Photos : Marie-Diane Fazilleau
Que ce soit au sein d’institutions de soin type SESSAD ou en libéral, l’intervention du psychomotricien au domicile du patient est actuellement en plein développement notamment auprès :
- des personnes pour qui la fatigue ou les contraintes engendrées par les trajets seraient plus néfastes que les bénéfices du soin (nourrisson, personnes âgées en situation de dépendance ou en fin de vie, malades chroniques, immunodépressifs…)
- des personnes pour lesquelles l’état psychologique ou les comportements viennent contre-indiquer des déplacements ou la découverte de nouveaux lieux (Syndromes anxieux, Troubles du Spectre Autistique, agoraphobie…)
- des personnes isolées, sans moyen de transports …
Parfois les interventions à domicile répondent à une indication spécifique :
- la nécessité de travailler directement dans l’environnement du patient pour faire émerger ses compétences (ex : autisme et difficulté de généralisation ou encore maladie d’Alzheimer)
- travailler au plus près des aidants familiaux
Le psychomotricien peut également soutenir et accompagner les aidants.
Les principes du suivi psychomoteur resteront les mêmes en institution ou en cabinet.
Le champ d’application de la psychomotricité est très vaste :
- il s’adresse aux personnes tout au long de leur vie, du bébé prématuré à la personne âgée
- il prend en charge un grand nombre de pathologies ou troubles divers tels que :
o les retards dans le développement psychomoteur,
o les différents troubles : neuro-moteurs, de la relation, du geste (dont la dyspraxie et la dysgraphie),
o les maladie neurodégénératives, et bien d’autres encore…
Le domaine d’intervention est étendu car le psychomotricien aborde le patient à partir de l’expérience de son corps. C’est cette expérience corporelle, sensorielle, motrice, et psychologique, qui permet de construire et réguler l’ensemble des comportements humains, et aide l’individu à avoir un rapport à lui-même, à son corps, mais également aux autres, au monde qui l’entoure, qui soit apaisé et susceptible de favoriser l’exploitation de ses compétences.
Afin de mieux visualiser les choses, voici deux exemples :
Première situation :
- Quel mémoire son corps conserve-t-il des premiers soins médicaux (limitation des mouvements, soins intrusifs voire douloureux…) comme premiers rapports à son corps ?
- Est-il lui aussi inquiet par rapport à cette activité ?
- Comment son envie de bouger, de marcher, peut-elle émerger ?
- Son environnement est-il propice à cette envie de grandir ?
- Certains éléments de son développement psychomoteur sont-ils en retard (régulation tonique, schéma corporel, coordination gestuelle) ?
- Ou est-ce un subtil mélange de tout cela … ?
Le suivi en psychomotricité pourra accompagner l’enfant pour expérimenter ce qu’il n’a pas pu faire au cours des mois d’hospitalisation. A noter que beaucoup de prématurés présentent des irritabilités tactiles, qui concourent à générer des dysharmonie tonique voire des appuis au sol inadaptés. En s’appuyant sur la sensori-motricité, les séances seront donc axées autour de l’émergence de l’envie de se déplacer, du renforcement des compétences motrices qui permettent d’accéder à la marche, cela en proposant des parcours psychomoteurs, ou autour des comptines pour stimuler son envie de se redresser, ou bien encore autour de l’accompagnement à la parentalité pour soutenir le désir de grandir chez l’enfant…
Photo : Marie-Diane Fazilleau
Deuxième situation :
Prenons maintenant le cas d’une personne ayant fait un AVC avec des séquelles neurologiques telles qu’une hémiplégie. Outre le travail du kinésithérapeute sur le plan fonctionnel, centré sur l’hémiplégie elle-même, il est nécessaire de prendre en compte les conséquences de cet AVC sur la réintégration des membres lésés dans la globalité du corps.
