Bonjour,
J'étais vendredi en journée départementale des professeurs-documentalistes. Après une matinée conférence sur le numérique et l'évaluation de l'information, l'après-midi était consacrée à la réforme du collège, en présence de nos IPR . Nous avons donc pu échanger et ouvrir un débat. Malheureusement, aucune réponse positive... La réforme, nous l'avons prise en pleine figure.
Ma collègue Marie Ligonnière-Wouenzell a réagi le soir même en envoyant un texte sur les listes de diffusion des professeurs-documentalistes. Je reprend ici, avec son autorisation, quelques unes de s es phrases, que j'ai complétées.
Les IPR nous ont assuré que les professeurs documentalistes étaient des experts en EMI, que notre rôle était essentiel, que nous étions en quelque sorte les maîtres d'oeuvre. Mais, la documentation (ou l'info-documentation), nous ont-ils annoncé, n'est pas une discipline, car elle n'apparaît pas à la DHG - ce qui n'est pas nouveau, mais nous avions obtenu il y a quelques années déjà le fait d'enseigner l'info-doc aux élèves de 6èmes - au moins, tous les élèves sortaient de 6ème avec le même bagage en connaissances et compétences info-documentaires. Pour les autres niveaux, nous travaillons par projet en collaboration avec les professeurs des autres disciplines et pouvions faire acquérir d'autres notions aux élèves.
L'an prochain, toujours pas de DHG, donc pas de cours d'info-doc pour les 6èmes à l'emploi du temps. Où est le prof-doc ?
L'an prochain, pourrais-je donner des cours aux 6èmes ? Impossible de rajouter des heures aux 26h de l'EDT. A moins de se positionner sur les AP 6ème. Mais là, si je suis seule, il faut appliquer le décret 1h de cours + 1h de préparation/correction (décret du 20 août 2014 : la loi c'est la loi, mais les chefs d'établissement font au final comme ils le veulent ! s'ils veulent que le CDI soit ouvert tout le temps, il le sera...). Si je suis en binôme avec un collègue de français ou d'histoire-géo ou autre, je peux faire de l'info-doc, mais le décret ne s'applique pas (finalement, ce n'est pas si grave) et sur l'EDT des élèves, ce sera marqué français ou histoire-géo, mais jamais info-doc ou initiation rech doc. Quelle lisibilité pour les élèves, pour les parents ? Quelle reconnaissance de notre statut de professeur et de notre enseignement ? Où est le prof-doc ?
L'an prochain, les cours d'EMI, notre domaine d'expertise, peuvent être prise en charge par tous les enseignements.
L'an prochain, si je participe à des EPI, je n'ai pas le droit d'être porteuse de projet (ben non, puisque que la documentation n'est pas une discipline et que l'EMI n'est pas une discipline mais une "éducation à", comme l'éducation à la citoyenneté ou l'éducation à la santé...). Il faudra 2 professeurs porteurs du projet, et moi, professeure-documentaliste, je pourrais participer à cet EPI, oui, bien sûr, mais en tant que 3ème roue du carrosse.... Rappelons que dans les textes de cette réforme, le professeur-documentaliste a un rôle essentiel dans l'EMI... Ah bon ? Où est le prof-doc ?
Et puis, si je participe à des EPI, ce ne sera bien évidemment pas considéré comme des heures d'enseignement, et cela n'apparaîtra pas sur les emplois du temps. Où est le prof-doc ?
L'an prochain, je devrai quémander des élèves et des heures aux professeurs de discipline, oublier toute idée de progression pour tous les élèves : comment participer, si cela est possible, à tous les AP et tous les EPI ? Tous les élèves n'auront donc plus la possibilité d'acquérir les compétences de formation à l'information, à l'esprit critique des médias... pour devenir un citoyen de demain. Certains élèves, eux, pourront parce qu'ils auront été dans le bon EPI ou le bon AP au bon endroit au bon moment. Et après, on nous dit de ne laisser personne au bord du chemin... Quelle hypocrisie !
L'an prochain, mais surtout les années suivantes, à chaque changement de collègues, de personnel de direction, je devrai de nouveau me battre et me justifier.
L'an prochain, puisque je n'apparaîtrai plus dans l'emploi du temps, comment apparaître dans le bulletin des élèves, quelle légitimité aurais-je dans un conseil de classe ? Où est le prof-doc ?
C'est pourquoi, plus que jamais, demain, je ferai grève pour montrer mon mécontentement, mon angoisse et mon inquiétude professionnelle.
Je ne baisse pas les bras, mais je vous assure que je suis vraiment mal, et il y a de quoi être découragé, mais c'est usant de devoir se battre pour obtenir de la reconnaissance...
Dernière chose, et là je reprend les mots de Pascal Duplessis, formateur à l'ESPE, et auteur du site des Trois Couronnes.
"Imaginez : C'est comme si l'on jouait aux cartes. Je vous distribue des cartes, plein, vous pouvez faire plein de choses supers, parce que vous êtes essentiels. Mais vous n'avez pas le droit de venir à la table de jeu. Dommage !"