Foulerons-nous le sol martien ?

Publié le 28 janvier 2016 par Valentine D. @sciencecomptoir


Affleurement rocheux à Glenelg, sur Mars. Photographie prise par le rover Curiosity en 2012. (crédits : Wikipédia)

Poser l’Homme sur Mars dans un futur proche : science-fiction ou réalité ? Présentation de L’Homme sur Mars, le programme dévoilé par la NASA en octobre 2015, et confidences d’astrophysiciens et astrochimiste sur Mars One, projet ambitieux d’un aller simple vers la planète rouge.

Pour l’agence spatiale américaine, la prochaine grande étape sera un séjour sur la planète rouge avec retour sur Terre, au sein d’un programme sobrement intitulé L’Homme sur Mars. Selon Francis Rocard, astrophysicien et responsable du programme d’exploration du système solaire au Cnes (agence spatiale française), l’Homme foulera le sol martien à l’horizon 2050.

Nasa, objectif : Mars

L’Homme sur Mars devrait s’étaler sur trois à quatre décennies. Il se compose de multiples missions d’exploration spatiale avec vol habité visant tour à tour la Lune, un astéroïde et enfin Mars. Première phase : établir une petite station habitée en orbite lunaire. D’après Francis Rocard, « les missions intermédiaires permettront de développer des véhicules de transport et des habitats espace lointain (qu’on appelle deep space habitat), que personne n’a encore fabriqués mais qui sont requis pour l’objectif ultime de L’Homme sur Mars. » 2 véhicules sur un total de 11 sont en cours de fabrication. Ces véhicules, nécessaires à la mission, sont très techniques et onéreux : par exemple, le lanceur lourd (Space Launch System) actuellement en fabrication coûtera 20 milliards de dollars. Les scientifiques de la Nasa ne sont pas encore parvenus à penser les autres véhicules, comme celui de 40 tonnes qui poserait les Hommes sur Mars.

L’Homme sur Mars : un petit pas sur la planète rouge ?

Mars One : partir un jour, sans retour

Mai 2012 : une entreprise néerlandaise privée nommée Mars One annonce dans un communiqué de presse qu’elle « posera des Hommes sur Mars en 2023 ». La nouvelle fait l’effet d’une bombe : l’entreprise, parrainée par le prix Nobel de physique Gerard ’t Hooft, promet un aller simple vers Mars à une poignée de chanceux.

Le processus de sélection des « aspirants martiens » a reçu un écho médiatique important jusqu’à présent. À l’issue de la 3e étape de sélection, dont les résultats ont été dévoilés en février 2015, 100 individus sont toujours en lice – dont un Français – sur un total au départ de 200 000 candidats. Il n’en restera bientôt plus que 24.

Budget insuffisant

Le financement du projet Mars One est basé sur une campagne de financement participatif, appuyé par des sponsors privés. Après avoir enterré l’idée de réaliser un programme de téléréalité, l’entreprise a produit une série de documentaires sur la mission. Depuis octobre 2015, ces vidéos sont consultables en ligne sur abonnement payant et constituent un revenu complémentaire.

Bande-annonce du web-documentaire de Mars One.

Pour Francis Rocard, leur budget serait loin d’être suffisant : « Quand on parle de L’Homme sur Mars, on est dans la gamme de plusieurs centaines de milliards de dollars voire le millier de milliards de dollars. Ils n’en ont pas le dix-millième ! »

Aucune crédibilité

Le projet de coloniser Mars a aussi été formulé par d’autres acteurs privés dans le domaine du spatial comme Elon Musk, fondateur de la compagnie Space X, qui ambitionne de fonder une colonie humaine de 80 000 individus sur Mars dès 2040.

« Pour l’instant, ces programmes n’ont pas démontré une quelconque crédibilité ni une faisabilité technique » tempère Hervé Cottin, astrochimiste à l’Université Paris-Est Créteil.

Mars One prévoit de fonder une colonie humaine sur Mars en 2023.

Roland Lehoucq, astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique de Saclay, doute qu’un privé puisse résoudre les problèmes techniques posés par un tel projet alors même que les agences spatiales du monde entier n’y sont toujours pas parvenues malgré un budget de plusieurs milliards de dollars. « Voir Mars avant de mourir, pourquoi pas. Mais je pense que ceux qui monteraient dans un éventuel projet Mars One seraient morts bien avant d’arriver sur Mars. Ce projet est plus intéressant sociologiquement que scientifiquement : 200 000 personnes étaient prêtes à mourir d’emblée pour aller sur Mars. »

« Une fumisterie »

Envoyer des Hommes à une mort certaine et programmée : une initiative jugée « criminelle » par Francis Rocard. « Ils n’ont aucun moyen de revenir, donc il n’y a aucun moyen de les sauver. Cela pose des problèmes juridiques énormes. Tout cela est délirant : Mars One est une fumisterie qui a fait du buzz, je n’y ai jamais cru une seconde. »

Je remercie chaleureusement Francis Rocard, Hervé Cottin et Roland Lehoucq de m’avoir accordé un entretien et d’avoir bien voulu relire cet article.
Dans la même série, découvrez mes billets A la recherche de la nouvelle Terre, et Mars : la Terre 2.0 ? (coming soon). Si vous avez aimé cet article, vous aimerez peut-être celui surle satellite LISA Pathfinder, oula genèse de ROBUSTA, nanosatellite étudiant. Ailleurs sur l’internet mondial, une vidéo du Cnes sur Mars One, et l’excellente chaîne Youtube d’astro Le Sense Of Wonder.