Il s’agira pour le psychomotricien d’accompagner le patient dans une adaptation de sa gestuelle à ce handicap, mais également à prendre en compte la possible perte d’estime de soi et de confiance en son propre corps liées à la perte de certaines compétences.
Le psychomotricien, par son approche globale et corporelle, va pouvoir proposer au patient différents exercices pour lui permettre de ressentir et réinvestir ce corps modifié en renforçant ses possibilités, en prenant conscience de son potentiel malgré le handicap, ou encore de gérer ses vécus négatifs qui peuvent être néfastes pour le travail de rééducation globale engagé par les différents professionnels de santé.
Le cadre des séances s’appuie aussi sur les aspects relationnels du suivi. Peu à peu le patient va pouvoir s’écarter de la reproduction mécanique d’exercice de rééducation pour avancer vers une intégration de ses propres sensations, puis vers l’émergence d’une motivation à se soigner basée sur une estime de soi retrouvée. Le patient devient ainsi de plus en plus acteur du soin, renforçant considérablement les chances de réussite du protocole de soin engagé et favorisant une évolution positive des symptômes plus rapide. Les médiations utilisées pourront comporter entre autre de la stimulation sensorielle, des supports créatifs (expression corporelle, art plastique) ou encore des exercices de relaxation.
La liste des exemples est très longue, et ne saurait être exhaustive.
Les points clés du travail d’un psychomotricien (à domicile, mais pas seulement) pourraient être les suivants :
- Le développement des compétences motrices et neuropsychologiques s’appuie sur le plaisir à être et à agir avec son corps ;
- Avoir un ressenti positif de son corps, grâce aux expériences sensorielles et motrices est primordial prendre conscience de ses compétences et de son potentiel et avoir confiance en soi ;
- La conscience du corps est centrale pour se sentir exister, appréhender le monde qui nous entoure et communiquer librement avec les autres
- La régulation des tensions et des émotions permet de diminuer stress, douleur et anxiété, et améliorer les différentes compétences.
Toutefois, le développement de ce mode de soin psychomoteur au domicile des patients rencontre aujourd’hui un obstacle majeur qui est la suspension de la réingénierie de la profession.
Cette réforme, rendue obligatoire par les accords Européens de Bologne, vise à actualiser le métier en redéfinissant quelles sont les activités du psychomotricien, les compétences qu’il doit posséder pour les exercer et les études qu’il doit suivre pour les acquérir.
Mais celle-ci est suspendue depuis 4 ans par les ministères. Elle est pourtant indispensable pour actualiser un Décret de Compétences qui date de 1988, permettre de répondre aux besoin de soin psychomoteur pointés par les différents plans de santé (Autisme, Alzheimer, Maladie NeuroDégénératives, etc.), et pour pouvoir développer l’effort de recherche incontournable pour pouvoir répondre qualitativement à tous ces besoins. Le passage des études de 3 à 5 ans constitue le point d’achoppement des discussions avec le gouvernement.
Les psychomotriciens ont déjà fait la démonstration que cette condition est nécessaire pour mieux former les futurs professionnels à soigner des populations toujours plus variées, et à traiter des maladies et pathologies de plus en plus complexes. En cette période où le gouvernement dit vouloir moderniser le système de santé en France, s’opposer à l’évolution de ce métier est un non-sens complet. Et malheureusement, la poursuite du développement des soins psychomoteurs à domicile en France dépend aussi de l’aboutissement de cette réforme.
Nota : vous pouvez retrouver et soutenir les revendications de la profession en cliquant sur les liens suivants :
- Psychomotricien = Grade Master
- Une BD qui explique la situation des psychomotriciens
- Pétition pour la réingeniérie du diplôme d’état de psychomotricité
Auteurs : Patricia Vaupré, Solenne Meyer et le Collectif communic’actif des psychomotriciens
A lire PSYCHOMOTRICIENS: Une pétition et une manifestation le 27 novembre pour la réingénierie de la profession – Collectif
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