il est désespéré. Et il pourrait avoir été à l'origine, bien plus que la société qu'il dénonce, du drame final. Étrange.)