Les porteurs d’hermine dénoncent une «justice affaiblie», son rôle constitutionnel marginalisé, et, au passage, s’indignent des «manques de moyens». Bien sûr, dans cette délibération qui fera date et entachera le quinquennat de François Hollande, nous ne lisons aucune référence explicite à un texte précis. Mais l’accusation claque puissamment. Quand les hauts magistrats d’un pays comme la France, unanimes, réclament publiquement que «l’autorité judiciaire soit soustraite à toute forme d’influence», cela ne signifie-t-il pas que nous subissons, déjà, un amenuisement de nos libertés fondamentales?
En cause: les perquisitions menées administrativement ou les assignations à résidence, rendues possibles par l’état d’urgence que l’exécutif veut constitutionnaliser, sans parler de son corollaire, la réforme du Code de procédure pénale, présentée ce matin en Conseil des ministres, qui pourrait sournoisement, elle aussi, déposséder les juges de certaines de leurs prérogatives et laisser s’installer des mesures autoritaires de circonstance, sans aucun droit de regard de la justice judiciaire. Les hauts magistrats s’expriment de manière spectaculaire: l’heure est grave.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 3 février 2016.]