En 7 pages et 61 articles, la commission présidée par Robert Badinter (j'ai un énorme respect pour cet homme !) réaffirme les principes fondamentaux du droit du travail en France. C’est clair et cursif … mais tout reste à faire. Franchement, il n’y a pas de quoi susciter la polémique ni grimper aux rideaux. L’essentiel de la simplification attendue est renvoyé à plus tard, ce sera la patate chaude du prochain quinquennat …
Bref, je ne suis pas tombée de l’armoire en lisant ce court document. De dix-neuf années de pratique des relations humaines et sociales dans une PME où le DRH est mis à toutes les sauces, j’ai conservé un certain nombre de notions de base qui ne sont en aucune manière bouleversées par ce document, destiné à constituer le préambule du futur Code du Travail allégé, modernisé, adapté, à paraître … en 2018. Tout au plus y relève-t-on des éléments permanents qui devraient rassurer les syndicats et décevoir le patronat : le CDI reste la norme, la durée du travail est toujours fixée par la loi, le maintien du statut privilégié des représentants du personnel, la non-sanction du droit de grève, le droit de retrait de tout salarié s’estimant en situation de danger …
D’autres principes restent néanmoins dans le flou et l’évocation de vœux pieux comme l’égalité salariale homme-femme (malgré pes affirmations des uns et des autres, elle reste prégnante), l’obligation de loyauté lors des négociations professionnelles et la bonne foi (c'est la moindre des choses, non ?) présidant à la conclusion des contrats… Il est vrai cependant qu’une abondante jurisprudence définit précisément toutes ces notions a priori subjectives … Cependant, que signifie pour un lecteur non averti le fait que la conciliation entre vie professionnelle et vie privée (article 9) doive désormais être recherchée ? Qu’entend-on par durée raisonnable de la période d’essai ou du préavis de licenciement, combien pour un salaire permettant une vie digne ?
Quoi de nouveau, sous l’affirmation de ces principes très républicains, mais qui aurait pu ne pas figurer dans un tel socle d’idées directrices ? L’affirmation de la dignité dans le travail comme le secret de la vie privée (y compris le respect de la religion), non présents dans les textes actuels.
Peut-être la possibilité - très encadrée - de déroger à la loi ou à la norme par voie d’accord collectif (mais pas via un référendum ...), par exemple pour la fixation de la durée de travail, les possibilités de travail dominical, l’obligation d’offrir des compensations (lesquelles ?) pour les heures supplémentaires, l’obligation de concertation avant toute modification des dispositions législatives (ça, c’est la loi Fillon !). La CFDT trouve en tous cas que le rapport « manque d’audace » … Le Medef trouve qu’il ne simplifie pas assez pour déclencher de nouvelles embauches !
Pas de panique, donc, et rien qui offre aux organisations syndicales représentatives l’occasion de s’arc-bouter sur des acquis sociaux datant de l’ère industrielle, largement dépassés par la révolution numérique et les changements de modes de vie actuels. Rien, mais elles le feront quand même … car c’est dans leur nature, et d’autant plus qu’elles ne représentent hélas que 8% des salariés …
Notre drame français et notre incapacité à évoluer ne résident-ils pas dans notre terrible individualisme, qui nous fait détester les corps intermédiaires ?
Pour la suite des opérations, je souhaite bon courage à la ministre du Travail, Myriam El Khomri !