Un peu partout en France, l'eau est polluée par l'agriculture productiviste. Des pesticides ont été décelés en 2012 dans 89 % des cours d'eau surveillés, selon le ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie. Avec plus de 20 pesticides différents dans 26% des cas !
Dans les eaux souterraines, " 221 substances, ont été quantifiées au moins une fois dans les nappes en 2012 ", écrit encore le ministère. On trouve jusqu'à 35 pesticides différents dans une eau souterraine prélevée en Ile de France ! Les pesticides ne sont pas tout seuls, ils se mélangent aux nitrates, présents également en surface et sous terre.
Produire propre coûte 27 fois moins cher que de dépolluer
Mais on peut inverser la situation comme le prouve l'expérience de Munich en Allemagne.
La ville constate en 1991 que les teneurs en pesticides et en nitrates (+ 0,5 microgramme/litre/an entre 1975 et 1991) augmentent dans l'eau depuis les années 1960. Elle décide de réagir. Elle incite alors les agriculteurs à passer en bio sur les terres de la zone où l'eau est captée (2250 hectares). Au fil des ans, l'eau retrouve sa pureté. Sans traitement, sa qualité est proche aujourd'hui de celle d'une eau minérale.
Dans les années 2000, Munich se rend vite compte que l'expérience est rentable en faisant ses comptes : elle débourse 750 000 € par an pour aider les agriculteurs bio, soit moins d'un centime d'euro par mètre cube d'eau distribuée !
A titre de comparaison, selon le ministère français de l'Ecologie français, pour enlever les nitrates d'une eau en contenant plus de 50 microgrammes/litre, la dépense est de 27 centimes d'euros par mètre cube d'eau distribuée. Quant aux pesticides, en éliminer l'équivalent d'un kilo coûte 60 000 € !
Le calcul est vite fait : pour dépolluer l'eau, investir dans le développement de l'agriculture bio coûte beaucoup moins cher que d'enlever les nitrates.
Atteindre 20% de surface en bio dans les zones de captage d'eau
Le succès de Munich a convaincu quelques élus en France. Des collectivités ont décidé de tenter l'expérience, aidés par la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB), à travers un programme appelé " Eau et Bio ". Lancé en 2009, ce programme regroupe aujourd'hui 12 sites pilotes et 25 projets sur des zones où l'eau doit être protégée. C'est encore un début.
" Nous voudrions un site pilote par département. Et 20% de surfaces en agriculture biologique dans les zones de captage sensible pour obtenir des résultats ", a déclaré Guillaume Riou, secrétaire national de la FNAB, lors d'une journée sur ce sujet le 19 janvier.
En 2015, Fouesnant en Bretagne a adhéré à " Eau et bio ". Un symbole. Objectif : lutter contre les algues vertes. La volonté des élus est là mais le passage à la bio se fait lentement.
Car sur le terrain, les freins sont nombreux, particulièrement en zone de production agricole intensive. Le sujet est souvent conflictuel. Et aucun règlement ne permet aux collectivités d'imposer des changements pour lutter contre les pollutions. Elles sont ainsi souvent obligées d'acheter des terres pour les convertir à la bio.
Les collectivités sont aujourd'hui prêtes à s'engager, les outils existent, le réseau FNAB et ses partenaires sont en ordre de marche auprès des pouvoirs publics, il faut maintenant passer de la parole aux actes pour une politique d'intérêt général. Le choix de miser sur l'agriculture biologique pour dépolluer l'eau potable est une question de bon sens écologique et économique.
Anne-Françoise Roger