Les Géographies inconscientes de David Gumbs, présentées dans la salle André Arsenec du 12 janvier au 13 février, répond parfaitement à la thématique du second trimestre de Tropiques Atrium scène nationale : Nouvelles écritures contemporaines. La visite de l’exposition est une expérience inédite pour le public. Une fois franchie une lourde tenture opaque, vous vous retrouvez en immersion dans un univers mouvant, bruissant et bigarré que votre subconscient interprétera selon ses codes secrets.
L’artiste a conçu cette exposition comme une installation globale. Les pièces qui n’ont pas de titres propres sont toutes liées mais l’on perçoit le passage de l’une à l’autre et elles répondent à un mode différent d’activation de l’image.
L’image mouvante est le principe de chaque installation, que le mouvement soit intrinsèque à l’œuvre dans les tableaux animés composés d’un écran de télévision et d’un mini- ordinateur ou qu’il soit généré par l’action du spectateur, son souffle, son battement de main ou ses pas.
La salle André Arsenec devient pour la durée de l’exposition, le QG de l’artiste, son atelier, car l’exposition est un work-in-progress, susceptible d’évolutions. En effet David Gumbs entend tirer parti des moyens techniques et de la hauteur de plafond pour peaufiner ses réglages, pousser plus avant l’expérimentation.
Aussitôt entré, vous êtes invités à accomplir un geste ancestral, à souffler dans une conque de lambi. La force de votre souffle reconfigure alors et anime l’image virtuelle projetée face à vous, sur une structure en forme de large totem dont les ailes supérieures confirment l’idée de l’envol, de l’élévation déjà perceptible dans la figure enfantée par votre expiration. La musique composée par Didier Leglise est en parfaite harmonie avec le rythme et la forme du jaillissement chatoyant des trois flux vidéo.
L’objet réel, la conque de lambi, se trouve ici confronté à ses avatars numériques.
Dans les créations de David Gumbs, le point de départ est une forme naturelle, végétale ou animale, conque de lambi, rose de porcelaine, aile d’oiseau… A l’aide d’un logiciel de traitement vidéo, David Gumbs isole l’élément, le déploie, le démultiplie, en modifie la couleur, l’axe de rotation, le rythme d’apparition, pour générer des formes organiques et fluides, qui évoquent le vivant tout en s’éloignant de la forme de départ. Ces figures déclenchent en chacun de nous l’émergence d’univers inconscients, d’associations d’idées et d’images jusque-là enfouis au plus profond de nous-mêmes. La puissance de notre imaginaire transforme la plume en feuille, la conque en haut relief sacré.
C’est à travers un capteur infrarouge que le mouvement de vos mains va provoquer la rotation de l’image dans l’installation suivante : est-ce une feuille ? est-ce une aile d’oiseau ou une carapace sub-aquatique ?
Plus loin, deux installations distinctes dialoguent dans l’espace central. Au sol, un amas circulaire de conques de lambis animés de tâches bleutées qui croissent ou se rétractent, simulant des êtres microscopiques prisonniers d’une lamelle ou les reflets des rayons du soleil sur la surface de la mer. Ce qui intéresse ici l’artiste, c’est expérimenter la projection sur un espace volumique et non plus sur une surface plane.
Sur les murs, de part et d’autre, ce sont des miroirs placés face à face pour que fusionnent reflets et images mises en abymes, qui accueillent les projections.
Enfin dernière installation interactive, au sol, l’image virtuelle d’un des dessins noirs et blancs de David Gumbs, disparaît – comme gommée – puis revient, tandis que vos pas et vos sautillements impulsent des tâches tantôt bleues, rouges ou violettes, à vous attachées comme votre ombre.
Aux côtés de ces cinq installations numériques interactives animées par l’action du spectateur, il y a les tableaux animés, composés d’un écran de télévision et d’un mini-ordinateur, qui présentent un scintillement permanent créé par le mouvement de tâches de couleur derrière un miroir gravé, mais aussi des tableaux lumineux qui offrent en apparente symétrie, une image subtilement gravée au laser sur plexiglas.
Enfin, Water and Dreams, inspiré par les textes de Gaston Bachelard est une boucle vidéo de trois minutes où une superposition d’images diverses jouent avec la profondeur, la lumière, la couleur.
Le public, manifestement séduit par cette immersion dans un univers inattendu, dans cette installation poétique et ludique aux couleurs chatoyantes et aux fluctuations ininterrompues, s’attarde et ne cesse d’en susciter le renouvellement.
DB