Aujourd'hui on continu à développer ce thème fort prisé (merci aux 840 lecteurs de l'article BDM/1 !) avec, pour commencer, l'histoire brulante de la bulle obligataire. Cette histoire remonte à 2008, lorsque les Banques Centrales n'avaient plus d'autre choix que de faire tourner la planche à billet ou de regarder tout l'édifice financier s'écrouler… Refinancer les banques afin qu'elles puissent continuer à prêter aux particuliers (bof…), aux entreprises pour qu'elles puisse continuer d'investir et aux Etats qui financent leurs déficits auprès de banques privées, c'était ça l'objectif.
Mais 8 ans après, alors que l'économie est repartie, ça continu… et les marchés financiers n'ont jamais été aussi gavé de liquidités qu'aujourd'hui… ça fait rêver hein… des entreprises gavées… mais ça c'est dans le monde de l'économie spéculative, pas dans le monde de l'économie réelle…(réveillez-vous !).
Non seulement cette manœuvre n'a eu que des retombées dérisoires sur l'économie réelle (puisque comme vous le savez vous n'avez pas été augmentés et vous êtes déjà content d'avoir pu conserver votre emploi, vous ne pouvez donc pas alimenter la croissance…) mais elle alimente artificiellement la spéculation financière et déstabilise l'économie réelle en investissant massivement ici le lundi et en reprenant tout pour le mettre ailleurs le vendredi. En clair, les investisseurs (fonds de pensions, banques, assurances, fonds spéculatifs privés…) disposent de réserves d'argent colossales qu'elles souhaitent évidement rentabiliser et cela a plusieurs conséquences :
1 - Echaudés par la crise des subprimes, les investisseurs souhaitent faire des placements aux endroits les plus sûrs : les dettes d'un Etat (ou obligations d'Etat). Donc le prix des obligations d'Etat baisse. C'est pour cette raison que l'Allemagne emprunte à 0,5% et que certaines obligations peuvent avoir des taux négatifs ! (Vous pouvez écouter Patrick Artus sur France Inter lors de la passionnante émission du 25 janvier. Le bon coté c'est que les Etats financent leurs déficits quasi gratuitement mais cette frénésie est entrain d'alimenter ce que l'on appelle une bulle obligataire qui est aujourd'hui bien plus importante que ne l'était en 2008 celle des subprimes…
2 - Les faibles perspectives de croissance de l'économie réelle n'attirent pas les investisseurs qui vont donc concentrer leur attention sur les marchés financiers (actions, obligations, devises, produits dérivés, actifs immobiliers, fonds communs de placement, la liste est infinie… en tout cas, rien qui se fabrique avec des mains !) : donc rien à attendre ici-bas pour nous les humains !
3 - Comment commencer à refermer le robinet sans créer une panique sur les marchés ? (vous savez comme-moi combien sont sensibles ces petits hommes nerveux, toujours en chemise avec les bras en l'air, tendus vers des écrans de points colorés…). Comment sortir de cette "open-bar" permanent ? Comment décrocher de ces paradis artificiels ? Personne n'osera s'y risquer, de peur de voir trembler la Terre. Beau paradoxe : Les Banques Centrales condamnées à gaver la sphère financière jusqu'à ce qu'elle explose…
Par ailleurs, il est légitime de se demander pourquoi la relance monétaire des Banques Centrales ne passe-t-elle pas par une baisse des impôts en direction des entreprises de moins de 50 salariés et une baisse des prélèvements des ménages, ce qui relancerait assurément la croissance au lieu d'alimenter la spéculation en finançant les banques sans limites !
Plus globalement, pour comprendre un peu mieux ce qui se passe depuis quelques dizaines d'années dans le domaine de la dérégulation financière, il est très intéressant de relire le texte de Jacques Sapir, Les bienfaits de la "répression financière".
Extrait : "après une période où l’idée même de contrôles de capitaux fut considérée comme une véritable hérésie économique, et l’on pouvait observer un fort mouvement de déréglementation dans la sphère financière[11], on assiste depuis maintenant plus d’une dizaine d’année à un véritable retournement d’opinion[12], en particulier au sein du FMI[13]. Ce retournement conduit certains auteurs à se prononcer pour des contrôles de capitaux dans certaines situations."
Lire l'intégralité de l'article
Bref, on est quand même assez loin de la régulation des systèmes financiers promise dès 2009 par l'ensemble des acteurs et si c'est le Mr Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis qui la réclame, on devrait pouvoir lui faire confiance…
Illustration : J.J.Grandville - Caricaturiste du début du 19eme