Je me souviens, un jour, d'avoir lu une interview qui avait fait scandale, celle d'Ayelet Waldman, romancière américaine, mariée et mère de quatre enfants. La confession qui avait fait frémir l'Amérique allait à contre courant de la pensée traditionnellement admise, confession qu'elle avait elle-même faite lors d'un groupe de discussions de mères :
"Si je devais perdre un enfant, je serais anéantie mais je peux entrevoir un après. Parce qu'il me resterait mon mari. Je suis en revanche incapable de me représenter l'existence après sa mort à lui.'"Pour justifier son propos, elle explique : "J'adore ma fille, mais je ne suis pas amoureuse d'elle. Pas plus que je ne le suis de ses frères et soeurs. Oui, j'ai quatre enfants Quatre enfants avec lesquels je passe beaucoup de temps. Je leur donne le bain, je les coiffe, je les aide à faire leurs devoirs, je les console quand ils ont du chagrin. Mais je ne suis amoureuse d'aucun d'entre eux. Je suis amoureuse de mon mari. Seul son visage m'inspire de la passion. Si être une bonne mère implique d'aimer son enfant plus que tout au monde, alors je n'en suis pas une. Je suis une mauvaise mère. J'aime mon mari plus que mes enfants."
Books, Numéro spécial "Tout sur la mère" juillet/août 2011
Aujourd'hui les enfants ont grandi, et 10 ans après notre troisième premier baiser, je crois comprendre ce qui m'avait interpellée dans cet article que j'ai conservé tant il raisonnait de manière profonde en moi.
2016 nous guide vers un nouvel amour, plus fort, plus inconditionnel, mais aussi paradoxalement plus libre malgré le crédit maison, les deux enfants, la peau moins tendue et la quarantaine débutante. Un virage a été pris.
Nous avons pris la résolution de nous aimer mieux, et plus. De retrouver ce qui nous unit depuis tant d'années et qui nous a attirés l'un vers l'autre il y a 30 ans déjà, une première fois. Nous avons mis et retrouvé des mots, des gestes, des habitudes, dans un même élan, une même nécessité, un même besoin.
Il ya des caps à passer pour grandir à deux, harmonieusement. Comme si, à un moment, on se choisissait à nouveau, pour ce que nous sommes vraiment, sans fards, et sans artifices, dans la connaissance la plus intime de l'Autre.
On ne forme pas une famille unie sans couple solide et consciemment amoureux.
L'avenir nous appartient, désormais. Et c'est grisant.